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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 16:34
Le Temple dont il parlait c'était son corps (Origène)

Par Origène (v. 185-253),

prêtre et théologien 
Commentaire sur St Jean 10,20 (trad. Thèmes et figures, coll. Pères dans la foi, DDB 1984, p. 132) 



 

« Le Temple dont il parlait c'était son corps »


 

« Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai »...

L'un et l'autre, le Temple et le corps de Jésus, sont à mes yeux un symbole de l'Eglise... Le Temple sera relevé et le corps ressuscitera, le troisième jour...

Car le troisième jour surgira dans un ciel nouveau et une terre nouvelle (2P 3,13), quand les ossements, c'est-à-dire toute la maison d'Israël (Ez 37,11), se dresseront au grand Jour du Seigneur, et que la mort sera vaincue... 


    De même que le corps de Jésus, assujetti à la condition humaine vulnérable, a été fixé à la croix et enseveli, puis a été relevé, ainsi le corps total des fidèles du Christ a été « fixé à la croix avec lui » et « désormais ne vit plus » (Ga 2,19).

En effet, comme Paul, chacun d'eux ne se glorifie de rien d'autre que de la croix de notre Seigneur Jésus Christ, qui a fait de lui un crucifié pour le monde et du monde un crucifié pour lui (Ga 6,14)...

« Car nous avons été ensevelis avec le Christ » dit Paul, qui ajoute, comme s'il avait reçu quelque gage de la résurrection :

-« Et avec lui nous nous sommes relevés » (Rm 6,4-9).

Chacun marche alors dans une vie nouvelle, mais qui n'est pas encore la résurrection bienheureuse et parfaite...

Si quelqu'un est maintenant mis au tombeau, un jour il ressuscitera.

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 15:50
Chrétiens de Syrie: Le mensonge organisé des médias français ?... (Opinion)
Chrétiens de Syrie: Le mensonge organisé des médias français ?... (Opinion)


(Source: http://www.mondialisation.ca/chretiens-de-syrie-le-mensonge-organise-des-medias-francais/5432998 )
 

 

Dans cette deuxième chronique de la série « Syrie : Comment les médias français intoxiquent l'opinion publique », écrit en 2013, François Belliot * montre comment la presse française a donné la parole presque exclusivement à un prêtre italien pour dénoncer le « régime de Bachar », alors même que la totalité des évêques et Patriarches chrétiens de Syrie le soutient. Il ne s'agit bien sûr que d'un exemple du biais médiatique en Occident, ce prêtre ayant été invité aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe. [Arrêt sur Info]

Photo: Bachar el-Assad, que Sarkozy / BHL pensaient faire tomber comme Kadafi en Libye, félicite l'armée de défense syrienne pour sa résistance contre les groupes terroristes financés et armés par l'étranger

Il existe bien des façons de démontrer que la Syrie est victime depuis mars 2011 d'une campagne de propagande intense visant à persuader l'opinion « occidentale » de la nécessité d'armer l'opposition et de renverser Bachar el-Assad, « l'ignoble-dictateur-qui-torture-et-massacre-son-propre-peuple ». On peut évoquer l'imposture que constitue le prétendu Observatoire syrien des Droits de l'homme (OSDH), on peut rapporter des témoignages qui vont dans le sens inverse de la version officielle, on peut remonter l'histoire et constater que la déstabilisation actuelle de la Syrie depuis l'étranger s'inscrit dans une dynamique très ancienne (Sykes-Picot, 1916) dont la crise actuelle ne constitue que la dernière étape, on peut faire la comparaison avec d'autres campagnes de propagande ayant abouti aux renversements de chefs d'Etat sur la base de fausses preuves (Saddam Husseïn, Mouammar el-Kadhafi), on peut évoquer le jeu d'alliances de la Syrie avec le Hezbollah et l'Iran, qui gêne les velléités expansionnistes d'Israël et s'oppose au plan de remodelage par les États-Unis du « Moyen Orient élargi, on peut souligner les intérêts gaziers et pétroliers dans la région, qui font de la Syrie une proie d'autant plus convoitable que ses ressources d'énergie fossile restent largement à exploiter.

On peut aussi pointer la loupe sur certains personnages mis en avant dans les médias traditionnels. La propagande pour être crédible s'appuie sur des témoins de choix, souvent minoritaires dans le camp qu'ils sont censés représenter. En comparaison, d'autres personnes, souvent plus nombreuses et plus représentatives, sont systématiquement écartées des plateaux, voire diffamées sans qu'elles aient la possibilité de se défendre médiatiquement.

Le cas du père Paolo Dall'Oglio, censé représenter le point de vue des chrétiens de Syrie, omniprésent dans les « grands médias » à l'automne 2012, et de nouveau au mois de mai 2013, à la différence d'autres personnalités bien plus représentatives, permet de démontrer de façon irréfutable que le traitement de la crise syrienne par l'appareil politico médiatique occidental est presque intégralement mensonger et orienté.

L'histoire que je vais raconter commence par une conférence organisée à Paris en septembre dernier.

Père Paolo Dall'Oglio

Une conférence sur la Syrie à la mairie du XXème arrondissement de Paris

Le 25 septembre 2013 était organisée, dans la salle des fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris, une conférence intitulée « Regards croisés sur la Syrie ». Elle mettait en scène un intervenant unique, le père Paolo Dall'Oglio. Elle était prévue pour durer deux heures, une heure de parole pour le père Paolo suivie d'une heure d'échange avec le public.

Habitué depuis des mois à passer chaque matin devant cette mairie, j'avais forcément remarqué une immense banderole qui en recouvrait la façade, et qui appelait par un biais tendancieux à la fin des massacres en Syrie. La mairesse du XXème arrondissement, Frédérique Calandra avait à l'évidence choisi son camp : celui de l' « opposition », contre celui du « régime de Bachar el Assad »[i].

Je savais plus ou moins à quoi m'attendre en me rendant à cet événement ; mais c'était tout de même une bonne occasion d'entendre quelqu'un qui avait vécu longtemps en Syrie et qui pouvait donner le point de vue d'un témoin direct confortant la version officielle. Je n'avais jamais entendu parler du père Paolo Dall'Oglio. Son nom m'avait échappé dans le flot d'actualités quotidien sur la Syrie, et les médias indépendants eux-mêmes n'y avaient guère prêté attention.

La salle des fêtes de la mairie du XXème était très bien remplie, 300 personnes au jugé. A proprement parler ce n'était pas une conférence, mais un jeu de questions réponses entre un journaliste et le père Paolo. Il ne s'agissait donc pas de « Regards croisés », comme suggéré dans l'intitulé de la conférence, mais du « regard » du père Paolo, qui n'était affligé d'aucun strabisme convergent. Le journaliste, étant complètement acquis à la cause du père il n'y avait pas de contradicteur dans ce « croisement ».

Je commençai à prendre des notes. La salle était mal insonorisée, et le père Paolo, en plus de s'exprimer dans un français parfois incertain, était dur à suivre dans son exposé. Il rendit hommage à la révolution tunisienne et à la révolution égyptienne, plus généralement au printemps arabe, dans lequel s'inscrivait naturellement selon lui la révolution syrienne[ii]. Il insista sur la pratique systématique de la torture et l'emprisonnement des opposants par le « régime de Bachar el-Assad ». Il se félicita d'avoir en juin 2011 tiré la sonnette d'alarme : « le régime » était construit exclusivement sur le mensonge, cela faisait partie de son ADN. A deux reprises il compara ceux qui remettaient en cause la version officielle de la révolution syrienne à ceux qui remettaient en cause la version officielle du génocide des juifs, qu'il assimila ainsi à du négationnisme et à une pathologie de l'esprit. Il expliqua que la négation de la version officielle était le fait de forces d'extrême gauche et d'extrême droite coalisées pour l'occasion. Il fustigea le rôle de la Russie, qui mettait régulièrement des vetos aux résolutions de l'ONU contre la Syrie, car elle pensait à tort avoir été bernée sur l'affaire libyenne, l'année précédente, et sur l'affaire du Kosovo, il y a quelques années. Il expliqua, quoiqu'il fût prêtre et par nature religieuse opposé à l'usage de la force, qu'il fallait cependant armer les rebelles (en ne se trompant pas sur les destinataires) et qu'il y avait un devoir d'ingérence à intervenir en Syrie. Il nia absolument le fait qu'il pût exister une alliance entre le Qatar, l'Arabie saoudite, la France et le Royaume Uni (je rajoute la Turquie et la Jordanie qu'il a omises dans sa liste), pour déstabiliser la Syrie. Et si l'ONU ne pouvait résoudre le problème… c'était une théorie du complot diffusée par « le régime » pour cacher ses exactions, il devenait urgent de « passer outre le droit international ».

Le journaliste osa poser une question cruciale : comment lui, chrétien, prêtre qui plus est, pouvait-il appeler à armer l'opposition ? N'y avait-il pas là une contradiction fondamentale ? Une personne du public relaya cette préoccupation. Cette question fut posée en préambule, et le père Paolo y répondit avec certains des arguments que je viens d'énumérer. Je passe sur la séance de questions qui s'ensuivit. Elles furent pour la plupart extrêmement consensuelles, et beaucoup dans la même veine persuasive plus que convaincante qu'avait employée le père Paolo. Je me souviens en particulier d'une dame explosant sur un ton hystérique : « Vous attendez quoi ? Les chambres à gaz ? Le Christ était le premier martyr ! Il y a des milliers de Christs en Syrie ! » Elle avait sans doute lu la chronique de désinformation de Caroline Fourest dans l'édition du Monde du 25 février 2012[iii], suggérant que l'Iran avait fourni un four crématoire à la Syrie qui « tournerait déjà à plein régime » dans la région d'Alep.

La seule question un peu dissidente fut posée par une femme qui pointa la responsabilité éventuelle de puissances étrangères dans la déstabilisation de la Syrie. Elle put s'exprimer mais fut la seule que l'on pressa de remettre le micro alors qu'elle déroulait son intervention. Elle fut moquée par le père Paolo qui, sans le moindre argument, l'accusa de pratiquer des amalgames, alors que lui-même n'avait fait que ça pendant son intervention.

Quand la conférence fut terminée, je découvris des Syriens contestant la version officielle, que j'avais eu l'occasion pour certains de rencontrer lors de diverses manifestations et nous nous retrouvâmes autour d'un verre dans une brasserie de la place Gambetta. Je m'enquis du personnage et l'on m'en fit une brève présentation, que je complète avec certains détails utiles.

Paolo Dall'Oglio est un religieux jésuite italien né à Rome en 1954. Après un passage par le Liban en 1982, il découvre le monastère Deir Mar Moussa en Syrie, et décide de consacrer sa vie à sa restauration. En 1992 il fonde une communauté œcuménique religieuse mixte qui promeut le dialogue islamo-chrétien. Dans le prolongement de cette démarche, il publie, en 2009, Amoureux de l'Islam, croyant en Jésus. Quand les troubles commencent, début 2011, il prend parti pour l'opposition, allant jusqu'à demander publiquement qu'on lui fournisse des armes. En juin 2012, à la demande de l'ensemble des Eglises de Syrie et du gouvernement, son visa n'est pas renouvelé et il doit quitter le pays[iv]. Depuis, l'homme a été très massivement relayé dans les médias commerciaux de masse (New York Times, Le Figaro, etc.) et a été reçu par les plus hautes autorités de divers Etats engagés dans le conflit aux côtés de l'Arabie saoudite, du Qatar, et de la Turquie.

Chacun y alla ensuite de son anecdote, touchant soit son expérience personnelle en France ou en Syrie, soit sur un aspect de la conférence. L'un des Syriens m'apprit qu'il avait levé la main pour poser une question (qui fatalement n'irait pas dans le sens des organisateurs de la conférence), et qu'alors il fut montré du doigt par un des organisateurs, avec un signe d'interdiction. L'homme était intervenu dans des circonstances comparables et avait été repéré comme un contestataire gênant de la pensée unique officielle, que l'on devait en conséquence contenir ou réduire au silence. Consigne fut ainsi donnée de l'empêcher de prendre la parole. Je me souvenais alors que ce n'était pas la première fois que j'étais confronté à ce genre de censure, et je rapportais ce qui m'était arrivé à la Fête de l'Humanité.

Rencontre de l'association Souria Houria à la Fête de l'Humanité

Me promenant dans le « Village international » de la Fête de l'Humanité, j'étais entré, curieux, dans un stand « syrien ». Il s'agissait d'un groupe de personnes soutenant la version officielle de l'OTAN et d'al-Jazeera. Ils appelaient à la mobilisation contre Bachar el-Assad, invoquaient les devoirs de la « Communauté internationale », la nécessité du « droit d'ingérence humanitaire ». Quatre intervenants s'étaient succédé en l'intervalle de 40 minutes. Au terme de cette tribune commune, j'avais pris la parole (nous n'étions guère nombreux, et le stand d'à côté avait une sono tonitruante), pour contester leur vision de la situation, qui passait sous silence le fait que d'horribles massacres étaient perpétrés par des mercenaires fanatiques financés par le Qatar et l'Arabie saoudite et appuyés logistiquement par l'OTAN et les services de renseignement alliés. La réaction des tenanciers du stand avait été éloquente : dans un premier temps l'un d'entre eux m'avait pris gentiment par le bras pour m'inviter à quitter les lieux. Comme j'avais protesté contre le procédé, on m'avait confronté à un « militant de l'ASL » qui pendant 10 minutes m'avait reseriné la version officielle. Je n'avais pu malheureusement lui répondre de façon développée. Alors que j'avais patiemment écouté son discours, je n'avais pu, en guise de réponse, prononcer plus de trois phrases. Un concert de huées s'était allumé. Des gens s'étaient senti le devoir de m'interrompre, visiblement émus et hors de raison. Sentant qu'il me serait difficile de m'exprimer, j'étais sorti, bruyamment accompagné par une chanson qu'ils s'étaient mis soudain à entonner en chœur et à pleins poumons.

 

Le groupe terroriste ASL est une création de services secrets étrangers

Les tenanciers de ce pavillon n'étaient autres que les organisateurs de cette conférence du 29 septembre, qui s'appelait Souria Houria (Syrie Liberté). Dans la pratique de la censure et le mépris de la liberté d'expression, nous avions affaire-là à une cohérence indéniable. Ces gens qui critiquaient le régime massacreur, désinformateur, qui appelaient au devoir d'ingérence humanitaire, pour parvenir à leurs fins n'hésitaient pas à trier les questions du public de leurs conférences, et refusaient de débattre avec des gens ayant un autre point de vue que le leur (tout en laissant passer des réactions hystériques du genre de celle de la femme que j'ai rapportée plus haut). Et quand ils se trouvaient dans l'obligation de répondre, ils se mettaient immédiatement en colère, faisaient des comparaisons avec le négationnisme, coupaient la parole, ou se mettaient à entonner des chants en troupeau.

Je me souviens qu'à un moment de la conférence de Paolo dall'Oglio, ils se sentirent d'entamer la même chanson avec laquelle ils avaient fêté ma fuite. Cependant ils n'étaient plus entre eux et l'initiative était déplacée. Peu suivis (et compris) par les 300 assistants, ils se turent après quelques syllabes.

Il faut s'arrêter un peu sur cette association Souria Houria, qui soutient aveuglément, avec un argumentaire minimal, et des pratiques douteuses, la version officielle relayée par les grands médias commerciaux. Cette association est depuis sa création en mai 2011 de toutes les actions et manifestations organisées en France appelant à la chute du régime. Lors d'une journée de soutien place de la Bourse, on entendit l'un de ses membres à la tribune se vanter qu'à présent ils brassaient des millions. Elle était au centre du « Train pour la liberté du peuple syrien », le 12 décembre dernier, qui emmenait des citoyens et des parlementaires français de Paris à la rencontre de parlementaires européens à Strasbourg. Elle était au cœur du débat truqué organisé à l'Institut du Monde Arabe (IMA) le 24 février (voir ma précédente chronique[v]) dernier au cours duquel un des membres de Souria Houria siffla violemment une personne qui prenait la parole pour contester la version officielle. Enfin, c'est cette association qui est motrice de la « Vague blanche pour la Syrie », « manifestation internationale (lancée) le vendredi 15 mars à l'occasion des deux ans de la « révolution syrienne », que relaieront massivement les organes habituels de la propagande de guerre de l'OTAN : TV5 monde, Bfmtv, France 24, LCP, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, Libération, Mediapart, Rue89, Radio France.

