Cent trente morts. La Mal a déchiré le voile léger de notre quiétude au soir du 13 novembre. Frappant au hasard, assénant ses coups avec hargne et
sans motif, il a emporté avec lui des parents enjoués, la fleur de la jeunesse, des anonymes insouciants. Comment imaginer que, sortant dans la froidure de novembre, ces corps pleins de vie nous seraient rendus criblés de balles et d’éclats ? C’est le mystère du Mal, brut et cru, la souffrance et l’impuissance. Naguère bénie de Dieu, terre qui vit naître tant de saints, la France, fille d’une « Europe grand-mère » (François), est un pays meurtri, morose et sclérosé. Dieu a-t-il maudit la France ?
Le Mal n’est pas une force en soi, un principe qui existerait à côté et indépendamment de Dieu, que Dieu aurait lui-même engendré et qu’il susciterait pour châtier arbitrairement ceux qui lui déplaisent.
« Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du Mal. » C’est pourtant un mystère qui nous dépasse et que Jésus lui-même a placé au cœur de notre prière. « Homicide dès l’origine, menteur et père du mensonge » (Jn,8,44), le Mal désigne l’ange qui s’oppose à Dieu et cherche à empêcher son dessein bienfaisant. Cette séparation du Bien, volontaire ou passive, voulue ou subie, apparaissait en creux dans l’interpellation de S. Jean-Paul II au Bourget : « France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Ignorer ou renier son baptême, c’est laisser croître le Mal qui, dans notre histoire tourmentée, nous a arraché tant et tant de larmes.
« Pleurez avec ceux qui sont dans les pleurs » (Ro,12,15). S. Paul désigne la compassion comme un devoir nécessaire. D’abord, elle permet de s’extraire de soi-même et de sa propre indifférence. Ensuite, elle offre un retour en soi-même, un recueillement qui fait naître la prière. Prier est la première attitude qui nous fait réagir. Prier pour soi, et pour les autres. Implorer Dieu. Pour les victimes, pour les bourreaux.
Témoigner, ensuite. Beaucoup de Français ont pavoisé avec les couleurs nationales pour montrer qu’ils espèrent toujours dans la France. A nous chrétiens, de vivre joyeusement notre foi au grand jour, d’afficher les couleurs belles et audacieuses de notre amour en Dieu et du Dieu qui est Amour.
User de la raison, enfin. Les drames et les tourments, la société qui craque, les familles qui se lézardent, la cohésion qui se fissure, la vie qui est rabotée, les pauvres qui meurent de ne pas être des hommes pour leurs semblables, des « fous de Dieu » qui font du Créateur un jouet entre leurs mains souillées de sang, … Les raisons de s’interroger sont nombreuses et pressantes. Notre expérience religieuse doit rester connectée avec la raison. C’est bien la Vérité du christianisme de professer le logos fait homme, la Sagesse incarnée.
La France serait-elle moribonde, frappée au cœur, ensevelie dans une terre stérile ? De ce sol, jadis lieu d’une immense forêt, peut surgir un jeune figuier si la foi irrigue à nouveau la patrie – la terre de nos pères.
Dans les épreuves que nous affrontons, l’année de la miséricorde voulue par le Pape François trouve un écho particulier. Citant S. Thomas d’Aquin, François nous rappelle que « la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu ». « Fermes dans la foi », nous implorons sur la France cette toute-puissance. Plus que le fatras des armes et le bruit des discours, la miséricorde peut vaincre tous nos adversaires en les touchant au cœur.
Chrétiens, nous sommes la France, car la France est à l’amour miséricordieux du Père.
Mgr Dominique Rey, Evêque de l'Eglise Romaine-catholique.Diocèse de Toulon.
L’Avent, appelé « petit Carême » par les chrétiens orientaux, est un temps de pénitence et de préparation à la naissance de Jésus qui marque le début de l’année liturgique. Comme en Carême, les célébrants revêtent la chasuble et l’étole violettes, couleur liturgique des temps de pénitence.
Pour vous aider à vivre cette élévation spirituelle, Aleteia vous propose une sélection de maximes, sentences, récits édifiants et de pieuses citations.
