Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 octobre 2014 4 09 /10 /octobre /2014 19:08
L'HOMME, UN ÊTRE LITURGIQUE AVANT TOUT  Par l'Ancien Georges Kapsanis
kapsanis%2Baa.jpg

Nous définissons généralement les hommes
comme des êtres rationnels et indépendants.
Ces attributs conviennent assez, mais ne
rendent pas compte de la nature humaine
dans son intégralité. 
Par l'expérience liturgique, nous pensons
que,plus que tout, les hommes sont des êtres
liturgiques. Ils ont été faits pour servir,
pour s’offrir eux-mêmes et offrir le monde
entier à Dieu avec gratitude, louange et adoration,
pour s'unir à Dieu, pour être sanctifiés pour
vivre en offrande continue / sacrifice/ service. 
La rationalité, l'indépendance et les autres
attributs nous ont été donnés pour cette raison,
afin que nous puissions nous placer dans cette
relation liturgique avec le Dieu trinitaire. Dans
cette ascension liturgique, les hommes agissent
comme étant «à l'image» et sont élevés pour
être «à la ressemblance»
La vie dans le Paradis était une Divine Liturgie. De concert avec les anges, Adam et
Eve célébraient la Sainte Trinité. Avec la chute dans l'égocentrisme ils ont perdu la
possibilité d’offrir le monde et de s’offrir eux-mêmes à Dieu d'une manière
eucharistique et ainsi de prendre part au ministère commun au Paradis. 

S’étant exilés eux-mêmes de la Liturgie paradisiaque, ils se sont retrouvés sur la
terre sans leur fonction de liturge. Là, la qualité de l’homme « à l'image » n’était
plus activée. Cependant certaines rémanences et parcelles lumineuses de la
fonction de célébrant d'avant la chute ont persisté en leur tréfonds. Ce sont ces
vestiges quiles ont poussés à construire des autels et à procéder à des sacrifices
pour Dieu. 

Au mieux, ce culte était un fragment, une ombre, une trace. Il n'a pas introduit
les hommes dans une communion et une union parfaite avec Dieu. Il ne nous a pas
donné l'Esprit Saint. Il ne nous a pas sauvés de la mort. Il a, cependant, suscité
en nous le désir de la vraie liturgie messianique. Ce désir et cette perspective
ont donné de l'espoir aux hommes qui étaient assis dans les ténèbres sous l'ombre
de la mort. 
L'amour du Père céleste ne pouvait pas nous laisser sans office liturgique. De
par sa providence, le Verbe s'est fait chair. Jésus-Christ, le Grand Prêtre, a
commencé le ministère conjoint du Nouveau Testament. 
La liturgie du Nouveau Testament ne pouvait être instituée que par le Christ,
car le Christ seul pouvait s’offrir Lui-même et offrir le monde entier de façon
complète au Dieu Un et Trine. Certes il y eut aussi des hommes qui ont
sacrifié dans l'Ancien Testament. Sans victimes sacrificielles. Mais Jésus le
Christ était le sacrifice parfait en même temps que la personne parfaite
pour réaliser le sacrifice. Le sacrifice sans tache. L'Agneau de Dieu qui ôte
le péché du monde ... 
…un monde sans fonction liturgique, errait déchu, dans cette absence de
Liturgie,sous la puissance du diable et de la mort Avec sa mort sur la croix et
sa Résurrection,le Christ nous a rachetés de cet esclavage, nous a libérés et
nous a donné la possibilité de prendre part au ministère conjoint du Nouveau
Testament. C'est à dire de nous offrir à Dieu, de remercier Dieu et de Lui offrir
notre louange. En étant offerts et en offrant toutes choses à Dieu avec le Christ,
nous participons au culte en tant qu’hommes. C'est à dire que nous officions
alors en tant que nous sommes «à l'image de Dieu».

Nous devenons des personnes réelles. 
La liturgie du Nouveau Testament est largement supérieure à la liturgie
paradisiaque.
Maintenant en effet, le Grand Prêtre n’est autre que le Fils de Dieu
Lui-même.
La Mère de Dieu et les Saints concélèbrent et participent à l’adoration
de la Toute Sainte Trinité « avec des bouches chantant sans cesse d’inlassables
louanges». 

Chaque Chrétien orthodoxe baptisé, qui meurt pour vivre, prend part à ce
ministère commun. Dans cette Liturgie partagée les hommes trouvent leur
véritable nature et leur vrai repos, leur personne réelle « à l'image de Dieu ».
En dehors de cette Liturgie partagée, les hommes peuvent bien être des ‘Homo
Sapiens’ ou des ‘Homo œconomicus’ de la société socialiste ou capitaliste, mais
ils ne sont plus les pontifes de la création,ils ne sont plus le point de basculement
entre le monde créé et le monde incréé et ils ne sont plus «à l'image de Dieu»

La Divine Liturgie du Nouveau Testament a commencé avec l'incarnation du Verbe
et se poursuit jusque dans le futur le plus lointain par le Suprême Grand Prêtre.