 

L'association Souria Houria a été fondée en mai 2011 par Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne qui travaille en France depuis 30 ans et elle en en a jusqu'à récemment assuré la présidence. Hala Kodmani a été rédactrice en chef de France 24 d'octobre 2006 à septembre 2008, et chargée de la rubrique Syrie au journal Libération pendant une grande partie de la crise qui secoue ce pays depuis 2 ans. Mais la place centrale qu'elle occupe dans la contestation syrienne en France s'explique surtout par l'influence de sa sœur Bassma Kodmani, qui a participé à la fondation du Conseil National Syrien lancé en octobre 2011 à Istanbul. Bassma Kodmani (je renvoie à mon précédent article sur le débat truqué à l'IMA), est considérée comme la principale représentante des intérêts des USA dans cet organisme. Il est savoureux (outre les conflits d'intérêt évidents), de remarquer que dans le même temps où l'opposition dénonce que « Bachar n'a pas le droit d'être président de la Syrie car il a hérité le pouvoir de son père ! », les sœurs Kodmani (qui ne représentent strictement rien pour le peuple syrien), font ce qu'elles dénoncent en parole en se distribuant familialement les rôles au sein de la « rébellion » en France.

Les Syriens avec qui je discutais, place Gambetta ce 25 septembre, défendaient une position aux antipodes de celle de Souria Houria et du gouvernement et des médias français. La discussion roula évidemment sur la situation en Syrie et sur notre curieux conférencier en soutane. Cet homme ne représente rien, m'affirma-t-on. Il ne représente en aucun cas les chrétiens de Syrie, qui soutiennent majoritairement (à l'instar du reste du peuple syrien) le gouvernement d'el-Assad, et pour cause, avec les alaouites, les chrétiens dès le début du conflit étaient une cible privilégiée des mercenaires islamistes.

Ils me rapportèrent diverses exactions commises par les mercenaires, exactions toutes plus horribles les unes que les autres et qui montraient, au moins, que la présentation de la crise syrienne par le père Paolo Dall'Oglio était une caricature illégitime et dépourvue de toute nuance. Au vu du caractère édifiant de ces témoignages, on comprenait aisément pourquoi on n'en entendait jamais parler dans les grands médias commerciaux. Ils étaient si forts et si nombreux que les relayer même en passant porterait un coup fatal à la propagande des puissances engagées dans la déstabilisation du gouvernement Assad.

En rentrant chez moi je décidai de m'intéresser plus en détails à l'histoire de ce curieux prêtre, et j'entamai une recherche internet.

La campagne médiatique autour du père Paolo dall'Oglio

Il est peu question du père Paolo dall'Oglio avant son départ de la Syrie en juin 2012, pour non-renouvellement de visa. On relève un article dans Pèlerin du 10 août 2011 favorablement intitulé : « En Syrie la parole se libère »[vi]. Les troubles agitent le pays depuis la fin du mois de mars. Il vient de publier avec une dizaine de Syriens laïcs et religieux une contribution intitulée « Démocratie consensuelle pour l'unité nationale », dans laquelle il appelle à la mise en place « d'un système pour amener la Syrie vers une démocratie parlementaire. Car la démocratie est la seule voie possible pour mettre un terme à ce bain de sang et faire respecter les droits de l'homme, qui sont universels : tous, que nous soyons d'Orient ou d'Occident, nous nous retrouvons dans cette idée humaniste. » L'homme n'appelle pas encore à « armer l'opposition », mais comme des membres de son groupe appellent ouvertement à « la chute du régime », il est rabroué par les autorités et les différentes Eglises chrétiennes qui désapprouvent son initiative.

Le 8 janvier 2012, Rue 89 publie un article de Nadia Braendel intitulé « Mar Moussa, un monastère pris dans la révolution »[vii]. Le père Paolo y est présenté comme une « icône de la contestation ». On apprend que le père Paolo a pu rester en Syrie, malgré une décision d'expulsion envoyée à l'évêque de Homs. Il s'est engagé à ne plus prendre de position politique. Mme Braendel rapporte pourtant les propos ambigus suivants : « Il faudra peut-être une force d'interposition pacifique arabe et occidentale, car aujourd'hui il y a 100000 Syriens prêts à tuer, et 100000 qui se vengeront. Les deux camps sont bloqués ». Le 21 mai 2012 le site RMC.fr fait paraître un article complaisant de Nicolas Ledain intitulé : « Syrie : des religieux chrétiens font de la résistance »[viii]. Le journaliste relate les problèmes rencontrés par les religieux de Mar Moussa, victimes de menaces et de pillages de la part de bandes armées non identifiées, et clôt son article en faisant un rapprochement avec la situation des moines de Tibhérine en 1996.

On ne peut pas dire jusque-là que le père Paolo occupe une place de choix dans la couverture des événements en Syrie. C'est son expulsion du territoire syrien le mois suivant qui va donner le coup d'envoi d'une impressionnante campagne médiatique dans plusieurs pays. Cette expulsion est relatée dans Le Point du 16 juin[ix]. Très amer, le père Paolo déclare : « C'est mon cadavre qui a quitté la Syrie ».

Tel Paul en son temps, le père Paolo prend son bâton de missionnaire et, financé on ne sait comment, entame une série de voyages en Europe et Amérique du Nord, au cours desquels il va dispenser largement la bonne parole appelant à la chute du « régime » en Syrie, en armant au besoin l'opposition. Il effectue une longue tournée qui va le mener aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en France et en Belgique. A chacun de ces passages, le témoignage du père Paolo fait l'objet d'une couverture médiatique massive et unanimement louangeuse.

Je m'intéresse essentiellement dans cette chronique à ses deux passages en France, en septembre 2012 et mai 2013, et à la campagne médiatique. L'homme ayant été depuis, par une ironie du destin surprenante, assassiné par l'Etat Islamique fin juillet 2013, j'ai été amené à prolonger ce parcours et le traitement médiatique qui l'a accompagné jusqu'à la mi 2014, des commémorations étant régulièrement organisées et médiatisées dans la période qui suit la disparition du Jésuite.

 

Le coup d'envoi de cette campagne est lancé par notre ministre des Affaires étrangères en personne. Invité au Quai d'Orsay par Laurent Fabius, notre religieux à l'honneur et le privilège de pouvoir tenir un point presse de 20 minutes en sa compagnie[x]. Il le présente comme « une personne réputée » et « bien informée », et après ces propulsions louangeuses lui donne la parole. Ce coup de projecteur bienvenu lance la campagne médiatique. Le lendemain, 12 septembre 2012, il est interviouvé sur France inter[xi], et sur RTL[xii] par Yves Calvi, et des articles lui sont consacrés dans La Croix[xiii] et Le Parisien[xiv]. Le 24 septembre, deux blogs du journal Le Monde et de Médiapart[xv] annoncent la tenue de la conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris. Le 25 septembre, le Courrier International publie un long entretien (l'entretien n'est plus accessible que sur le site ConspiracyWatch[xvi]). Le 26 septembre, le quotidien gratuit 20 Minutes lui consacre un article, et il est longuement interviouvé sur la chaîne France 24[xvii]. Le 27 septembre l'Express lui consacre un article dans lequel il est présenté comme « la conscience de la révolution »[xviii]. Le 28 septembre, c'est Pélerin qui relaie ses positions appelant à armer l'opposition[xix]. Le 30 septembre il est longuement interviouvé par RFI[xx].

 

On voit que cette couverture médiatique se concentre autour de deux pics : le point presse tenu en commun avec Laurent Fabius au Quai d'Orsay au début du mois de septembre, et son second passage en France après une tournée en Belgique qui a culminé le 18 septembre avec la rencontre au parlement de deux vice-présidents de cette institution : Gianni Pitella et Isabelle Durant[xxi]. C'est à cette occasion, le 29 septembre, qu'il est invité par l'association Souria Houria, à tenir une conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris.

Comme les médias ont l'habitude d'accorder une couverture massive sur plusieurs jours à certains événements, et qu'une fois le matraquage opéré, ils passent à autre chose pour ensuite n'en plus jamais parler, la plupart des gens qui suivent l'actualité dans les grands médias ont sans doute oublié cette fenêtre exceptionnelle dont a bénéficié le père Paolo. Quand on fait toutefois le bilan de cette couverture, force est de constater qu'aux alentours de ces deux dates, il était difficile d'échapper au personnage si on ouvrait un journal, allumait une station de radio, ou de télévision.

Il faut ajouter qu'il a été extrêmement bien traité par les médias cités. Pas une fausse note (comme dans le débat à l'Institut du Monde arabe du 24 février dernier) dans le concert de louanges et la diabolisation de Bachar el-Assad. Et si certains montrent tout de même un peu de retenue, la plupart prennent tout ce qu'il dit pour argent comptant et lui sont totalement acquis.

***

Alors que je suis en train de finaliser cette chronique, (mai 2013) je découvre que le père Paolo nous honore d'un troisième séjour, tout aussi engagé que les précédents, et tout aussi massivement couvert par les grands médias. Ses aventures seraient incomplètes si j'omettais ce nouvel épisode qui conforte ma démonstration.

Les affaires n'ont jamais si bien marché pour le père Paolo dall'Oglio. Depuis septembre 2012, il a eu le temps de roder et d'affuter son discours, mais surtout d'écrire un livre de témoignage sur sa perception des événements de Syrie. Ce livre, intitulé La Rage et la Lumière, coécrit avec Eglantine Gabaix-Halié[xxii] et édité aux éditions de l'Atelier[xxiii], est évidemment salué en ce moment par l'ensemble des médias qui de nouveau se bousculent pour l'entendre cracher son venin et faire la promotion du chef d'œuvre.

Le 1er mai il est interviouvé sur France info[xxiv] ; le 2 mai, en compagnie de Hala Kodmani sur France Culture[xxv] ; le 3 mai, par Armelle Charrier sur France 24 ; le 5 mai, sur France Inter, en compagnie de Jean-Pierre Filiu et Fabrice Weissman (deux des intervenants du débat truqué à l'IMA du 24 février) ; le 7 mai, dans La Vie par Henrik Lindell[xxvi]. Le 8 mai, le site Souria Houria publie le programme du père Paolo dall'Oglio lors de ce nouveau séjour en France[xxvii]. On y apprend que l'homme amorce une tournée à travers la France : le 16 mai conférence-débat au centre Sèvres à Paris ; le 21 mai, conférence-débat à Lyon organisée avec l'Hospitalité Saint-Antoine ; le 22 mai conférence-débat à Nîmes avec la librairie Siloë ; le 27 mai, conférence-débat organisée par Souria Houria à Paris ; le 28 mai à Strasbourg, rencontre à la librairie Kleber. Le 9 mai, Pèlerin fait paraître les bonnes feuilles de son livre témoignage, accompagné d'un portrait idéalisé.

Vraiment, l'histoire du père Paolo a tout d'une success story ; alors que, comme nous le verrons plus loin, toutes les autorités chrétiennes de Syrie qui contestent la version officielle sont totalement passées sous silence ou gravement diffamées, lui à chacun de ses passages est accueilli par les grands médias français (renommés comme chacun sait pour leur intégrité et leur indépendance), comme le messie, et traité comme tel. Ce troisième passage en France confirme de façon éclatante l'impression laissée par ses deux premiers séjours en septembre 2012.

Le discours du père Paolo

Au-delà de la couverture médiatique exceptionnelle dont il a bénéficié à chacun de ses passages, est du plus haut intérêt la teneur des discours du père Paolo Dall'Oglio. Si l'homme est souvent vague et dur à suivre, si l'on y prête attention on s'aperçoit que son discours s'articule autour d'un nombre de positions constant, qu'il défend à chaque fois de la même façon. Pour être plus précis, son discours colle toujours remarquablement à la version officielle des médias occidentaux de la zone OTAN.

Comparaison avec les « négationnistes »

Presqu'à chacune de ses interventions, le père Paolo utilise ce que Viktor Dedaj appelle des « tazzers idéologiques »[xxviii]. Un tazzer idéologique est un argument dont la fonction est de rendre tout débat impossible en plaçant son contradicteur devant des accusations d'une telle gravité qu'elles peuvent le foudroyer psychiquement et le rendre impotent dans le débat subséquent.

En l'occurrence le père Paolo n'hésite jamais à brandir le tazzer idéologique suprême à savoir l'accusation de négationnisme et la comparaison avec la version officielle du génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale : ceux qui remettent en cause la version officielle des sanglants événements de Syrie (c'est « Bachar » et ses miliciens qui assassinent en masse leur propre peuple en n'hésitant pas à recourir aux moyens les plus sales et les plus répréhensibles), sont les mêmes que ceux remettant en cause la version officielle de cet événement. L'Expressrapporte ainsi : « Il évoque pêle-mêle le Réseau Voltaire et les responsables ecclésiastiques chrétiens ou musulmans qui, selon lui, donnent la parole religieuse au mensonge d'Etat, nient la révolution et la réduisent à un fait de sécurité liée au terrorisme. C'est un négationnisme incroyable, ajoute-t-il, qui est le fait d'identitaires à l'extrême-droite et d'anti-impérialistes à gauche. Ceux qui ont nié la Shoah nient la révolution syrienne ! [xxix]» On retrouve la même position dans l'entretien publié par le Courrier International : « Dans le fond, il n'est pas étonnant que les derniers alliés objectifs du régime syrien soient ceux qui ont toujours nié le génocide du peuple juif et, aujourd'hui, nient la révolution du peuple syrien. » et dans La Libre Belgique[xxx] : « Je voudrais savoir aussi pourquoi les tenants en Europe du négationnisme de la Shoah, parmi les traditionalistes catholiques extrêmes, anti-impérialistes et antiaméricains, alliés aux anticapitalistes et staliniens, sont aujourd'hui du côté du négationnisme syrien et sont sensibles à la sirène Agnès » (Mère Agnès-Mariam de la Croix). Je me souviens très bien par ailleurs que le père Paolo avait fait cette comparaison lors de la conférence du 24 février à la mairie du XXème, et qu'un membre clé de cette association, quand j'avais prétendu débattre avec eux à la Fête de l'Humanité, avait usé de ce même tazzer.

Inversion de la réalité, dénonciation des mensonges des pro el-Assad et théorie du complot

Le père Paolo semble également profiter du fait que dans nos sociétés du spectacle d'Europe et d'Amérique du Nord, existe un second tazzer idéologique qui peut s'avérer très efficace, quoiqu'à force de mensonges il tende à s'émousser. Sa propagation dans les médias et, par ricochet, dans les conversations quotidiennes remonte à peu près aux attentats du 11 septembre 2001, il s'agit du concept de théorie du complot. Comme la comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, c'est une accusation que l'on profère généralement dans le but de couper court à toute conversation, de l'empêcher souvent ne serait-ce que de commencer. Pour étayer sa comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, le père Paolo énonce fréquemment que ceux qui doutent de la version médiatique des événements de Syrie errent perdus dans un labyrinthe de mensonges et de complots : « Nous faisons face à un mensonge, selon lequel il n'y a pas de révolution, mais la Syrie qui se défend contre un complot saoudien, sioniste ou occidental, et lutte contre le terrorisme islamique.[xxxi] » « (Dans les médias du pouvoir syrien) les théories du complot les plus diverses circulent. On parle d'une grande entente entre les États-Unis, Israël, al-Qaïda, les salafistes, les Frères Musulmans et la Ligue arabe, dans le but d'abattre le dernier État arabe qui n'a pas encore capitulé face au projet sioniste et n'a pas renoncé à combattre l'impérialisme… Il est évident qu'à ce niveau-là, il est difficile de discuter.[xxxii] »

Les prises de position de ce genre abondent, pour ce point je me borne à ces deux citations.

Evolution de son discours entre septembre 2012 et mai 2013

Son troisième séjour en France me contraint d'actualiser mon analyse. Les quelques mois qu'il a passé hors de France n'ont visiblement pas fait de bien au père Paolo dall'Oglio, qui atteint désormais des sommets dans les délires haineux et négationnistes.
Avec le temps le discours du père Paolo s'est radicalisé, comme si, constatant les boulevards qui lui sont ouverts par tous les médias officiels de la zone OTAN, l'impunité totale dont il bénéficie dans l'étalage de ses mensonges, de ses calomnies, et de ses incitations à la haine, il pouvait à présent tout se permettre. Peut-être aussi l'homme est-il furieux de constater que la situation sur place ne se décante guère, que ce régime qu'il déteste continue de tenir, ce qui retarde d'autant son retour à Mar Moussa.