Les extraits qui suivent ont été tirés du livre Mystique Public n°1 écrit par Mireille Cassin, retraçant l’incroyable conversion de Jacques Fesch. Après avoir tué involontairement un gardien de la paix lors d’un braquage en 1954, le jeune homme, alors âgé de 24 ans, est condamné à mort en 1957. Au cours de ses trois années de captivité, Jacques Fesch, mortifié par son geste, s’est converti au Christ. Considéré comme un mystique par beaucoup, un tout autre procès s’est ouvert pour le criminel repenti : celui de sa béatification.
- « Après des mois de détention, aiguillonné sans cesse par mon avocat, j’ai essayé de croire, j’ai été amené à réviser mes conceptions. Je n’avais plus la certitude de l’inexistence de Dieu. Je devenais réceptif sans pourtant avoir la foi, j’essayais de croire par la raison sans prier ou si peu ! »
- « Ce soir là, je souffrais réellement pour la première fois de ma vie avec une intensité rare. C’est alors qu’un cri jaillit de ma poitrine, un appel au secours : « Mon Dieu ! », et instantanément comme un vent violent qui passe sans qu’on sache d’où il vient, l’Esprit du Seigneur me prit à la gorge. C’est une impression de force infinie et de douceur. Et brutalement, en quelques heures, j’ai possédé la foi, une certitude absolue… tout est devenu clair en quelques instants. »
- « Si on devait résumer les impressions d’un croyant que la grâce illumine, il faudrait employer les mots : présence, chaleur, lumière, douceur, gravité. »
- « J’ai trouvé la paix, et en même temps la lutte. »
Cette dernière citation, pour en saisir toute la dimension, peut être mise en perspective avec une autre phrase, du Padre Pio cette fois-ci : « La vie est une lutte mais elle conduit à la Lumière ».
Mystique public n° 1 de Mireille Cassin. Éditions du Cerf, collection Spiritualité, octobre 2015, 208 pages, 19 euros.
« « Jean Baptiste proclamait : "Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche" » (Mt 3,1)... Bienheureux Jean qui a voulu que la conversion précède le jugement, que les pécheurs ne soient pas jugés, mais récompensés, qui a voulu que les impies entrent dans le Royaume et non sous le châtiment... Quand Jean a-t-il proclamé cette imminence du Royaume des cieux ? Le monde était encore en son enfance... ; mais pour nous qui proclamons aujourd'hui cette imminence, le monde est extrêmement vieux et fatigué. Il a perdu ses forces ; il perd ses facultés ; les souffrances l'accablent... ; il crie sa défaillance ; il porte tous les symptômes de sa fin...
Nous sommes à la remorque d'un monde qui s'enfuit ; nous oublions les temps à venir. Nous sommes avides d'actualité, mais nous ne tenons pas compte du jugement qui vient déjà. Nous n'accourons pas à la rencontre du Seigneur qui vient...
Convertissons-nous, frères, convertissons-nous vite... Le Seigneur, du fait qu'il tarde, qu'il attend encore, prouve son désir de nous voir revenir à lui, son désir que nous ne périssions pas. Dans sa grande bonté il nous adresse toujours ces paroles : « Je ne désire pas la mort du pécheur, mais qu'il se détourne de sa voie et qu'il vive » (Ez 33,11). Convertissons-nous, frères ; n'ayons pas peur de ce que le temps se fait court. Son temps à lui, l'Auteur du temps, ne peut pas être rétréci. La preuve en est ce brigand de l'Évangile qui, sur la croix et à l'heure de sa mort, a escamoté le pardon, s'est saisi de la vie et, voleur du paradis avec effraction, a réussi à pénétrer dans le Royaume (Lc 23,43). »
St Pierre Chrysologue (v.406-450, fêté ce jour), Sermon 167, Trad. Sœur Baptista Landry, in"L’Évangile selon Matthieu commenté par les Pères", Coll. "Les Pères dans la foi", Desclée De Brouwer, Paris, 1985 (CCL 248, 1025 ; PL 52, 636).
(Crédit photo : Judit Klein)