Chaque Divine Liturgie célébrée à l'autel sur terre participe conjointement à
cette intemporelle et éternelle liturgie. «Nous aussi, les pécheurs, clamons à haute
voix avec les bienheureuses puissances, Maître et Ami des hommes, et disons : Saint
es-Tu et Très Saint ...». 

Chaque prêtre et évêque qui célèbre aux autels de la terre « accomplit la fonction
sacerdotale du Christ dans l'Église» (canon de Carthage).
Ce n’est pas un sacerdoce personnel.
Chaque prêtre et chaque évêque prend part à l'unique sacerdoce du Christ. 

Notre plus grand péché aujourd'hui, c'est que nous n'avons pas de fonction liturgique.
Nous ne faisons pas d’offrande ni ne nous offrons nous-mêmes à Dieu et à nos frères
humains.

On pouvait autrefois faire offense  à quelqu'un en lui faisant la remarque qu’il ne
venait pas à l'église pour participer à la Divine Liturgie. Aujourd'hui, cependant, à
cause de notre incrédulité et de la dureté des cœurs, c’est considéré comme normal,
et c'est au point que les gens ne trouvent d’ailleurs pas que ce soit naturel d'exercer
une  fonction liturgique ; ils trouvent même cela bizarre. 

Même quand les gens aujourd'hui « vont à l'église», il est difficile de savoir s’ils exercent
vraiment une fonction liturgique, c’est à dire s’ils prennent réellement part au mystère
universel de l'Eucharistie et de l'Église, s'ils conçoivent la Divine Liturgie pas simplement
comme un devoir religieux et social, mais comme une offrande et un sacrifice à Dieu,
en Christ. Il est même possible que quelqu'un célèbre la Divine Liturgie en tant que
prêtre et qu’il soit cependant, en substance, à l'extérieur de la Liturgie, parce qu'il
ne s’offre pas lui-même et toutes choses à Dieu. 

Ces chrétiens en dehors de la liturgie, clergé comme laïcs, fondamentalement ne
viventpas.

Il est écrit dans l'Apocalypse, « Je sais que tu passes pour être vivant, mais tu es mort.» (3, 1). 
Les hommes qui offrent  « ce qui est [au Seigneur] de ce qui [au Seigneur], en toutes
choses et pour tout»* servent vraiment Dieu et ont sa faveur. Ces hommes reconnaissent
que tout ce qu'ils ont est un don de Dieu.
Ils croient que rien de qu’ils offrent ne vient d’eux-mêmes. Tout vient de Dieu et c’est
cela même qu’ils offrent à Dieu, avec eux-mêmes, leur monde et leurs relations
avec le monde. Ils ne gardent rien égoïstement pour eux-mêmes. Ils se donnent sans
réserve. Ils donnent tout, c’est ainsi qu’ils reçoivent tout. Ils meurent, pour vivre. Et ils
offrent tout dans le Christ et pour le Christ. En toutes choses (toujours) et pour toutes
choses (pour tous les dons de Dieu).
Ainsi, l'entièreté de la vie des hommes (même après la Divine Liturgie et à l'extérieur
de l'église) devient service, offrande, relation, sacrifice, communion et action de grâces.
Toute la vie se transforme en une vie théanthropique.

Les deux heures de la Liturgie du Dimanche deviennent une liturgie quotidienne de
24 heures.

En tant qu’Orthodoxes, quand nous parlons de vie liturgique, nous ne voulons pas
parler seulement de notre courte offrande liturgique dans l'église, mais de notre vie
entière, qui, commençant par les actions liturgiques dans l'église, devient culte et liturgie.

Les chrétiens orthodoxes ne sont pas schizophrènes. Ils ne vivent
pas une vie liturgique dans l'église et une vie aliturgique à l’extérieur.

Ils passent autant de temps qu’ils peuvent à l'église (Divine Liturgie
et offices) afin d’être capables de vivre, en dehors de l'église,
d'une manière aussi proche que possible de l'esprit, du climatet de
l'éthique de la Divine Liturgie.

Par le culte dans l'église, la vie théanthropique s'enracine en eux et
est alors capable de transformer toutes les facettes de leur vie
quotidienne.

Ainsi les chrétiens imprégnés par la liturgie vivent dans l'unité de
la foi et de la vie, du divin et de l'humain, du créé et de l'incréé, de
la vie et du trépas,du temps présent et du futur, de leur propre
personne et des autres.

C’est cette unité qu’a pu vivre le peuple grec orthodoxe, aussi longtemps qu’il a eu
une réelle vie ecclésiale. Il y a encore, en Grèce, des gens, et des communautés
orthodoxes traditionnelles qui vivent dans cette unité.