Poursuivant sa folle fuite en avant, le père Paolo va à présent très, très loin dans ses prises de positions. Les mercenaires islamistes liés à al Qaida ? « Dans mes échanges avec eux, j'ai reconnu des hommes et des femmes qui ont une passion religieuse, un sentiment religieux que je partage. Ce sont des gens enragés mais épris de justice. Ils se sentent collectivement persécutés, attaqués et niés. Du coup, ils sont dans une psychologie d'hyper réactivité victimaire qui les amène à commettre des crimes. » La timidité des prises de position de l'Eglise catholique de Syrie ? « J'ajouterai qu'il y a de la corruption politique, sexuelle, qui se cache derrière la soumission au pouvoir. Cela fait partie d'un système de cooptation par soumission à un système autoritaire. » Les chrétiens qui ne partagent pas son point de vue ? Ce sont des « islamophobes chrétiens ». Peut-on dialoguer avec Bachar el-Assad ? « Auriez-vous accepté de dialoguer avec Hitler en 1944 ? » Le terrorisme en Syrie ? « Je propose de se passer du mot » terrorisme « . Il faut utiliser » révolutionnaire. » Le possible usage des armes chimiques par el-Assad ? « Comment ne pas y croire ? Si quelqu'un peut envoyer des missiles balistiques qui enlèvent un hectare de ville, si quelqu'un peut envoyer des bombes sur la population syrienne sans état d'âme, pourquoi aurait-il un problème pour utiliser des armes chimiques ? » Il ose dire ça, alors qu'il est à l'époque avéré que des combattants du Front al-Nosra ont utilisé des armes chimiques contre des civils syriens dans un village de la banlieue d'Alep[xxxiii].

Bilan sur les éléments de langage

Comme je le suggérais en introduisant ces leitmotivs de ses discours et réparties, il est manifeste que le père Paolo n'y exprime pas une opinion personnelle, mais qu'à l'évidence, il relaie de manière systématique des éléments de langage copiés collés des argumentaires des médias de la zone OTAN. Il ne s'en écarte jamais, et je pourrais entrer beaucoup plus dans le détail. L'indice le plus significatif de cette coïncidence me semble cette finesse avec laquelle notre prélat, qui ne s'occupe que d'affaires syriennes depuis 30 ans, relaie l'argumentaire pointant l'association entre extrême droite et extrême gauche dans la dénonciation dans la version officielle martelée en zone OTAN, qui est une construction des médias commerciaux français pour discréditer tout point de vue un peu différent (ce fameux mythe des rouges-bruns, popularisé par des propagandistes, comme Ornella Guyet, et ou des agents d'influence, comme Bernard-Henry Levi). C'est typiquement le genre d'argument qui ne peut que lui avoir été soufflé, et qu'il relaie sans vérifier, inconsciemment ou sur commande.

A suivre

François Belliot

Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français | Mondialisation

Posted: 07 Mar 2015 09:55 AM PST


http://www.mondialisation.ca/chretiens-de-syrie-le-mensonge-organise-des-medias-francais/5432998
6/3/2015-Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français

Dans cette deuxième chronique de la série « Syrie : Comment les médias français intoxiquent l'opinion publique », écrit en 2013, François Belliot * montre comment la presse française a donné la parole presque exclusivement à un prêtre italien pour dénoncer le « régime de Bachar », alors même que la totalité des évêques et Patriarches chrétiens de Syrie le soutient. Il ne s'agit bien sûr que d'un exemple du biais médiatique en Occident, ce prêtre ayant été invité aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe. [Arrêt sur Info]

Photo: Bachar el-Assad, que Sarkozy / BHL pensaient faire tomber comme Kadafi en Libye, félicite l'armée de défense syrienne pour sa résistance contre les groupes terroristes financés et armés par l'étranger

Il existe bien des façons de démontrer que la Syrie est victime depuis mars 2011 d'une campagne de propagande intense visant à persuader l'opinion « occidentale » de la nécessité d'armer l'opposition et de renverser Bachar el-Assad, « l'ignoble-dictateur-qui-torture-et-massacre-son-propre-peuple ». On peut évoquer l'imposture que constitue le prétendu Observatoire syrien des Droits de l'homme (OSDH), on peut rapporter des témoignages qui vont dans le sens inverse de la version officielle, on peut remonter l'histoire et constater que la déstabilisation actuelle de la Syrie depuis l'étranger s'inscrit dans une dynamique très ancienne (Sykes-Picot, 1916) dont la crise actuelle ne constitue que la dernière étape, on peut faire la comparaison avec d'autres campagnes de propagande ayant abouti aux renversements de chefs d'Etat sur la base de fausses preuves (Saddam Husseïn, Mouammar el-Kadhafi), on peut évoquer le jeu d'alliances de la Syrie avec le Hezbollah et l'Iran, qui gêne les velléités expansionnistes d'Israël et s'oppose au plan de remodelage par les États-Unis du « Moyen Orient élargi, on peut souligner les intérêts gaziers et pétroliers dans la région, qui font de la Syrie une proie d'autant plus convoitable que ses ressources d'énergie fossile restent largement à exploiter.

On peut aussi pointer la loupe sur certains personnages mis en avant dans les médias traditionnels. La propagande pour être crédible s'appuie sur des témoins de choix, souvent minoritaires dans le camp qu'ils sont censés représenter. En comparaison, d'autres personnes, souvent plus nombreuses et plus représentatives, sont systématiquement écartées des plateaux, voire diffamées sans qu'elles aient la possibilité de se défendre médiatiquement.

Le cas du père Paolo Dall'Oglio, censé représenter le point de vue des chrétiens de Syrie, omniprésent dans les « grands médias » à l'automne 2012, et de nouveau au mois de mai 2013, à la différence d'autres personnalités bien plus représentatives, permet de démontrer de façon irréfutable que le traitement de la crise syrienne par l'appareil politico médiatique occidental est presque intégralement mensonger et orienté.

L'histoire que je vais raconter commence par une conférence organisée à Paris en septembre dernier.

Père Paolo Dall'Oglio

Une conférence sur la Syrie à la mairie du XXème arrondissement de Paris

Le 25 septembre 2013 était organisée, dans la salle des fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris, une conférence intitulée « Regards croisés sur la Syrie ». Elle mettait en scène un intervenant unique, le père Paolo Dall'Oglio. Elle était prévue pour durer deux heures, une heure de parole pour le père Paolo suivie d'une heure d'échange avec le public.

Habitué depuis des mois à passer chaque matin devant cette mairie, j'avais forcément remarqué une immense banderole qui en recouvrait la façade, et qui appelait par un biais tendancieux à la fin des massacres en Syrie. La mairesse du XXème arrondissement, Frédérique Calandra avait à l'évidence choisi son camp : celui de l' « opposition », contre celui du « régime de Bachar el Assad »[i].

Je savais plus ou moins à quoi m'attendre en me rendant à cet événement ; mais c'était tout de même une bonne occasion d'entendre quelqu'un qui avait vécu longtemps en Syrie et qui pouvait donner le point de vue d'un témoin direct confortant la version officielle. Je n'avais jamais entendu parler du père Paolo Dall'Oglio. Son nom m'avait échappé dans le flot d'actualités quotidien sur la Syrie, et les médias indépendants eux-mêmes n'y avaient guère prêté attention.

La salle des fêtes de la mairie du XXème était très bien remplie, 300 personnes au jugé. A proprement parler ce n'était pas une conférence, mais un jeu de questions réponses entre un journaliste et le père Paolo. Il ne s'agissait donc pas de « Regards croisés », comme suggéré dans l'intitulé de la conférence, mais du « regard » du père Paolo, qui n'était affligé d'aucun strabisme convergent. Le journaliste, étant complètement acquis à la cause du père il n'y avait pas de contradicteur dans ce « croisement ».

Je commençai à prendre des notes. La salle était mal insonorisée, et le père Paolo, en plus de s'exprimer dans un français parfois incertain, était dur à suivre dans son exposé. Il rendit hommage à la révolution tunisienne et à la révolution égyptienne, plus généralement au printemps arabe, dans lequel s'inscrivait naturellement selon lui la révolution syrienne[ii]. Il insista sur la pratique systématique de la torture et l'emprisonnement des opposants par le « régime de Bachar el-Assad ». Il se félicita d'avoir en juin 2011 tiré la sonnette d'alarme : « le régime » était construit exclusivement sur le mensonge, cela faisait partie de son ADN. A deux reprises il compara ceux qui remettaient en cause la version officielle de la révolution syrienne à ceux qui remettaient en cause la version officielle du génocide des juifs, qu'il assimila ainsi à du négationnisme et à une pathologie de l'esprit. Il expliqua que la négation de la version officielle était le fait de forces d'extrême gauche et d'extrême droite coalisées pour l'occasion. Il fustigea le rôle de la Russie, qui mettait régulièrement des vetos aux résolutions de l'ONU contre la Syrie, car elle pensait à tort avoir été bernée sur l'affaire libyenne, l'année précédente, et sur l'affaire du Kosovo, il y a quelques années. Il expliqua, quoiqu'il fût prêtre et par nature religieuse opposé à l'usage de la force, qu'il fallait cependant armer les rebelles (en ne se trompant pas sur les destinataires) et qu'il y avait un devoir d'ingérence à intervenir en Syrie. Il nia absolument le fait qu'il pût exister une alliance entre le Qatar, l'Arabie saoudite, la France et le Royaume Uni (je rajoute la Turquie et la Jordanie qu'il a omises dans sa liste), pour déstabiliser la Syrie. Et si l'ONU ne pouvait résoudre le problème… c'était une théorie du complot diffusée par « le régime » pour cacher ses exactions, il devenait urgent de « passer outre le droit international ».

Le journaliste osa poser une question cruciale : comment lui, chrétien, prêtre qui plus est, pouvait-il appeler à armer l'opposition ? N'y avait-il pas là une contradiction fondamentale ? Une personne du public relaya cette préoccupation. Cette question fut posée en préambule, et le père Paolo y répondit avec certains des arguments que je viens d'énumérer. Je passe sur la séance de questions qui s'ensuivit. Elles furent pour la plupart extrêmement consensuelles, et beaucoup dans la même veine persuasive plus que convaincante qu'avait employée le père Paolo. Je me souviens en particulier d'une dame explosant sur un ton hystérique : « Vous attendez quoi ? Les chambres à gaz ? Le Christ était le premier martyr ! Il y a des milliers de Christs en Syrie ! » Elle avait sans doute lu la chronique de désinformation de Caroline Fourest dans l'édition du Monde du 25 février 2012[iii], suggérant que l'Iran avait fourni un four crématoire à la Syrie qui « tournerait déjà à plein régime » dans la région d'Alep.

La seule question un peu dissidente fut posée par une femme qui pointa la responsabilité éventuelle de puissances étrangères dans la déstabilisation de la Syrie. Elle put s'exprimer mais fut la seule que l'on pressa de remettre le micro alors qu'elle déroulait son intervention. Elle fut moquée par le père Paolo qui, sans le moindre argument, l'accusa de pratiquer des amalgames, alors que lui-même n'avait fait que ça pendant son intervention.

Quand la conférence fut terminée, je découvris des Syriens contestant la version officielle, que j'avais eu l'occasion pour certains de rencontrer lors de diverses manifestations et nous nous retrouvâmes autour d'un verre dans une brasserie de la place Gambetta. Je m'enquis du personnage et l'on m'en fit une brève présentation, que je complète avec certains détails utiles.

Paolo Dall'Oglio est un religieux jésuite italien né à Rome en 1954. Après un passage par le Liban en 1982, il découvre le monastère Deir Mar Moussa en Syrie, et décide de consacrer sa vie à sa restauration. En 1992 il fonde une communauté œcuménique religieuse mixte qui promeut le dialogue islamo-chrétien. Dans le prolongement de cette démarche, il publie, en 2009, Amoureux de l'Islam, croyant en Jésus. Quand les troubles commencent, début 2011, il prend parti pour l'opposition, allant jusqu'à demander publiquement qu'on lui fournisse des armes. En juin 2012, à la demande de l'ensemble des Eglises de Syrie et du gouvernement, son visa n'est pas renouvelé et il doit quitter le pays[iv]. Depuis, l'homme a été très massivement relayé dans les médias commerciaux de masse (New York Times, Le Figaro, etc.) et a été reçu par les plus hautes autorités de divers Etats engagés dans le conflit aux côtés de l'Arabie saoudite, du Qatar, et de la Turquie.

Chacun y alla ensuite de son anecdote, touchant soit son expérience personnelle en France ou en Syrie, soit sur un aspect de la conférence. L'un des Syriens m'apprit qu'il avait levé la main pour poser une question (qui fatalement n'irait pas dans le sens des organisateurs de la conférence), et qu'alors il fut montré du doigt par un des organisateurs, avec un signe d'interdiction. L'homme était intervenu dans des circonstances comparables et avait été repéré comme un contestataire gênant de la pensée unique officielle, que l'on devait en conséquence contenir ou réduire au silence. Consigne fut ainsi donnée de l'empêcher de prendre la parole. Je me souvenais alors que ce n'était pas la première fois que j'étais confronté à ce genre de censure, et je rapportais ce qui m'était arrivé à la Fête de l'Humanité.

Rencontre de l'association Souria Houria à la Fête de l'Humanité

Me promenant dans le « Village international » de la Fête de l'Humanité, j'étais entré, curieux, dans un stand « syrien ». Il s'agissait d'un groupe de personnes soutenant la version officielle de l'OTAN et d'al-Jazeera. Ils appelaient à la mobilisation contre Bachar el-Assad, invoquaient les devoirs de la « Communauté internationale », la nécessité du « droit d'ingérence humanitaire ». Quatre intervenants s'étaient succédé en l'intervalle de 40 minutes. Au terme de cette tribune commune, j'avais pris la parole (nous n'étions guère nombreux, et le stand d'à côté avait une sono tonitruante), pour contester leur vision de la situation, qui passait sous silence le fait que d'horribles massacres étaient perpétrés par des mercenaires fanatiques financés par le Qatar et l'Arabie saoudite et appuyés logistiquement par l'OTAN et les services de renseignement alliés. La réaction des tenanciers du stand avait été éloquente : dans un premier temps l'un d'entre eux m'avait pris gentiment par le bras pour m'inviter à quitter les lieux. Comme j'avais protesté contre le procédé, on m'avait confronté à un « militant de l'ASL » qui pendant 10 minutes m'avait reseriné la version officielle. Je n'avais pu malheureusement lui répondre de façon développée. Alors que j'avais patiemment écouté son discours, je n'avais pu, en guise de réponse, prononcer plus de trois phrases. Un concert de huées s'était allumé. Des gens s'étaient senti le devoir de m'interrompre, visiblement émus et hors de raison. Sentant qu'il me serait difficile de m'exprimer, j'étais sorti, bruyamment accompagné par une chanson qu'ils s'étaient mis soudain à entonner en chœur et à pleins poumons.

 

Le groupe terroriste ASL est une création de services secrets étrangers

Les tenanciers de ce pavillon n'étaient autres que les organisateurs de cette conférence du 29 septembre, qui s'appelait Souria Houria (Syrie Liberté). Dans la pratique de la censure et le mépris de la liberté d'expression, nous avions affaire-là à une cohérence indéniable. Ces gens qui critiquaient le régime massacreur, désinformateur, qui appelaient au devoir d'ingérence humanitaire, pour parvenir à leurs fins n'hésitaient pas à trier les questions du public de leurs conférences, et refusaient de débattre avec des gens ayant un autre point de vue que le leur (tout en laissant passer des réactions hystériques du genre de celle de la femme que j'ai rapportée plus haut). Et quand ils se trouvaient dans l'obligation de répondre, ils se mettaient immédiatement en colère, faisaient des comparaisons avec le négationnisme, coupaient la parole, ou se mettaient à entonner des chants en troupeau.

Je me souviens qu'à un moment de la conférence de Paolo dall'Oglio, ils se sentirent d'entamer la même chanson avec laquelle ils avaient fêté ma fuite. Cependant ils n'étaient plus entre eux et l'initiative était déplacée. Peu suivis (et compris) par les 300 assistants, ils se turent après quelques syllabes.

Il faut s'arrêter un peu sur cette association Souria Houria, qui soutient aveuglément, avec un argumentaire minimal, et des pratiques douteuses, la version officielle relayée par les grands médias commerciaux. Cette association est depuis sa création en mai 2011 de toutes les actions et manifestations organisées en France appelant à la chute du régime. Lors d'une journée de soutien place de la Bourse, on entendit l'un de ses membres à la tribune se vanter qu'à présent ils brassaient des millions. Elle était au centre du « Train pour la liberté du peuple syrien », le 12 décembre dernier, qui emmenait des citoyens et des parlementaires français de Paris à la rencontre de parlementaires européens à Strasbourg. Elle était au cœur du débat truqué organisé à l'Institut du Monde Arabe (IMA) le 24 février (voir ma précédente chronique[v]) dernier au cours duquel un des membres de Souria Houria siffla violemment une personne qui prenait la parole pour contester la version officielle. Enfin, c'est cette association qui est motrice de la « Vague blanche pour la Syrie », « manifestation internationale (lancée) le vendredi 15 mars à l'occasion des deux ans de la « révolution syrienne », que relaieront massivement les organes habituels de la propagande de guerre de l'OTAN : TV5 monde, Bfmtv, France 24, LCP, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, Libération, Mediapart, Rue89, Radio France.

 

L'association Souria Houria a été fondée en mai 2011 par Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne qui travaille en France depuis 30 ans et elle en en a jusqu'à récemment assuré la présidence. Hala Kodmani a été rédactrice en chef de France 24 d'octobre 2006 à septembre 2008, et chargée de la rubrique Syrie au journal Libération pendant une grande partie de la crise qui secoue ce pays depuis 2 ans. Mais la place centrale qu'elle occupe dans la contestation syrienne en France s'explique surtout par l'influence de sa sœur Bassma Kodmani, qui a participé à la fondation du Conseil National Syrien lancé en octobre 2011 à Istanbul. Bassma Kodmani (je renvoie à mon précédent article sur le débat truqué à l'IMA), est considérée comme la principale représentante des intérêts des USA dans cet organisme. Il est savoureux (outre les conflits d'intérêt évidents), de remarquer que dans le même temps où l'opposition dénonce que « Bachar n'a pas le droit d'être président de la Syrie car il a hérité le pouvoir de son père ! », les sœurs Kodmani (qui ne représentent strictement rien pour le peuple syrien), font ce qu'elles dénoncent en parole en se distribuant familialement les rôles au sein de la « rébellion » en France.

Les Syriens avec qui je discutais, place Gambetta ce 25 septembre, défendaient une position aux antipodes de celle de Souria Houria et du gouvernement et des médias français. La discussion roula évidemment sur la situation en Syrie et sur notre curieux conférencier en soutane. Cet homme ne représente rien, m'affirma-t-on. Il ne représente en aucun cas les chrétiens de Syrie, qui soutiennent majoritairement (à l'instar du reste du peuple syrien) le gouvernement d'el-Assad, et pour cause, avec les alaouites, les chrétiens dès le début du conflit étaient une cible privilégiée des mercenaires islamistes.

Ils me rapportèrent diverses exactions commises par les mercenaires, exactions toutes plus horribles les unes que les autres et qui montraient, au moins, que la présentation de la crise syrienne par le père Paolo Dall'Oglio était une caricature illégitime et dépourvue de toute nuance. Au vu du caractère édifiant de ces témoignages, on comprenait aisément pourquoi on n'en entendait jamais parler dans les grands médias commerciaux. Ils étaient si forts et si nombreux que les relayer même en passant porterait un coup fatal à la propagande des puissances engagées dans la déstabilisation du gouvernement Assad.

En rentrant chez moi je décidai de m'intéresser plus en détails à l'histoire de ce curieux prêtre, et j'entamai une recherche internet.

La campagne médiatique autour du père Paolo dall'Oglio

Il est peu question du père Paolo dall'Oglio avant son départ de la Syrie en juin 2012, pour non-renouvellement de visa. On relève un article dans Pèlerin du 10 août 2011 favorablement intitulé : « En Syrie la parole se libère »[vi]. Les troubles agitent le pays depuis la fin du mois de mars. Il vient de publier avec une dizaine de Syriens laïcs et religieux une contribution intitulée « Démocratie consensuelle pour l'unité nationale », dans laquelle il appelle à la mise en place « d'un système pour amener la Syrie vers une démocratie parlementaire. Car la démocratie est la seule voie possible pour mettre un terme à ce bain de sang et faire respecter les droits de l'homme, qui sont universels : tous, que nous soyons d'Orient ou d'Occident, nous nous retrouvons dans cette idée humaniste. » L'homme n'appelle pas encore à « armer l'opposition », mais comme des membres de son groupe appellent ouvertement à « la chute du régime », il est rabroué par les autorités et les différentes Eglises chrétiennes qui désapprouvent son initiative.

Le 8 janvier 2012, Rue 89 publie un article de Nadia Braendel intitulé « Mar Moussa, un monastère pris dans la révolution »[vii]. Le père Paolo y est présenté comme une « icône de la contestation ». On apprend que le père Paolo a pu rester en Syrie, malgré une décision d'expulsion envoyée à l'évêque de Homs. Il s'est engagé à ne plus prendre de position politique. Mme Braendel rapporte pourtant les propos ambigus suivants : « Il faudra peut-être une force d'interposition pacifique arabe et occidentale, car aujourd'hui il y a 100000 Syriens prêts à tuer, et 100000 qui se vengeront. Les deux camps sont bloqués ». Le 21 mai 2012 le site RMC.fr fait paraître un article complaisant de Nicolas Ledain intitulé : « Syrie : des religieux chrétiens font de la résistance »[viii]. Le journaliste relate les problèmes rencontrés par les religieux de Mar Moussa, victimes de menaces et de pillages de la part de bandes armées non identifiées, et clôt son article en faisant un rapprochement avec la situation des moines de Tibhérine en 1996.

On ne peut pas dire jusque-là que le père Paolo occupe une place de choix dans la couverture des événements en Syrie. C'est son expulsion du territoire syrien le mois suivant qui va donner le coup d'envoi d'une impressionnante campagne médiatique dans plusieurs pays. Cette expulsion est relatée dans Le Point du 16 juin[ix]. Très amer, le père Paolo déclare : « C'est mon cadavre qui a quitté la Syrie ».

Tel Paul en son temps, le père Paolo prend son bâton de missionnaire et, financé on ne sait comment, entame une série de voyages en Europe et Amérique du Nord, au cours desquels il va dispenser largement la bonne parole appelant à la chute du « régime » en Syrie, en armant au besoin l'opposition. Il effectue une longue tournée qui va le mener aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en France et en Belgique. A chacun de ces passages, le témoignage du père Paolo fait l'objet d'une couverture médiatique massive et unanimement louangeuse.

Je m'intéresse essentiellement dans cette chronique à ses deux passages en France, en septembre 2012 et mai 2013, et à la campagne médiatique. L'homme ayant été depuis, par une ironie du destin surprenante, assassiné par l'Etat Islamique fin juillet 2013, j'ai été amené à prolonger ce parcours et le traitement médiatique qui l'a accompagné jusqu'à la mi 2014, des commémorations étant régulièrement organisées et médiatisées dans la période qui suit la disparition du Jésuite.

 

Le coup d'envoi de cette campagne est lancé par notre ministre des Affaires étrangères en personne. Invité au Quai d'Orsay par Laurent Fabius, notre religieux à l'honneur et le privilège de pouvoir tenir un point presse de 20 minutes en sa compagnie[x]. Il le présente comme « une personne réputée » et « bien informée », et après ces propulsions louangeuses lui donne la parole. Ce coup de projecteur bienvenu lance la campagne médiatique. Le lendemain, 12 septembre 2012, il est interviouvé sur France inter[xi], et sur RTL[xii] par Yves Calvi, et des articles lui sont consacrés dans La Croix[xiii] et Le Parisien[xiv]. Le 24 septembre, deux blogs du journal Le Monde et de Médiapart[xv] annoncent la tenue de la conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris. Le 25 septembre, le Courrier International publie un long entretien (l'entretien n'est plus accessible que sur le site ConspiracyWatch[xvi]). Le 26 septembre, le quotidien gratuit 20 Minutes lui consacre un article, et il est longuement interviouvé sur la chaîne France 24[xvii]. Le 27 septembre l'Express lui consacre un article dans lequel il est présenté comme « la conscience de la révolution »[xviii]. Le 28 septembre, c'est Pélerin qui relaie ses positions appelant à armer l'opposition[xix]. Le 30 septembre il est longuement interviouvé par RFI[xx].

 

On voit que cette couverture médiatique se concentre autour de deux pics : le point presse tenu en commun avec Laurent Fabius au Quai d'Orsay au début du mois de septembre, et son second passage en France après une tournée en Belgique qui a culminé le 18 septembre avec la rencontre au parlement de deux vice-présidents de cette institution : Gianni Pitella et Isabelle Durant[xxi]. C'est à cette occasion, le 29 septembre, qu'il est invité par l'association Souria Houria, à tenir une conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris.

Comme les médias ont l'habitude d'accorder une couverture massive sur plusieurs jours à certains événements, et qu'une fois le matraquage opéré, ils passent à autre chose pour ensuite n'en plus jamais parler, la plupart des gens qui suivent l'actualité dans les grands médias ont sans doute oublié cette fenêtre exceptionnelle dont a bénéficié le père Paolo. Quand on fait toutefois le bilan de cette couverture, force est de constater qu'aux alentours de ces deux dates, il était difficile d'échapper au personnage si on ouvrait un journal, allumait une station de radio, ou de télévision.

Il faut ajouter qu'il a été extrêmement bien traité par les médias cités. Pas une fausse note (comme dans le débat à l'Institut du Monde arabe du 24 février dernier) dans le concert de louanges et la diabolisation de Bachar el-Assad. Et si certains montrent tout de même un peu de retenue, la plupart prennent tout ce qu'il dit pour argent comptant et lui sont totalement acquis.

***

Alors que je suis en train de finaliser cette chronique, (mai 2013) je découvre que le père Paolo nous honore d'un troisième séjour, tout aussi engagé que les précédents, et tout aussi massivement couvert par les grands médias. Ses aventures seraient incomplètes si j'omettais ce nouvel épisode qui conforte ma démonstration.

Les affaires n'ont jamais si bien marché pour le père Paolo dall'Oglio. Depuis septembre 2012, il a eu le temps de roder et d'affuter son discours, mais surtout d'écrire un livre de témoignage sur sa perception des événements de Syrie. Ce livre, intitulé La Rage et la Lumière, coécrit avec Eglantine Gabaix-Halié[xxii] et édité aux éditions de l'Atelier[xxiii], est évidemment salué en ce moment par l'ensemble des médias qui de nouveau se bousculent pour l'entendre cracher son venin et faire la promotion du chef d'œuvre.

Le 1er mai il est interviouvé sur France info[xxiv] ; le 2 mai, en compagnie de Hala Kodmani sur France Culture[xxv] ; le 3 mai, par Armelle Charrier sur France 24 ; le 5 mai, sur France Inter, en compagnie de Jean-Pierre Filiu et Fabrice Weissman (deux des intervenants du débat truqué à l'IMA du 24 février) ; le 7 mai, dans La Vie par Henrik Lindell[xxvi]. Le 8 mai, le site Souria Houria publie le programme du père Paolo dall'Oglio lors de ce nouveau séjour en France[xxvii]. On y apprend que l'homme amorce une tournée à travers la France : le 16 mai conférence-débat au centre Sèvres à Paris ; le 21 mai, conférence-débat à Lyon organisée avec l'Hospitalité Saint-Antoine ; le 22 mai conférence-débat à Nîmes avec la librairie Siloë ; le 27 mai, conférence-débat organisée par Souria Houria à Paris ; le 28 mai à Strasbourg, rencontre à la librairie Kleber. Le 9 mai, Pèlerin fait paraître les bonnes feuilles de son livre témoignage, accompagné d'un portrait idéalisé.

Vraiment, l'histoire du père Paolo a tout d'une success story ; alors que, comme nous le verrons plus loin, toutes les autorités chrétiennes de Syrie qui contestent la version officielle sont totalement passées sous silence ou gravement diffamées, lui à chacun de ses passages est accueilli par les grands médias français (renommés comme chacun sait pour leur intégrité et leur indépendance), comme le messie, et traité comme tel. Ce troisième passage en France confirme de façon éclatante l'impression laissée par ses deux premiers séjours en septembre 2012.

Le discours du père Paolo

Au-delà de la couverture médiatique exceptionnelle dont il a bénéficié à chacun de ses passages, est du plus haut intérêt la teneur des discours du père Paolo Dall'Oglio. Si l'homme est souvent vague et dur à suivre, si l'on y prête attention on s'aperçoit que son discours s'articule autour d'un nombre de positions constant, qu'il défend à chaque fois de la même façon. Pour être plus précis, son discours colle toujours remarquablement à la version officielle des médias occidentaux de la zone OTAN.

Comparaison avec les « négationnistes »

Presqu'à chacune de ses interventions, le père Paolo utilise ce que Viktor Dedaj appelle des « tazzers idéologiques »[xxviii]. Un tazzer idéologique est un argument dont la fonction est de rendre tout débat impossible en plaçant son contradicteur devant des accusations d'une telle gravité qu'elles peuvent le foudroyer psychiquement et le rendre impotent dans le débat subséquent.

En l'occurrence le père Paolo n'hésite jamais à brandir le tazzer idéologique suprême à savoir l'accusation de négationnisme et la comparaison avec la version officielle du génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale : ceux qui remettent en cause la version officielle des sanglants événements de Syrie (c'est « Bachar » et ses miliciens qui assassinent en masse leur propre peuple en n'hésitant pas à recourir aux moyens les plus sales et les plus répréhensibles), sont les mêmes que ceux remettant en cause la version officielle de cet événement. L'Expressrapporte ainsi : « Il évoque pêle-mêle le Réseau Voltaire et les responsables ecclésiastiques chrétiens ou musulmans qui, selon lui, donnent la parole religieuse au mensonge d'Etat, nient la révolution et la réduisent à un fait de sécurité liée au terrorisme. C'est un négationnisme incroyable, ajoute-t-il, qui est le fait d'identitaires à l'extrême-droite et d'anti-impérialistes à gauche. Ceux qui ont nié la Shoah nient la révolution syrienne ! [xxix]» On retrouve la même position dans l'entretien publié par le Courrier International : « Dans le fond, il n'est pas étonnant que les derniers alliés objectifs du régime syrien soient ceux qui ont toujours nié le génocide du peuple juif et, aujourd'hui, nient la révolution du peuple syrien. » et dans La Libre Belgique[xxx] : « Je voudrais savoir aussi pourquoi les tenants en Europe du négationnisme de la Shoah, parmi les traditionalistes catholiques extrêmes, anti-impérialistes et antiaméricains, alliés aux anticapitalistes et staliniens, sont aujourd'hui du côté du négationnisme syrien et sont sensibles à la sirène Agnès » (Mère Agnès-Mariam de la Croix). Je me souviens très bien par ailleurs que le père Paolo avait fait cette comparaison lors de la conférence du 24 février à la mairie du XXème, et qu'un membre clé de cette association, quand j'avais prétendu débattre avec eux à la Fête de l'Humanité, avait usé de ce même tazzer.

Inversion de la réalité, dénonciation des mensonges des pro el-Assad et théorie du complot

Le père Paolo semble également profiter du fait que dans nos sociétés du spectacle d'Europe et d'Amérique du Nord, existe un second tazzer idéologique qui peut s'avérer très efficace, quoiqu'à force de mensonges il tende à s'émousser. Sa propagation dans les médias et, par ricochet, dans les conversations quotidiennes remonte à peu près aux attentats du 11 septembre 2001, il s'agit du concept de théorie du complot. Comme la comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, c'est une accusation que l'on profère généralement dans le but de couper court à toute conversation, de l'empêcher souvent ne serait-ce que de commencer. Pour étayer sa comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, le père Paolo énonce fréquemment que ceux qui doutent de la version médiatique des événements de Syrie errent perdus dans un labyrinthe de mensonges et de complots : « Nous faisons face à un mensonge, selon lequel il n'y a pas de révolution, mais la Syrie qui se défend contre un complot saoudien, sioniste ou occidental, et lutte contre le terrorisme islamique.[xxxi] » « (Dans les médias du pouvoir syrien) les théories du complot les plus diverses circulent. On parle d'une grande entente entre les États-Unis, Israël, al-Qaïda, les salafistes, les Frères Musulmans et la Ligue arabe, dans le but d'abattre le dernier État arabe qui n'a pas encore capitulé face au projet sioniste et n'a pas renoncé à combattre l'impérialisme… Il est évident qu'à ce niveau-là, il est difficile de discuter.[xxxii] »

Les prises de position de ce genre abondent, pour ce point je me borne à ces deux citations.

Evolution de son discours entre septembre 2012 et mai 2013

Son troisième séjour en France me contraint d'actualiser mon analyse. Les quelques mois qu'il a passé hors de France n'ont visiblement pas fait de bien au père Paolo dall'Oglio, qui atteint désormais des sommets dans les délires haineux et négationnistes.
Avec le temps le discours du père Paolo s'est radicalisé, comme si, constatant les boulevards qui lui sont ouverts par tous les médias officiels de la zone OTAN, l'impunité totale dont il bénéficie dans l'étalage de ses mensonges, de ses calomnies, et de ses incitations à la haine, il pouvait à présent tout se permettre. Peut-être aussi l'homme est-il furieux de constater que la situation sur place ne se décante guère, que ce régime qu'il déteste continue de tenir, ce qui retarde d'autant son retour à Mar Moussa.