Le centre de toute la vie des fondements orthodoxes traditionnels (villages et quartiers)
était l'église paroissiale, l’équivalent de ce que le Katholikon est dans les monastères.
Dans les villages d'Eubée l'église paroissiale jusqu'à ce jour est appelée la Katholiki.
(c'est à dire Καθολική Εκκλησία).

La naissance, la mort, le baptême, le mariage, l'école, le travail, les relations sociales,
les joies, et les peines, toutes les expressions de la vie sociale étaient liées à la Liturgie
et à l'église et finissaient par devenir l'Église. Ainsi, les fonctions de la vie quotidienne
trouvaient leur unité et leur ordre de préséance au sein de la Divine Liturgie.

Plus les Orthodoxes grecs prennent de la distance avec leurs racines orthodoxes, et
avec leur vivifante tradition théanthropique, moins les diverses fonctions de la vie sont
organiquement liées à la Divine Liturgie, c’est pourquoi ils arrêtent de travailler
correctement, c'est-à-dire qu'ils échouent à unir les gens ou à les aider à vivre en tant
qu’images de Dieu.

Les différentes fonctions en dehors de la Divine Liturgie déconstruisent la personne
humaine.

C’est clair avec la fonction de base de la vie, la procréation. Dans le sein de la Divine
Liturgie et de l'Église, cette fonction fondamentale est transformée, est bénie par la
grâce, et contribue à la complétude de la personne humaine. En dehors, elle devient
asservie à l'égoïsme, elle défait les personnalités et devient un tourment.
Aujourd'hui, les gens expérimentent amèrement cette situation.

Les monastères orthodoxes cénobitiques sont des modèles de la façon
dont les gens et leurs communautés devraient fonctionner.
Le centre est l'église principale (Katholikon). Les bâtiments et les
tâches (obédiences) sont toutes organisées autour de l'église
principale.

Le point de départ de la vie commune est la célébration quotidienne
de la Divine Liturgie.

L’objectif en est l'adoration de Dieu et de l'offrande de toute la
vie au Christ.

C'est un exemple de ce que peut être la vie en commun, de la foi
et de l'amour universel, et de comment la mort peut être vaincue
et comment toute chose peut être renouvelée et comment on peut
donner à chacun un rôle différent dans un ajustement à la fois
singulier et le plus approprié.

Quand l'esprit liturgique cénobitique — qui est l'esprit liturgique de l'Orthodoxie—
s'enracine  chez les Orthodoxes, ils sont préservés de la tendance puissante et viciée du
sécularisme. En essence le sécularisme  est une tentative d'organiser la vie en dehors de
la liturgie et de l'Église.

Les chrétiens orthodoxes ne peuvent pas être orthodoxes à moins qu'ils ne vivent
liturgiquement.

À moins que la Divine Liturgie et le culte ne soient pas seulement des «occasions» ou
une partie de leur emploi du temps, mais soient, au contraire, le greffon vivifiant greffé
sur leur vie pour leur transformation, le centre, la base, le commencement et la fin.

C'est seulement à travers cet esprit d’offrande de « ce qui est [au Seigneur] de ce
qui [au Seigneur]»*, à la Divine Liturgie que les gens deviennent vraiment eux-mêmes,
c'est-à-dire des images de Dieu.Les hommes qui offrent  « ce qui est [au Seigneur] de ce
qui [au Seigneur], en toutes choses et pour tout»* servent vraiment Dieu et ont sa faveur.
Ces hommes reconnaissent que tout ce qu'ils ont est un don de Dieu. Ils croient que 
 rien de qu’ils offrent ne vient d’eux-mêmes. Tout vient de Dieu et c’est cela même
qu’ils offrent à Dieu, avec eux-mêmes, leur monde et leurs relations avec le monde.

Ils ne gardent rien égoïstement pour eux-mêmes. Ils se donnent sans réserve.
Ils donnent tout, c’est ainsi qu’ils reçoivent tout. Ils meurent, pour vivre. Et ils offrent
tout dans le Christ et pour le Christ. En toutes choses (toujours) et pour toutes choses
(pour tous les dons de Dieu).

Ainsi, l'entièreté de la vie des hommes (même après la Divine Liturgie et à l'extérieur
de l'église) devient service, offrande, relation, sacrifice, communion et action de
grâces. Toute la vie se transforme en une vie théanthropique.

Les deux heures de la Liturgie du Dimanche deviennent une liturgie
quotidienne de 24 heures. En tant qu’Orthodoxes, quand nous parlons de vie liturgique,
nous ne voulons pas parler seulement de notre courte offrande liturgique dans l'église,
mais de notre vie entière, qui, commençant par les actions liturgiques dans l'église,
devient culte et liturgie.

(extrait de la revue «Ο Όσιος Γρηγόριος»,§ Ο άνθρωπος ον λειτουργικό, περίοδος
β, vol. 4, pp. 31-5, publié par le Saint Monastère Saint Grigoriou de la Sainte Montagne,
1979. 
version française par Maxime le minime de la source)

 
Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche

Liens