Poursuivant sa folle fuite en avant, le père Paolo va à présent très, très loin dans ses prises de positions. Les mercenaires islamistes liés à al Qaida ? « Dans mes échanges avec eux, j'ai reconnu des hommes et des femmes qui ont une passion religieuse, un sentiment religieux que je partage. Ce sont des gens enragés mais épris de justice. Ils se sentent collectivement persécutés, attaqués et niés. Du coup, ils sont dans une psychologie d'hyper réactivité victimaire qui les amène à commettre des crimes. » La timidité des prises de position de l'Eglise catholique de Syrie ? « J'ajouterai qu'il y a de la corruption politique, sexuelle, qui se cache derrière la soumission au pouvoir. Cela fait partie d'un système de cooptation par soumission à un système autoritaire. » Les chrétiens qui ne partagent pas son point de vue ? Ce sont des « islamophobes chrétiens ». Peut-on dialoguer avec Bachar el-Assad ? « Auriez-vous accepté de dialoguer avec Hitler en 1944 ? » Le terrorisme en Syrie ? « Je propose de se passer du mot » terrorisme « . Il faut utiliser » révolutionnaire. » Le possible usage des armes chimiques par el-Assad ? « Comment ne pas y croire ? Si quelqu'un peut envoyer des missiles balistiques qui enlèvent un hectare de ville, si quelqu'un peut envoyer des bombes sur la population syrienne sans état d'âme, pourquoi aurait-il un problème pour utiliser des armes chimiques ? » Il ose dire ça, alors qu'il est à l'époque avéré que des combattants du Front al-Nosra ont utilisé des armes chimiques contre des civils syriens dans un village de la banlieue d'Alep[xxxiii].

Bilan sur les éléments de langage

Comme je le suggérais en introduisant ces leitmotivs de ses discours et réparties, il est manifeste que le père Paolo n'y exprime pas une opinion personnelle, mais qu'à l'évidence, il relaie de manière systématique des éléments de langage copiés collés des argumentaires des médias de la zone OTAN. Il ne s'en écarte jamais, et je pourrais entrer beaucoup plus dans le détail. L'indice le plus significatif de cette coïncidence me semble cette finesse avec laquelle notre prélat, qui ne s'occupe que d'affaires syriennes depuis 30 ans, relaie l'argumentaire pointant l'association entre extrême droite et extrême gauche dans la dénonciation dans la version officielle martelée en zone OTAN, qui est une construction des médias commerciaux français pour discréditer tout point de vue un peu différent (ce fameux mythe des rouges-bruns, popularisé par des propagandistes, comme Ornella Guyet, et ou des agents d'influence, comme Bernard-Henry Levi). C'est typiquement le genre d'argument qui ne peut que lui avoir été soufflé, et qu'il relaie sans vérifier, inconsciemment ou sur commande.

A suivre

François Belliot

Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français | Mondialisation

Posted: 07 Mar 2015 09:55 AM PST


http://www.mondialisation.ca/chretiens-de-syrie-le-mensonge-organise-des-medias-francais/5432998
6/3/2015-Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français

Dans cette deuxième chronique de la série « Syrie : Comment les médias français intoxiquent l'opinion publique », écrit en 2013, François Belliot * montre comment la presse française a donné la parole presque exclusivement à un prêtre italien pour dénoncer le « régime de Bachar », alors même que la totalité des évêques et Patriarches chrétiens de Syrie le soutient. Il ne s'agit bien sûr que d'un exemple du biais médiatique en Occident, ce prêtre ayant été invité aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe. [Arrêt sur Info]

Photo: Bachar el-Assad, que Sarkozy / BHL pensaient faire tomber comme Kadafi en Libye, félicite l'armée de défense syrienne pour sa résistance contre les groupes terroristes financés et armés par l'étranger

Il existe bien des façons de démontrer que la Syrie est victime depuis mars 2011 d'une campagne de propagande intense visant à persuader l'opinion « occidentale » de la nécessité d'armer l'opposition et de renverser Bachar el-Assad, « l'ignoble-dictateur-qui-torture-et-massacre-son-propre-peuple ». On peut évoquer l'imposture que constitue le prétendu Observatoire syrien des Droits de l'homme (OSDH), on peut rapporter des témoignages qui vont dans le sens inverse de la version officielle, on peut remonter l'histoire et constater que la déstabilisation actuelle de la Syrie depuis l'étranger s'inscrit dans une dynamique très ancienne (Sykes-Picot, 1916) dont la crise actuelle ne constitue que la dernière étape, on peut faire la comparaison avec d'autres campagnes de propagande ayant abouti aux renversements de chefs d'Etat sur la base de fausses preuves (Saddam Husseïn, Mouammar el-Kadhafi), on peut évoquer le jeu d'alliances de la Syrie avec le Hezbollah et l'Iran, qui gêne les velléités expansionnistes d'Israël et s'oppose au plan de remodelage par les États-Unis du « Moyen Orient élargi, on peut souligner les intérêts gaziers et pétroliers dans la région, qui font de la Syrie une proie d'autant plus convoitable que ses ressources d'énergie fossile restent largement à exploiter.

On peut aussi pointer la loupe sur certains personnages mis en avant dans les médias traditionnels. La propagande pour être crédible s'appuie sur des témoins de choix, souvent minoritaires dans le camp qu'ils sont censés représenter. En comparaison, d'autres personnes, souvent plus nombreuses et plus représentatives, sont systématiquement écartées des plateaux, voire diffamées sans qu'elles aient la possibilité de se défendre médiatiquement.

Le cas du père Paolo Dall'Oglio, censé représenter le point de vue des chrétiens de Syrie, omniprésent dans les « grands médias » à l'automne 2012, et de nouveau au mois de mai 2013, à la différence d'autres personnalités bien plus représentatives, permet de démontrer de façon irréfutable que le traitement de la crise syrienne par l'appareil politico médiatique occidental est presque intégralement mensonger et orienté.

L'histoire que je vais raconter commence par une conférence organisée à Paris en septembre dernier.

Père Paolo Dall'Oglio

Une conférence sur la Syrie à la mairie du XXème arrondissement de Paris

Le 25 septembre 2013 était organisée, dans la salle des fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris, une conférence intitulée « Regards croisés sur la Syrie ». Elle mettait en scène un intervenant unique, le père Paolo Dall'Oglio. Elle était prévue pour durer deux heures, une heure de parole pour le père Paolo suivie d'une heure d'échange avec le public.

Habitué depuis des mois à passer chaque matin devant cette mairie, j'avais forcément remarqué une immense banderole qui en recouvrait la façade, et qui appelait par un biais tendancieux à la fin des massacres en Syrie. La mairesse du XXème arrondissement, Frédérique Calandra avait à l'évidence choisi son camp : celui de l' « opposition », contre celui du « régime de Bachar el Assad »[i].

Je savais plus ou moins à quoi m'attendre en me rendant à cet événement ; mais c'était tout de même une bonne occasion d'entendre quelqu'un qui avait vécu longtemps en Syrie et qui pouvait donner le point de vue d'un témoin direct confortant la version officielle. Je n'avais jamais entendu parler du père Paolo Dall'Oglio. Son nom m'avait échappé dans le flot d'actualités quotidien sur la Syrie, et les médias indépendants eux-mêmes n'y avaient guère prêté attention.

La salle des fêtes de la mairie du XXème était très bien remplie, 300 personnes au jugé. A proprement parler ce n'était pas une conférence, mais un jeu de questions réponses entre un journaliste et le père Paolo. Il ne s'agissait donc pas de « Regards croisés », comme suggéré dans l'intitulé de la conférence, mais du « regard » du père Paolo, qui n'était affligé d'aucun strabisme convergent. Le journaliste, étant complètement acquis à la cause du père il n'y avait pas de contradicteur dans ce « croisement ».

Je commençai à prendre des notes. La salle était mal insonorisée, et le père Paolo, en plus de s'exprimer dans un français parfois incertain, était dur à suivre dans son exposé. Il rendit hommage à la révolution tunisienne et à la révolution égyptienne, plus généralement au printemps arabe, dans lequel s'inscrivait naturellement selon lui la révolution syrienne[ii]. Il insista sur la pratique systématique de la torture et l'emprisonnement des opposants par le « régime de Bachar el-Assad ». Il se félicita d'avoir en juin 2011 tiré la sonnette d'alarme : « le régime » était construit exclusivement sur le mensonge, cela faisait partie de son ADN. A deux reprises il compara ceux qui remettaient en cause la version officielle de la révolution syrienne à ceux qui remettaient en cause la version officielle du génocide des juifs, qu'il assimila ainsi à du négationnisme et à une pathologie de l'esprit. Il expliqua que la négation de la version officielle était le fait de forces d'extrême gauche et d'extrême droite coalisées pour l'occasion. Il fustigea le rôle de la Russie, qui mettait régulièrement des vetos aux résolutions de l'ONU contre la Syrie, car elle pensait à tort avoir été bernée sur l'affaire libyenne, l'année précédente, et sur l'affaire du Kosovo, il y a quelques années. Il expliqua, quoiqu'il fût prêtre et par nature religieuse opposé à l'usage de la force, qu'il fallait cependant armer les rebelles (en ne se trompant pas sur les destinataires) et qu'il y avait un devoir d'ingérence à intervenir en Syrie. Il nia absolument le fait qu'il pût exister une alliance entre le Qatar, l'Arabie saoudite, la France et le Royaume Uni (je rajoute la Turquie et la Jordanie qu'il a omises dans sa liste), pour déstabiliser la Syrie. Et si l'ONU ne pouvait résoudre le problème… c'était une théorie du complot diffusée par « le régime » pour cacher ses exactions, il devenait urgent de « passer outre le droit international ».

Le journaliste osa poser une question cruciale : comment lui, chrétien, prêtre qui plus est, pouvait-il appeler à armer l'opposition ? N'y avait-il pas là une contradiction fondamentale ? Une personne du public relaya cette préoccupation. Cette question fut posée en préambule, et le père Paolo y répondit avec certains des arguments que je viens d'énumérer. Je passe sur la séance de questions qui s'ensuivit. Elles furent pour la plupart extrêmement consensuelles, et beaucoup dans la même veine persuasive plus que convaincante qu'avait employée le père Paolo. Je me souviens en particulier d'une dame explosant sur un ton hystérique : « Vous attendez quoi ? Les chambres à gaz ? Le Christ était le premier martyr ! Il y a des milliers de Christs en Syrie ! » Elle avait sans doute lu la chronique de désinformation de Caroline Fourest dans l'édition du Monde du 25 février 2012[iii], suggérant que l'Iran avait fourni un four crématoire à la Syrie qui « tournerait déjà à plein régime » dans la région d'Alep.

La seule question un peu dissidente fut posée par une femme qui pointa la responsabilité éventuelle de puissances étrangères dans la déstabilisation de la Syrie. Elle put s'exprimer mais fut la seule que l'on pressa de remettre le micro alors qu'elle déroulait son intervention. Elle fut moquée par le père Paolo qui, sans le moindre argument, l'accusa de pratiquer des amalgames, alors que lui-même n'avait fait que ça pendant son intervention.

Quand la conférence fut terminée, je découvris des Syriens contestant la version officielle, que j'avais eu l'occasion pour certains de rencontrer lors de diverses manifestations et nous nous retrouvâmes autour d'un verre dans une brasserie de la place Gambetta. Je m'enquis du personnage et l'on m'en fit une brève présentation, que je complète avec certains détails utiles.

Paolo Dall'Oglio est un religieux jésuite italien né à Rome en 1954. Après un passage par le Liban en 1982, il découvre le monastère Deir Mar Moussa en Syrie, et décide de consacrer sa vie à sa restauration. En 1992 il fonde une communauté œcuménique religieuse mixte qui promeut le dialogue islamo-chrétien. Dans le prolongement de cette démarche, il publie, en 2009, Amoureux de l'Islam, croyant en Jésus. Quand les troubles commencent, début 2011, il prend parti pour l'opposition, allant jusqu'à demander publiquement qu'on lui fournisse des armes. En juin 2012, à la demande de l'ensemble des Eglises de Syrie et du gouvernement, son visa n'est pas renouvelé et il doit quitter le pays[iv]. Depuis, l'homme a été très massivement relayé dans les médias commerciaux de masse (New York Times, Le Figaro, etc.) et a été reçu par les plus hautes autorités de divers Etats engagés dans le conflit aux côtés de l'Arabie saoudite, du Qatar, et de la Turquie.

Chacun y alla ensuite de son anecdote, touchant soit son expérience personnelle en France ou en Syrie, soit sur un aspect de la conférence. L'un des Syriens m'apprit qu'il avait levé la main pour poser une question (qui fatalement n'irait pas dans le sens des organisateurs de la conférence), et qu'alors il fut montré du doigt par un des organisateurs, avec un signe d'interdiction. L'homme était intervenu dans des circonstances comparables et avait été repéré comme un contestataire gênant de la pensée unique officielle, que l'on devait en conséquence contenir ou réduire au silence. Consigne fut ainsi donnée de l'empêcher de prendre la parole. Je me souvenais alors que ce n'était pas la première fois que j'étais confronté à ce genre de censure, et je rapportais ce qui m'était arrivé à la Fête de l'Humanité.

Rencontre de l'association Souria Houria à la Fête de l'Humanité

Me promenant dans le « Village international » de la Fête de l'Humanité, j'étais entré, curieux, dans un stand « syrien ». Il s'agissait d'un groupe de personnes soutenant la version officielle de l'OTAN et d'al-Jazeera. Ils appelaient à la mobilisation contre Bachar el-Assad, invoquaient les devoirs de la « Communauté internationale », la nécessité du « droit d'ingérence humanitaire ». Quatre intervenants s'étaient succédé en l'intervalle de 40 minutes. Au terme de cette tribune commune, j'avais pris la parole (nous n'étions guère nombreux, et le stand d'à côté avait une sono tonitruante), pour contester leur vision de la situation, qui passait sous silence le fait que d'horribles massacres étaient perpétrés par des mercenaires fanatiques financés par le Qatar et l'Arabie saoudite et appuyés logistiquement par l'OTAN et les services de renseignement alliés. La réaction des tenanciers du stand avait été éloquente : dans un premier temps l'un d'entre eux m'avait pris gentiment par le bras pour m'inviter à quitter les lieux. Comme j'avais protesté contre le procédé, on m'avait confronté à un « militant de l'ASL » qui pendant 10 minutes m'avait reseriné la version officielle. Je n'avais pu malheureusement lui répondre de façon développée. Alors que j'avais patiemment écouté son discours, je n'avais pu, en guise de réponse, prononcer plus de trois phrases. Un concert de huées s'était allumé. Des gens s'étaient senti le devoir de m'interrompre, visiblement émus et hors de raison. Sentant qu'il me serait difficile de m'exprimer, j'étais sorti, bruyamment accompagné par une chanson qu'ils s'étaient mis soudain à entonner en chœur et à pleins poumons.

 

Le groupe terroriste ASL est une création de services secrets étrangers

Les tenanciers de ce pavillon n'étaient autres que les organisateurs de cette conférence du 29 septembre, qui s'appelait Souria Houria (Syrie Liberté). Dans la pratique de la censure et le mépris de la liberté d'expression, nous avions affaire-là à une cohérence indéniable. Ces gens qui critiquaient le régime massacreur, désinformateur, qui appelaient au devoir d'ingérence humanitaire, pour parvenir à leurs fins n'hésitaient pas à trier les questions du public de leurs conférences, et refusaient de débattre avec des gens ayant un autre point de vue que le leur (tout en laissant passer des réactions hystériques du genre de celle de la femme que j'ai rapportée plus haut). Et quand ils se trouvaient dans l'obligation de répondre, ils se mettaient immédiatement en colère, faisaient des comparaisons avec le négationnisme, coupaient la parole, ou se mettaient à entonner des chants en troupeau.

Je me souviens qu'à un moment de la conférence de Paolo dall'Oglio, ils se sentirent d'entamer la même chanson avec laquelle ils avaient fêté ma fuite. Cependant ils n'étaient plus entre eux et l'initiative était déplacée. Peu suivis (et compris) par les 300 assistants, ils se turent après quelques syllabes.

Il faut s'arrêter un peu sur cette association Souria Houria, qui soutient aveuglément, avec un argumentaire minimal, et des pratiques douteuses, la version officielle relayée par les grands médias commerciaux. Cette association est depuis sa création en mai 2011 de toutes les actions et manifestations organisées en France appelant à la chute du régime. Lors d'une journée de soutien place de la Bourse, on entendit l'un de ses membres à la tribune se vanter qu'à présent ils brassaient des millions. Elle était au centre du « Train pour la liberté du peuple syrien », le 12 décembre dernier, qui emmenait des citoyens et des parlementaires français de Paris à la rencontre de parlementaires européens à Strasbourg. Elle était au cœur du débat truqué organisé à l'Institut du Monde Arabe (IMA) le 24 février (voir ma précédente chronique[v]) dernier au cours duquel un des membres de Souria Houria siffla violemment une personne qui prenait la parole pour contester la version officielle. Enfin, c'est cette association qui est motrice de la « Vague blanche pour la Syrie », « manifestation internationale (lancée) le vendredi 15 mars à l'occasion des deux ans de la « révolution syrienne », que relaieront massivement les organes habituels de la propagande de guerre de l'OTAN : TV5 monde, Bfmtv, France 24, LCP, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, Libération, Mediapart, Rue89, Radio France.

 

L'association Souria Houria a été fondée en mai 2011 par Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne qui travaille en France depuis 30 ans et elle en en a jusqu'à récemment assuré la présidence. Hala Kodmani a été rédactrice en chef de France 24 d'octobre 2006 à septembre 2008, et chargée de la rubrique Syrie au journal Libération pendant une grande partie de la crise qui secoue ce pays depuis 2 ans. Mais la place centrale qu'elle occupe dans la contestation syrienne en France s'explique surtout par l'influence de sa sœur Bassma Kodmani, qui a participé à la fondation du Conseil National Syrien lancé en octobre 2011 à Istanbul. Bassma Kodmani (je renvoie à mon précédent article sur le débat truqué à l'IMA), est considérée comme la principale représentante des intérêts des USA dans cet organisme. Il est savoureux (outre les conflits d'intérêt évidents), de remarquer que dans le même temps où l'opposition dénonce que « Bachar n'a pas le droit d'être président de la Syrie car il a hérité le pouvoir de son père ! », les sœurs Kodmani (qui ne représentent strictement rien pour le peuple syrien), font ce qu'elles dénoncent en parole en se distribuant familialement les rôles au sein de la « rébellion » en France.

Les Syriens avec qui je discutais, place Gambetta ce 25 septembre, défendaient une position aux antipodes de celle de Souria Houria et du gouvernement et des médias français. La discussion roula évidemment sur la situation en Syrie et sur notre curieux conférencier en soutane. Cet homme ne représente rien, m'affirma-t-on. Il ne représente en aucun cas les chrétiens de Syrie, qui soutiennent majoritairement (à l'instar du reste du peuple syrien) le gouvernement d'el-Assad, et pour cause, avec les alaouites, les chrétiens dès le début du conflit étaient une cible privilégiée des mercenaires islamistes.

Ils me rapportèrent diverses exactions commises par les mercenaires, exactions toutes plus horribles les unes que les autres et qui montraient, au moins, que la présentation de la crise syrienne par le père Paolo Dall'Oglio était une caricature illégitime et dépourvue de toute nuance. Au vu du caractère édifiant de ces témoignages, on comprenait aisément pourquoi on n'en entendait jamais parler dans les grands médias commerciaux. Ils étaient si forts et si nombreux que les relayer même en passant porterait un coup fatal à la propagande des puissances engagées dans la déstabilisation du gouvernement Assad.

En rentrant chez moi je décidai de m'intéresser plus en détails à l'histoire de ce curieux prêtre, et j'entamai une recherche internet.

La campagne médiatique autour du père Paolo dall'Oglio

Il est peu question du père Paolo dall'Oglio avant son départ de la Syrie en juin 2012, pour non-renouvellement de visa. On relève un article dans Pèlerin du 10 août 2011 favorablement intitulé : « En Syrie la parole se libère »[vi]. Les troubles agitent le pays depuis la fin du mois de mars. Il vient de publier avec une dizaine de Syriens laïcs et religieux une contribution intitulée « Démocratie consensuelle pour l'unité nationale », dans laquelle il appelle à la mise en place « d'un système pour amener la Syrie vers une démocratie parlementaire. Car la démocratie est la seule voie possible pour mettre un terme à ce bain de sang et faire respecter les droits de l'homme, qui sont universels : tous, que nous soyons d'Orient ou d'Occident, nous nous retrouvons dans cette idée humaniste. » L'homme n'appelle pas encore à « armer l'opposition », mais comme des membres de son groupe appellent ouvertement à « la chute du régime », il est rabroué par les autorités et les différentes Eglises chrétiennes qui désapprouvent son initiative.

Le 8 janvier 2012, Rue 89 publie un article de Nadia Braendel intitulé « Mar Moussa, un monastère pris dans la révolution »[vii]. Le père Paolo y est présenté comme une « icône de la contestation ». On apprend que le père Paolo a pu rester en Syrie, malgré une décision d'expulsion envoyée à l'évêque de Homs. Il s'est engagé à ne plus prendre de position politique. Mme Braendel rapporte pourtant les propos ambigus suivants : « Il faudra peut-être une force d'interposition pacifique arabe et occidentale, car aujourd'hui il y a 100000 Syriens prêts à tuer, et 100000 qui se vengeront. Les deux camps sont bloqués ». Le 21 mai 2012 le site RMC.fr fait paraître un article complaisant de Nicolas Ledain intitulé : « Syrie : des religieux chrétiens font de la résistance »[viii]. Le journaliste relate les problèmes rencontrés par les religieux de Mar Moussa, victimes de menaces et de pillages de la part de bandes armées non identifiées, et clôt son article en faisant un rapprochement avec la situation des moines de Tibhérine en 1996.

On ne peut pas dire jusque-là que le père Paolo occupe une place de choix dans la couverture des événements en Syrie. C'est son expulsion du territoire syrien le mois suivant qui va donner le coup d'envoi d'une impressionnante campagne médiatique dans plusieurs pays. Cette expulsion est relatée dans Le Point du 16 juin[ix]. Très amer, le père Paolo déclare : « C'est mon cadavre qui a quitté la Syrie ».

Tel Paul en son temps, le père Paolo prend son bâton de missionnaire et, financé on ne sait comment, entame une série de voyages en Europe et Amérique du Nord, au cours desquels il va dispenser largement la bonne parole appelant à la chute du « régime » en Syrie, en armant au besoin l'opposition. Il effectue une longue tournée qui va le mener aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en France et en Belgique. A chacun de ces passages, le témoignage du père Paolo fait l'objet d'une couverture médiatique massive et unanimement louangeuse.

Je m'intéresse essentiellement dans cette chronique à ses deux passages en France, en septembre 2012 et mai 2013, et à la campagne médiatique. L'homme ayant été depuis, par une ironie du destin surprenante, assassiné par l'Etat Islamique fin juillet 2013, j'ai été amené à prolonger ce parcours et le traitement médiatique qui l'a accompagné jusqu'à la mi 2014, des commémorations étant régulièrement organisées et médiatisées dans la période qui suit la disparition du Jésuite.

 

Le coup d'envoi de cette campagne est lancé par notre ministre des Affaires étrangères en personne. Invité au Quai d'Orsay par Laurent Fabius, notre religieux à l'honneur et le privilège de pouvoir tenir un point presse de 20 minutes en sa compagnie[x]. Il le présente comme « une personne réputée » et « bien informée », et après ces propulsions louangeuses lui donne la parole. Ce coup de projecteur bienvenu lance la campagne médiatique. Le lendemain, 12 septembre 2012, il est interviouvé sur France inter[xi], et sur RTL[xii] par Yves Calvi, et des articles lui sont consacrés dans La Croix[xiii] et Le Parisien[xiv]. Le 24 septembre, deux blogs du journal Le Monde et de Médiapart[xv] annoncent la tenue de la conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris. Le 25 septembre, le Courrier International publie un long entretien (l'entretien n'est plus accessible que sur le site ConspiracyWatch[xvi]). Le 26 septembre, le quotidien gratuit 20 Minutes lui consacre un article, et il est longuement interviouvé sur la chaîne France 24[xvii]. Le 27 septembre l'Express lui consacre un article dans lequel il est présenté comme « la conscience de la révolution »[xviii]. Le 28 septembre, c'est Pélerin qui relaie ses positions appelant à armer l'opposition[xix]. Le 30 septembre il est longuement interviouvé par RFI[xx].

 

On voit que cette couverture médiatique se concentre autour de deux pics : le point presse tenu en commun avec Laurent Fabius au Quai d'Orsay au début du mois de septembre, et son second passage en France après une tournée en Belgique qui a culminé le 18 septembre avec la rencontre au parlement de deux vice-présidents de cette institution : Gianni Pitella et Isabelle Durant[xxi]. C'est à cette occasion, le 29 septembre, qu'il est invité par l'association Souria Houria, à tenir une conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris.

Comme les médias ont l'habitude d'accorder une couverture massive sur plusieurs jours à certains événements, et qu'une fois le matraquage opéré, ils passent à autre chose pour ensuite n'en plus jamais parler, la plupart des gens qui suivent l'actualité dans les grands médias ont sans doute oublié cette fenêtre exceptionnelle dont a bénéficié le père Paolo. Quand on fait toutefois le bilan de cette couverture, force est de constater qu'aux alentours de ces deux dates, il était difficile d'échapper au personnage si on ouvrait un journal, allumait une station de radio, ou de télévision.

Il faut ajouter qu'il a été extrêmement bien traité par les médias cités. Pas une fausse note (comme dans le débat à l'Institut du Monde arabe du 24 février dernier) dans le concert de louanges et la diabolisation de Bachar el-Assad. Et si certains montrent tout de même un peu de retenue, la plupart prennent tout ce qu'il dit pour argent comptant et lui sont totalement acquis.

***

Alors que je suis en train de finaliser cette chronique, (mai 2013) je découvre que le père Paolo nous honore d'un troisième séjour, tout aussi engagé que les précédents, et tout aussi massivement couvert par les grands médias. Ses aventures seraient incomplètes si j'omettais ce nouvel épisode qui conforte ma démonstration.

Les affaires n'ont jamais si bien marché pour le père Paolo dall'Oglio. Depuis septembre 2012, il a eu le temps de roder et d'affuter son discours, mais surtout d'écrire un livre de témoignage sur sa perception des événements de Syrie. Ce livre, intitulé La Rage et la Lumière, coécrit avec Eglantine Gabaix-Halié[xxii] et édité aux éditions de l'Atelier[xxiii], est évidemment salué en ce moment par l'ensemble des médias qui de nouveau se bousculent pour l'entendre cracher son venin et faire la promotion du chef d'œuvre.

Le 1er mai il est interviouvé sur France info[xxiv] ; le 2 mai, en compagnie de Hala Kodmani sur France Culture[xxv] ; le 3 mai, par Armelle Charrier sur France 24 ; le 5 mai, sur France Inter, en compagnie de Jean-Pierre Filiu et Fabrice Weissman (deux des intervenants du débat truqué à l'IMA du 24 février) ; le 7 mai, dans La Vie par Henrik Lindell[xxvi]. Le 8 mai, le site Souria Houria publie le programme du père Paolo dall'Oglio lors de ce nouveau séjour en France[xxvii]. On y apprend que l'homme amorce une tournée à travers la France : le 16 mai conférence-débat au centre Sèvres à Paris ; le 21 mai, conférence-débat à Lyon organisée avec l'Hospitalité Saint-Antoine ; le 22 mai conférence-débat à Nîmes avec la librairie Siloë ; le 27 mai, conférence-débat organisée par Souria Houria à Paris ; le 28 mai à Strasbourg, rencontre à la librairie Kleber. Le 9 mai, Pèlerin fait paraître les bonnes feuilles de son livre témoignage, accompagné d'un portrait idéalisé.

Vraiment, l'histoire du père Paolo a tout d'une success story ; alors que, comme nous le verrons plus loin, toutes les autorités chrétiennes de Syrie qui contestent la version officielle sont totalement passées sous silence ou gravement diffamées, lui à chacun de ses passages est accueilli par les grands médias français (renommés comme chacun sait pour leur intégrité et leur indépendance), comme le messie, et traité comme tel. Ce troisième passage en France confirme de façon éclatante l'impression laissée par ses deux premiers séjours en septembre 2012.

Le discours du père Paolo

Au-delà de la couverture médiatique exceptionnelle dont il a bénéficié à chacun de ses passages, est du plus haut intérêt la teneur des discours du père Paolo Dall'Oglio. Si l'homme est souvent vague et dur à suivre, si l'on y prête attention on s'aperçoit que son discours s'articule autour d'un nombre de positions constant, qu'il défend à chaque fois de la même façon. Pour être plus précis, son discours colle toujours remarquablement à la version officielle des médias occidentaux de la zone OTAN.

Comparaison avec les « négationnistes »

Presqu'à chacune de ses interventions, le père Paolo utilise ce que Viktor Dedaj appelle des « tazzers idéologiques »[xxviii]. Un tazzer idéologique est un argument dont la fonction est de rendre tout débat impossible en plaçant son contradicteur devant des accusations d'une telle gravité qu'elles peuvent le foudroyer psychiquement et le rendre impotent dans le débat subséquent.

En l'occurrence le père Paolo n'hésite jamais à brandir le tazzer idéologique suprême à savoir l'accusation de négationnisme et la comparaison avec la version officielle du génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale : ceux qui remettent en cause la version officielle des sanglants événements de Syrie (c'est « Bachar » et ses miliciens qui assassinent en masse leur propre peuple en n'hésitant pas à recourir aux moyens les plus sales et les plus répréhensibles), sont les mêmes que ceux remettant en cause la version officielle de cet événement. L'Expressrapporte ainsi : « Il évoque pêle-mêle le Réseau Voltaire et les responsables ecclésiastiques chrétiens ou musulmans qui, selon lui, donnent la parole religieuse au mensonge d'Etat, nient la révolution et la réduisent à un fait de sécurité liée au terrorisme. C'est un négationnisme incroyable, ajoute-t-il, qui est le fait d'identitaires à l'extrême-droite et d'anti-impérialistes à gauche. Ceux qui ont nié la Shoah nient la révolution syrienne ! [xxix]» On retrouve la même position dans l'entretien publié par le Courrier International : « Dans le fond, il n'est pas étonnant que les derniers alliés objectifs du régime syrien soient ceux qui ont toujours nié le génocide du peuple juif et, aujourd'hui, nient la révolution du peuple syrien. » et dans La Libre Belgique[xxx] : « Je voudrais savoir aussi pourquoi les tenants en Europe du négationnisme de la Shoah, parmi les traditionalistes catholiques extrêmes, anti-impérialistes et antiaméricains, alliés aux anticapitalistes et staliniens, sont aujourd'hui du côté du négationnisme syrien et sont sensibles à la sirène Agnès » (Mère Agnès-Mariam de la Croix). Je me souviens très bien par ailleurs que le père Paolo avait fait cette comparaison lors de la conférence du 24 février à la mairie du XXème, et qu'un membre clé de cette association, quand j'avais prétendu débattre avec eux à la Fête de l'Humanité, avait usé de ce même tazzer.

Inversion de la réalité, dénonciation des mensonges des pro el-Assad et théorie du complot

Le père Paolo semble également profiter du fait que dans nos sociétés du spectacle d'Europe et d'Amérique du Nord, existe un second tazzer idéologique qui peut s'avérer très efficace, quoiqu'à force de mensonges il tende à s'émousser. Sa propagation dans les médias et, par ricochet, dans les conversations quotidiennes remonte à peu près aux attentats du 11 septembre 2001, il s'agit du concept de théorie du complot. Comme la comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, c'est une accusation que l'on profère généralement dans le but de couper court à toute conversation, de l'empêcher souvent ne serait-ce que de commencer. Pour étayer sa comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, le père Paolo énonce fréquemment que ceux qui doutent de la version médiatique des événements de Syrie errent perdus dans un labyrinthe de mensonges et de complots : « Nous faisons face à un mensonge, selon lequel il n'y a pas de révolution, mais la Syrie qui se défend contre un complot saoudien, sioniste ou occidental, et lutte contre le terrorisme islamique.[xxxi] » « (Dans les médias du pouvoir syrien) les théories du complot les plus diverses circulent. On parle d'une grande entente entre les États-Unis, Israël, al-Qaïda, les salafistes, les Frères Musulmans et la Ligue arabe, dans le but d'abattre le dernier État arabe qui n'a pas encore capitulé face au projet sioniste et n'a pas renoncé à combattre l'impérialisme… Il est évident qu'à ce niveau-là, il est difficile de discuter.[xxxii] »

Les prises de position de ce genre abondent, pour ce point je me borne à ces deux citations.

Evolution de son discours entre septembre 2012 et mai 2013

Son troisième séjour en France me contraint d'actualiser mon analyse. Les quelques mois qu'il a passé hors de France n'ont visiblement pas fait de bien au père Paolo dall'Oglio, qui atteint désormais des sommets dans les délires haineux et négationnistes.
Avec le temps le discours du père Paolo s'est radicalisé, comme si, constatant les boulevards qui lui sont ouverts par tous les médias officiels de la zone OTAN, l'impunité totale dont il bénéficie dans l'étalage de ses mensonges, de ses calomnies, et de ses incitations à la haine, il pouvait à présent tout se permettre. Peut-être aussi l'homme est-il furieux de constater que la situation sur place ne se décante guère, que ce régime qu'il déteste continue de tenir, ce qui retarde d'autant son retour à Mar Moussa.

Poursuivant sa folle fuite en avant, le père Paolo va à présent très, très loin dans ses prises de positions. Les mercenaires islamistes liés à al Qaida ? « Dans mes échanges avec eux, j'ai reconnu des hommes et des femmes qui ont une passion religieuse, un sentiment religieux que je partage. Ce sont des gens enragés mais épris de justice. Ils se sentent collectivement persécutés, attaqués et niés. Du coup, ils sont dans une psychologie d'hyper réactivité victimaire qui les amène à commettre des crimes. » La timidité des prises de position de l'Eglise catholique de Syrie ? « J'ajouterai qu'il y a de la corruption politique, sexuelle, qui se cache derrière la soumission au pouvoir. Cela fait partie d'un système de cooptation par soumission à un système autoritaire. » Les chrétiens qui ne partagent pas son point de vue ? Ce sont des « islamophobes chrétiens ». Peut-on dialoguer avec Bachar el-Assad ? « Auriez-vous accepté de dialoguer avec Hitler en 1944 ? » Le terrorisme en Syrie ? « Je propose de se passer du mot » terrorisme « . Il faut utiliser » révolutionnaire. » Le possible usage des armes chimiques par el-Assad ? « Comment ne pas y croire ? Si quelqu'un peut envoyer des missiles balistiques qui enlèvent un hectare de ville, si quelqu'un peut envoyer des bombes sur la population syrienne sans état d'âme, pourquoi aurait-il un problème pour utiliser des armes chimiques ? » Il ose dire ça, alors qu'il est à l'époque avéré que des combattants du Front al-Nosra ont utilisé des armes chimiques contre des civils syriens dans un village de la banlieue d'Alep[xxxiii].

Bilan sur les éléments de langage

Comme je le suggérais en introduisant ces leitmotivs de ses discours et réparties, il est manifeste que le père Paolo n'y exprime pas une opinion personnelle, mais qu'à l'évidence, il relaie de manière systématique des éléments de langage copiés collés des argumentaires des médias de la zone OTAN. Il ne s'en écarte jamais, et je pourrais entrer beaucoup plus dans le détail. L'indice le plus significatif de cette coïncidence me semble cette finesse avec laquelle notre prélat, qui ne s'occupe que d'affaires syriennes depuis 30 ans, relaie l'argumentaire pointant l'association entre extrême droite et extrême gauche dans la dénonciation dans la version officielle martelée en zone OTAN, qui est une construction des médias commerciaux français pour discréditer tout point de vue un peu différent (ce fameux mythe des rouges-bruns, popularisé par des propagandistes, comme Ornella Guyet, et ou des agents d'influence, comme Bernard-Henry Levi). C'est typiquement le genre d'argument qui ne peut que lui avoir été soufflé, et qu'il relaie sans vérifier, inconsciemment ou sur commande.

A suivre

François Belliot

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 08:10
Saint Gérasime,qui êtes-vous ?
L’anachorète du Jourdain
(† 475)
Commémoration :
L’Église orthodoxe le 04 mars.
Martyrologium Romanum le 05 mars (dies natalis).
Gérasime naît dans la province de Lycie (Cappadoce), à la fin du IVe siècle, et entra dès son enfance dans un monastère cénobitique. Après avoir été initié aux règlements de la vie commune, le désir ardent de Dieu le conduisit en des lieux déserts où il se nourrissait de plantes poussant là naturellement, et il passait ses jours et ses nuits à lutter contre les esprits des ténèbres et les passions de la chair. De là, il se rendit en Terre Sainte pour entreprendre de plus grands combats dans les lieux sanctifiés par la présence de tant de saints ascètes et nouveaux Apôtres. Après avoir vénéré les sanctuaires de Jérusalem, il se dirigea vers l'âpre désert de la Mer Morte, qu'il civilisa par ses vertus, et attira à lui un grand nombre de disciples.
Pendant les temps troublés qui agitèrent les moines de Palestine, après le Concile de Chalcédoine (451) et entraînèrent vers l'hérésie plus de dix mille d'entre eux, Gérasime, victime de sa grande simplicité, se laissa séduire lui aussi quelque temps par l'éloquence trompeuse du monophysite Théodose qui s'était emparé du siège épiscopal de Jérusalem, à la place de St Juvénal. Mais, rencontrant St Euthyme dans le désert de Rouba, il réalisa son erreur, accueillit avec humilité son enseignement et revint à l'Orthodoxie pour devenir, tant par sa vie que par ses enseignements, un fervent défenseur de la Vraie Foi. Par la suite, il garda de fréquentes relations avec le grand Euthyme et, chaque année, il partait avec lui pour le désert profond, afin de passer tout le Carême, jusqu'au dimanche des Palmes, dans le jeûne le plus austère et la prière permanente. Pendant la semaine il s'abstenait de toute nourriture et ne se contentait, le dimanche, que de la Sainte Communion.
Comme ses disciples devenaient plus nombreux, il condescendit à leur faiblesse et alla fonder une laure dans un endroit plus clément, sur les rives du Jourdain, dans laquelle il alliait harmonieusement la vie communautaire et la solitude, offrant ainsi à tous une saine émulation dans les combats de la vertu. Le samedi et le dimanche, ermites et cénobites se réunissaient dans l'église pour célébrer la Divine Liturgie et participer aux Saints Mystères. Après le repas commun, suivi de quelque conversation spirituelle ou d'une conférence de leur Père Gérasime, ils recevaient les fournitures nécessaires à leur travail manuel, un pain, quelques dattes et une cruche d'eau, et chacun repartait en silence pour mener son combat, seul devant Dieu. Ces ermites menaient une vie si austère qu'ils n'avaient dans leur cellule ni lampe, ni rien pour allumer du feu. Gérasime leur enseignait comment mettre tout leur soin à cultiver « l'homme caché du cœur » et à élever leur âme vers la contemplation des mystères divins. Ils étaient si dépouillés de tout attachement aux choses du monde qu'ils avaient comme règle, quand ils sortaient, de laisser leur cellule ouverte à quiconque entrerait pour prendre ce dont il avait besoin.
St Cyriaque l'Anachorète qui, trop jeune encore pour entreprendre les combats du désert, avait été envoyé par St Euthyme auprès de Gérasime pour devenir son disciple, racontait qu'un jour, après avoir été averti de nuit par la vision d'une colonne de feu qui s'élevait au ciel, son Ancien lui annonça que St Euthyme venait de décéder et qu'ils devaient se rendre à ses funérailles, après une longue marche dans le désert jusqu'à Jéricho.
On rélie à Gérasime, l’histoire non moins célèbre du lion. Un jour il se promenait sur la rive du Jourdain quand, soudain, un lion terrifiant se présenta devant lui, hurlant de douleur et lui montrant sa patte enflée, car une pointe de roseau s'y était enfoncée. Plein de cette même compassion que Dieu éprouve envers toutes Ses créatures, Gérasime retira l'épine, nettoya la plaie et la banda, puis il congédia la bête. Mais le lion, plein de reconnaissance, ne voulut plus quitter l'homme de Dieu; il le suivait partout comme un disciple exemplaire et, converti de sa férocité naturelle, il ne mangeait plus que du pain et des légumes. Il avait même reçu une obédience et était chargé de conduire l'âne du monastère pour le faire paître sur les rives du fleuve. Un jour, échappant à la surveillance du lion, l'âne s'éloigna et fut capturé par des chameliers qui venaient d'Arabie. Le lion revint au monastère tout triste et la tête baissée. Gérasime, croyant qu'il avait mangé l'âne, le réprimanda sévèrement et le condamna à faire désormais le travail de la bête de somme, en portant l'eau du fleuve au monastère. Quelque temps après, le chamelier qui avait pris l'âne étant de nouveau de passage dans la région, se trouva par hasard en face du lion. En reconnaissant l'âne, le lion fonça aussitôt sur lui et, le prenant par la bride avec trois chameaux à la suite, il le ramena avec joie au monastère en frétillant de la queue de joie. Son innocence ayant été reconnue, le lion, qui avait reçu le nom de Jourdain, vécut dès lors dans la laure inséparable du Saint et ami de tous les moines.
Au bout de cinq ans, quand Gérasime s'endormit dans le Seigneur (5 mars 475), Jourdain était absent de la laure. Lorsqu'à son retour, les moines lui apprirent la mort de l'Ancien, il refusa de manger et, tournant çà et là, il poussait de grands rugissements de désespoir. Comme les moines ne parvenaient pas à le consoler, l'un d'eux l'invita à le suivre pour voir l'endroit où on avait enterré le Saint. Aussitôt qu'il approcha de la tombe, le lion se prosterna avec le moine et, frappant violemment sa tête contre terre, il mourut sur place en poussant un grand rugissement.
La laure de Gérasime est restée pendant longtemps un des hauts lieux du monachisme palestinien, jusqu'à sa destruction au XIIIe siècle. Prenant avec eux les reliques du Saint, les moines s'installèrent alors dans la laure de Calamon qui prit le nom de Saint Gérasime.


Source principale : calendrier.egliseorthodoxe.com (« Rév. x gpm »).

 

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 07:34
Ma coupe, vous y boirez (Saint Augustin / St Grégoire le Grand)

Par Saint Grégoire le Grand (v. 540-590-604), pape de Rome et docteur de l’Église. Homélies sur l'Évangile, n°35 (trad. Le Barroux)

« Ma coupe, vous y boirez »

Nous devons nous sentir concernés par la forme de patience qu'ont pratiquée les martyrs. Car si nous nous efforçons avec l'aide du Seigneur de garder cette vertu, nous ne manquerons pas d'obtenir la palme du martyre, bien que nous vivions dans la paix de l'Église.

C'est qu'il y a deux sortes de martyres : l'un consistant en une disposition de l'esprit, l'autre joignant à cette disposition de l'esprit les actes extérieurs.

C'est pourquoi nous pouvons être martyrs même si nous ne mourons pas exécutés par le glaive du bourreau.

Mourir de la main des persécuteurs, c'est le martyre en acte, dans sa forme visible ; supporter les injures en aimant celui qui nous hait, c'est le martyre en esprit, dans sa forme cachée.

Qu'il y ait deux sortes de martyres, l'un caché, l'autre public, la Vérité l'atteste en demandant aux fils de Zébédée :

-« Pouvez-vous boire le calice que je vais boire ? » Ceux-ci ayant répliqué : « Nous le pouvons », le Seigneur répond aussitôt :

-« Mon calice, vous le boirez en effet ».

Que devons-nous comprendre par ce calice, sinon les souffrances de la Passion, dont il dit ailleurs :

-« Mon Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de moi » ? (Mt 26,39)

Les fils de Zébédée, à savoir Jacques et Jean, ne sont pas morts pas tous les deux martyrs, et pourtant il leur a été dit à tous deux qu'ils boiraient le calice.

En effet, bien que Jean ne soit pas mort martyr, il l'a été cependant, puisque les souffrances qu'il n'avait pas subies dans son corps, il les a éprouvées dans son esprit. I

l faut donc conclure de cet exemple que nous pouvons nous aussi être martyrs sans passer par le glaive, si nous conservons la patience dans notre âme.

===

Par Saint Augustin (354-430),

évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église .Commentaire sur le psaume 126 ; CCSL 40, 1859s

« Il leur dit : Voici que nous montons à Jérusalem »

« C'est en vain que vous vous levez avant le jour » (Ps 126,2).

Qu'est-ce à dire ? ...

Le Christ, notre Jour, s'est levé ; il est bon de vous lever après le Christ et non avant lui. Quels sont ceux qui se lèvent avant le Christ ? ...

Ceux qui veulent être élevés ici-bas, où lui a été humble. Qu'ils soient donc humbles en ce monde s'ils veulent être élevés là où le Christ est élevé.

En effet, il a dit de ceux qui avaient adhéré à lui par la foi — et précisément nous en sommes :

-« Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi » (Jn 17,25).

Don magnifique, grande grâce, glorieuse promesse...

Voulez-vous être là où lui il est élevé ?

Soyez humbles là où il a été humble.


« Le disciple n'est pas au-dessus du maître » (Mt 10,24)...

Et pourtant, les fils de Zébédée, avant d'avoir subi l'humiliation en conformité avec la Passion du Seigneur, s'étaient déjà choisi leur place, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Ils voulaient « se lever avant le Jour » ; c'est pourquoi ils marchaient en vain.

Le Seigneur les a rappelés à l'humilité en leur demandant : « Pouvez-vous boire le calice que je dois boire ? Je suis venu pour être humble, et vous voulez être élevés avant moi ? Suivez-moi, dit-il, dans le chemin où je vais. Car si vous voulez aller par un chemin où ne vais pas, c'est en vain. »

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 07:30
Porter du Fruit en Christ (St Grégoire de Nysse / St Basile )

Par Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395),

moine et évêque
3ème homélie sur le Cantique des Cantiques (trad. cf. Delhougne, p. 176 et Canevet, Cerf 1992, p. 33)

Donner du fruit en Celui qui en a donné à la plénitude du temps


« Mon bien-aimé est une grappe de raisin de Chypre, dans la vigne d'En-Gaddi » (Ct 1,14)...

Cette grappe divine se couvre de fleurs avant la Passion et verse son vin dans la Passion...

Sur la vigne, la grappe ne montre pas toujours la même forme, elle change avec le temps : elle fleurit, elle gonfle, elle est achevée, puis, parfaitement mûre, elle va se transformer en vin.

La vigne promet donc par son fruit : il n'est pas encore mûr et à point pour donner du vin, mais il attend la plénitude des temps.

Toutefois, il n'est pas absolument incapable de nous réjouir. En effet, avant le goût, il charme l'odorat, dans l'attente des biens futurs, et il séduit les sens de l'âme par les parfums de l'espérance.

Car l'assurance ferme de la grâce espérée devient jouissance déjà pour ceux qui attendent avec constance.

Il en est ainsi du raisin de Chypre qui promet du vin avant de le devenir : par sa fleur — sa fleur c'est l'espérance — il nous donne l'assurance de la grâce future...

Celui dont la volonté est en harmonie avec celle du Seigneur, parce qu' « il la médite jour et nuit », devient « un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt » (Ps 1,1-3).

C'est pourquoi la vigne de l'Époux, qui a pris racine dans la terre fertile de Gaddi, c'est-à-dire dans le fond de l'âme, qui est arrosée et enrichie par les enseignements divins, produit cette grappe fleurissante et épanouie dans laquelle elle peut contempler son propre jardinier et son vigneron.

Bienheureuse cette terre cultivée dont la fleur reproduit la beauté de l'Epoux !

Puisque celui-ci est la lumière véritable, la vraie vie et la vraie justice...et bien d'autres vertus encore, si quelqu'un, par ses œuvres, devient pareil à l'Époux, lorsqu'il regarde la grappe de sa propre conscience, il y voit l'Epoux lui-même, car il reflète la lumière de la vérité dans une vie lumineuse et sans tache.

C'est pourquoi cette vigne féconde dit :

-« Ma grappe fleurit et bourgeonne » (cf Ct 7,13).

L'Epoux est en personne cette vraie grappe qui se montre attachée au bois, dont le sang devient une boisson de salut pour ceux qui exultent dans leur salut.

+++

Par Saint Basile (v. 330-379), moine et évêque de Césarée en Cappadoce, docteur de l'Église . Homélie 5 sur l'Hexaéméron, 6 ; SC 26 (trad. SC p. 304 rev. Delhougne)

Porter du fruit


Le Seigneur ne cesse de comparer les âmes humaines à des vignes :

« Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau, en un lieu fertile » (Is 5,1) ; « J'ai planté une vigne, je l'ai entourée d'une haie » (cf Mt 21,33).

Ce sont évidemment les âmes humaines que Jésus appelle sa vigne, elles qu'il a entourées, comme d'une clôture, de la sécurité que donnent ses commandements et de la garde de ses anges, car « l'ange du Seigneur campera autour de ceux qui le craignent » (Ps 33,8).

Ensuite il a planté autour de nous une sorte de palissade en établissant dans l'Église, « premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui sont chargés d'enseigner » (1Co 12,28).

En outre, par les exemples des saints hommes d'autrefois, il élève nos pensées sans les laisser tomber à terre où elles mériteraient d'être foulées aux pieds.

Il veut que les embrassements de la charité, comme les vrilles d'une vigne, nous attachent à notre prochain et nous fassent reposer sur lui.

Ainsi gardant constamment notre élan vers le ciel, nous nous élèverons comme des vignes grimpantes, jusqu'aux plus hautes cimes.

Il nous demande encore de consentir à être sarclés.

Or une âme est sarclée quand elle écarte d'elle les soucis du monde qui sont un fardeau pour nos cœurs. Ainsi celui qui écarte de lui-même l'amour de ce monde et l'attachement aux richesses ou qui tient pour détestable et méprisable la passion pour cette misérable gloriole a pour ainsi dire été sarclé, et il respire de nouveau, débarrassé du fardeau inutile des soucis de ce monde.

Mais, pour rester dans la ligne de la parabole, il ne faut pas que nous produisions seulement du bois, c'est-à-dire vivre avec ostentation, ni rechercher la louange de ceux du dehors.

Il nous faut porter du fruit en réservant nos œuvres pour les montrer au vrai vigneron (Jn 15,1).

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 07:27

Saintes Perpétue et Félicité
Martyres († 203)


Perpétue est une jeune patricienne, Félicité une jeune esclave.

Elles avaient toutes deux demandé le baptême à l'évêque de Carthage. L'empereur Septime Sévère ayant interdit le christianisme, le groupe des catéchumènes, dont elles faisaient partie, est arrêté, avec Sature, Saturnin, Révocat et Secondule. Pendant plusieurs mois, ils connurent la prison dans des conditions très dures, d'autant qu'ils étaient dans l'incertitude du sort exact qui les attendait.

Félicité était enceinte et Perpétue, jeune mariée, allaitait son enfant. Le père de la jeune femme tenta en vain de la faire sacrifier aux dieux au nom de l'amour maternel. Quant à Félicité, elle mit au monde une petite fille dans sa prison. Trois jours après la naissance, elle était martyrisée et l'enfant fut adoptée par une chrétienne de la ville.

Comme leurs compagnons, Perpétue et Félicité furent livrées aux bêtes du cirque, enveloppées dans un filet, et livrées à une vache furieuse. Elles attirèrent la pitié des spectateurs devant ces jeunes mères torturées. On les acheva en les égorgeant.

Selon les « acta » de leur martyre, des témoins disaient : « Leur visage était rayonnant et d'une grande beauté. Il était marqué non de peur mais de joie. »

Le culte des deux jeunes femmes connut très vite une grande popularité : leur jeunesse, leur situation de mère de famille, leur courage, le fait qu'elles fussent des catéchumènes les font figurer en tête des martyres mentionnées dans la première prière eucharistique de la liturgie latine.

Elles sont fêtées par les Église d'Orient le 1er février.

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 07:24
L'Enfant prodigue (St Pierre Crysologue)

Par Saint Pierre Chrysologue (v. 406-450), évêque de Ravenne, docteur de l'Église . Homélie sur le pardon, 2, 3 (trad. bréviaire)

« Je vais retourner chez mon père »


Si la conduite de ce jeune homme nous déplaît, ce qui nous fait horreur, c'est son départ : quant à nous, ne nous éloignons jamais d'un tel père !

La seule vue du père fait fuir les péchés, repousse la faute, exclut toute inconduite et toute tentation.

Mais, si nous sommes partis, si nous avons gaspillé tout l'héritage du père dans une vie de désordre, s'il nous est arrivé de commettre quelque faute ou méfait, si nous sommes tombés dans le gouffre de l'impiété et dans un effondrement total, levons-nous une bonne fois et revenons à un si bon père, invités par un si bel exemple.

« Quand le père le vit, il fut saisi de pitié, il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. »

Je vous le demande : quelle place y-a-t-il ici pour le désespoir ? Quel prétexte pour une excuse ?

Quelle fausse raison de craindre ?

A moins peut-être que l'on craigne la rencontre du père, que l'on ait peur de ses baisers et de ses embrassements ; à moins que l'on croie que le père veut saisir pour récupérer, au lieu de recevoir pour pardonner, lorsqu'il attire son enfant par la main, le prend sur son cœur, le serre dans ses bras.

Mais une telle pensée, qui écrase la vie, qui s'oppose à notre salut, est amplement vaincue, amplement anéantie par ce qui suit :

-« Le père dit à ses domestiques : Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. »

Après avoir entendu cela, pouvons-nous encore tarder ? Qu'attendons-nous pour revenir au père ?

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 09:59
Une lettre de Dieu aux fiancés  (et aux fiancées) Dans le mariage, c'est le Christ Lui-même qui prend l'initiative,  qui appelle le couple.

Une lettre de Dieu aux fiancés

(et aux fiancées)

Dans le mariage, c'est le Christ Lui-même qui prend l'initiative,

qui appelle le couple.

La femme qui sera à tes côtés, tout émue, revêtue de sa robe blanche de mariée, est mienne. Je l'ai créée. Je l'ai aimée depuis toujours ; avant même que toi tu ne l'aimes, encore plus que toi. Pour elle, je n'ai pas hésité à donner ma vie. J'ai de grands projets pour elle. Je te la confie. Tu la prendras de mes mains et en deviendras responsable.

Quand tu l'as rencontrée, tu l'as trouvée belle et tu es tombé amoureux. Ce sont mes mains qui ont façonné sa beauté, c'est mon cœur qui a mis en toi la tendresse et l'amour, c'est ma sagesse qui a forgé sa sensibilité et son intelligence et toutes les belles qualités que tu as trouvées en elle.

Mais il ne suffit pas que tu sois charmé. Tu dois t'appliquer à répondre à ses besoins, à ses désirs. Tu te rendras compte qu'elle a besoin de tant de choses : elle a besoin d'une maison, de vêtements, de sérénité, de joie, d'équilibre psychique, de rapports humains, d'affection et de tendresse, de plaisir et de divertissement, de présence humaine et de dialogue, de relations sociales et familiales, de satisfactions dans le travail et de bien d'autres choses.

Mais tu dois comprendre qu'elle a surtout besoin de Moi, et de tout ce qui contribue et encourage cette rencontre avec Moi : la paix du cœur, la pureté d'esprit, la prière, la Parole, le pardon, l'espérance et la confiance en Moi, ma vie. C'est Moi, et non toi, le commencement, la fin, la destinée de toute sa vie.

Faisons un pacte, tous les deux : nous l'aimerons ensemble. Je l'aime depuis toujours. Toi, tu as commencé à l'aimer depuis quelques années, depuis le jour où tu es tombé amoureux. C'est Moi qui ai mis dans ton cœur ton amour pour elle. Je voulais la confier à quelqu'un qui en prenne soin. Mais je voulais aussi qu'elle enrichisse par sa beauté et ses qualités la vie d'un homme. Et cet homme, c'est toi.

Pour cela, j'ai fait naître dans ton cœur l'amour pour elle. C'était la plus belle façon de te dire : « Voici, Je te la confie », et pour que tu puisses jouir de sa beauté et de ses qualités. Quand tu lui diras : « Je promets de t'être fidèle, de t'aimer et te respecter tout au long de la vie », ce sera comme si tu Me répondais que tu es heureux de l'accueillir dans ta vie et de prendre soin d'elle. Dès lors, nous serons deux à l'aimer.

Mais nous devons nous mettre d'accord : il n'est pas possible que tu l'aimes d'une manière et Moi d'une autre. Tu dois avoir pour elle un amour semblable au mien, et tu dois désirer pour elle les mêmes choses que Je désire. Tu ne peux pas penser à quelque chose de plus beau et joyeux pour elle.

Si tu l'aimes sérieusement, tu verras que tu te trouveras d'accord avec Moi dans le projet que J'ai conçu pour elle. Je te ferai comprendre petit à petit quelle est ma manière d'aimer, et Je te révèlerai quelle vie j'ai rêvé pour la créature, ma créature, qui deviendra ton épouse.

Je me rends compte que Je te demande beaucoup. Tu pensais que cette femme serait toute et seulement à toi, et voilà que maintenant tu as l'impression que Je te demande de la partager avec Moi. Ce n'est pas ça. Je ne suis pas ton rival en amour. Au contraire, Je suis Celui qui t'aide à l'aimer passionnément. C'est pour cette raison que Je désire que dans ton petit amour, soit mon grand amour. Avec ton amour, tu pourrais faire beaucoup pour elle, mais c'est toujours trop peu. En revanche, Je te rends capable d'aimer à la façon de Dieu. C'est mon cadeau de mariage : un supplément d'amour qui transforme ton amour de créature et le rend capable de produire les œuvres de Dieu en la femme que tu aimes.

Ce sont des paroles mystérieuses pour toi, mais tu les comprendras petit à petit. Je t'assure que Je ne te laisserai jamais seul dans cette entreprise. Je serai toujours avec toi et ferai de toi l'instrument de mon amour, de ma tendresse ; Je continuerai à aimer ma créature, qui est devenue ton épouse, à travers tes gestes d'amour, d'attention à ton engagement, de pardon, de dévouement. En un mot : Je te rendrai capable d'aimer comme J'aime, parce que Je vais te donner une force nouvelle d'aimer, qui est mon amour même.

Si tu aimes de cette façon, ton couple deviendra une forteresse que les tempêtes de la vie ne parviendront jamais à abattre. Un amour construit sur ma Parole est comme une maison bâtie sur le roc : rien, aucune adversité ne pourra la détruire. Souviens-toi de cela, car beaucoup ont l'illusion de pouvoir se passer de Moi : mais si Je ne suis pas avec vous dans la construction de la maison de votre vie et de votre amour, vous vous fatiguerez en vain, comme les apôtres qui ont peiné en vain toute une nuit et, le matin, ont regagné le rivage avec les filets vides : il a suffi d'une simple intervention de ma part, et les filets se remplirent d'une si grande quantité de poissons qu'ils se déchiraient. En plus, si vous aimez de cette façon, vous deviendrez aussi force pour les autres.

Aujourd'hui, on croit peu à l'amour vrai, celui qui dure toujours et qui offre sa vie pour l'aimé. On recherche davantage les émotions amoureuses que l'amour. Mais les émotions naissent et meurent rapidement, ne laissant que vide et nostalgie. Aussi a-t-on pu dire que le mariage n'est qu'une grande illusion qui se dissout vite. Si vous savez vous aimer comme J'aime, avec une fidélité qui ne fait jamais défaut, vous deviendrez comme la cité sur la montagne. Vous serez une espérance pour tous, car tous verront que l'amour est une chose possible.

Padre Giordano MURARO, adapté de l'italien par Élisabeth de Lavigne pour "ALETEIA"

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 09:29

 

 

 

Saintes Perpétue et Félicité, qui êtes-vous ?
Martyres († 203)

 

 

Perpétue est une jeune patricienne, Félicité une jeune esclave.

Elles avaient toutes deux demandé le baptême à l'évêque de Carthage. L'empereur Septime Sévère ayant interdit le christianisme, le groupe des catéchumènes, dont elles faisaient partie, est arrêté, avec Sature, Saturnin, Révocat et Secondule. Pendant plusieurs mois, ils connurent la prison dans des conditions très dures, d'autant qu'ils étaient dans l'incertitude du sort exact qui les attendait.

 

Félicité était enceinte et Perpétue, jeune mariée, allaitait son enfant. Le père de la jeune femme tenta en vain de la faire sacrifier aux dieux au nom de l'amour maternel. Quant à Félicité, elle mit au monde une petite fille dans sa prison. Trois jours après la naissance, elle était martyrisée et l'enfant fut adoptée par une chrétienne de la ville.

 

Comme leurs compagnons, Perpétue et Félicité furent livrées aux bêtes du cirque, enveloppées dans un filet, et livrées à une vache furieuse. Elles attirèrent la pitié des spectateurs devant ces jeunes mères torturées. On les acheva en les égorgeant.

 

Selon les « acta » de leur martyre, des témoins disaient : « Leur visage était rayonnant et d'une grande beauté. Il était marqué non de peur mais de joie. »

 

Le culte des deux jeunes femmes connut très vite une grande popularité : leur jeunesse, leur situation de mère de famille, leur courage, le fait qu'elles fussent des catéchumènes les font figurer en tête des martyres mentionnées dans la première prière eucharistique de la liturgie latine.

Elles sont fêtées par les Église d'Orient le 1er février.

 

 

 

Saintes Perpétue et Félicité
Martyres († 203)

 

P

erpétue est une jeune patricienne, Félicité une jeune esclave.

Elles avaient toutes deux demandé le baptême à l'évêque de Carthage. L'empereur Septime Sévère ayant interdit le christianisme, le groupe des catéchumènes, dont elles faisaient partie, est arrêté, avec Sature, Saturnin, Révocat et Secondule. Pendant plusieurs mois, ils connurent la prison dans des conditions très dures, d'autant qu'ils étaient dans l'incertitude du sort exact qui les attendait.

 

Félicité était enceinte et Perpétue, jeune mariée, allaitait son enfant. Le père de la jeune femme tenta en vain de la faire sacrifier aux dieux au nom de l'amour maternel. Quant à Félicité, elle mit au monde une petite fille dans sa prison. Trois jours après la naissance, elle était martyrisée et l'enfant fut adoptée par une chrétienne de la ville.

 

Comme leurs compagnons, Perpétue et Félicité furent livrées aux bêtes du cirque, enveloppées dans un filet, et livrées à une vache furieuse. Elles attirèrent la pitié des spectateurs devant ces jeunes mères torturées. On les acheva en les égorgeant.

 

Selon les « acta » de leur martyre, des témoins disaient : « Leur visage était rayonnant et d'une grande beauté. Il était marqué non de peur mais de joie. »

 

Le culte des deux jeunes femmes connut très vite une grande popularité : leur jeunesse, leur situation de mère de famille, leur courage, le fait qu'elles fussent des catéchumènes les font figurer en tête des martyres mentionnées dans la première prière eucharistique de la liturgie latine.

Elles sont fêtées par les Église d'Orient le 1er février.

 

Stes Perpétue et Félicité

Stes Perpétue et Félicité

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Published by Eglise Syriaque-Orthodoxe Antiochienne
4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 08:44
La mort expliquée par une petite fille  atteinte d'un cancer en phase terminale

La mort expliquée par une petite fille

atteinte d'un cancer en phase terminale

« Quand je serai morte, je pense que ma mère sera très triste et

qu'elle aura de la nostalgie. Mais je n'ai pas peur de mourir.

Je ne suis pas née pour cette vie ! »

Comme cancérologue, fort de mes 29 années d'expérience professionnelle, je peux affirmer que j'ai grandi et changé avec les drames vécus par mes patients. Nous ne connaissons pas notre véritable dimension tant que, confrontés à l'adversité, nous ne nous découvrons pas que nous sommes capables d'aller bien plus loin.

Je me souviens avec émotion de l'Hospital do Câncer de Pernambuco (HCP), au Brésil, où j'ai fait mes premiers pas comme professionnel... J'ai commencé à fréquenter le service des enfants et me suis passionné pour l'oncopédiatrie. J'ai vécu le drame de mes petits patients, victimes innocentes du cancer. Avec la naissance de ma première fille, j'ai commencé à trembler à la vue de la souffrance des enfants.

Jusqu'au jour où un ange est passé près de moi ! Mon ange a revêtu la forme d'une petite fille de 11 ans, éprouvée par de longues années de traitements variés, de manipulations, d'injections et de tous les désagréments causés par les chimiothérapies et radiothérapies. Mais je n'ai jamais vu mon petit ange flancher. Je l'ai vu pleurer souvent ; j'ai vu aussi la peur dans ses petits yeux ; mais, c'est humain !

Un jour, arrivé à l'hôpital très tôt, j'ai trouvé mon ange toute seule dans sa chambre. Je lui demandai où était sa mère. Encore aujourd'hui, je ne parviens à raconter la réponse qu'elle m'a donnée sans éprouver une émotion profonde.

- Tu sais, me dit-elle, ma mère quitte parfois la chambre pour pleurer en cachette dans les couloirs ... Quand je vais mourir, elle aura du chagrin, de la nostalgie. Mais je n'ai pas peur de mourir. Je ne suis pas née pour cette vie !
- Et la mort, qu'est-ce que c'est pour toi, trésor ?
- Tu sais, quand nous sommes petits, parfois nous allons dormir dans le lit de nos parents, et le lendemain nous nous retrouvons dans notre propre lit, pas vrai ? (Je me suis souvenu de mes filles, âgées à l'époque de 6 et 2 ans, avec elles je faisais exactement la même chose.) C'est pareil. Un jour, je dormirai et mon Père va venir me prendre. Je me réveillerai dans sa Maison, dans ma vraie vie !

Je suis resté abasourdi, je ne savais pas quoi dire. Bouleversé par la maturité précoce – forgée par la souffrance –, la vision et la spiritualité de cette petite fille.

- Et ma mère aura beaucoup de chagrin, de nostalgie, reprit-elle.
Bouleversé, retenant mes larmes, j'ai demandé :
- Et que signifie pour toi la nostalgie, trésor ?
- La nostalgie, c'est l'amour qui reste !
Aujourd'hui, à 53 ans, je défie quiconque de donner une meilleure définition du mot nostalgie : c'est l'amour qui reste !

Mon petit ange s'en est allée, voici de nombreuses années. Mais elle m'a laissé une grande leçon qui a contribué à améliorer ma vie, à essayer d'être plus humain et attentionné avec mes patients, à repenser mes valeurs. La nuit venue, si le ciel est clair et que je vois une étoile, je l'appelle « mon ange », qui brille et resplendit dans le ciel. J'imagine qu'elle est une étoile fulgurante dans sa nouvelle et éternelle maison.

Merci petit ange, pour la belle vie que tu as eue, pour les leçons enseignées, pour l'aide apportée. Quelle bonne chose que la nostalgie existe ! L'amour qui est resté est éternel.

Dr. Rogério Brandão, oncologiste
Adapté du portugais par Élisabeth de Lavigne pour "Aletei
a"

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