La foi de la femme Cananéenne et la guérison de sa fille: ce péricope de l'Évangile nous montre trois vertus spéciales de la femme Cananéenne, à savoir sa grande foi, sa profonde modestie et sa prière persévérante - homélie du Patriarche Daniel. Primat de l'Église Orthodoxe Roumaine.
La guérison de la fille de la cananéenne
Homélie de S.B. le Patriarche Daniel
La pière la plus courte de l'Église est "Dieu, aie-pitié"
Le 4ème dimanche du grand carême (Le 17ème dimanche après la Pentecôte), on lit un passage d'Évangile traitant de la guérison de la fille de la femme Cananéenne qui était tourmentée par les démons. Cet Évangile nous montre trois vertus spéciales de la femme Cananéenne, à savoir sa forte foi, sa profonde modestie et sa prière persévérante, toutes les trois ancrées dans son amour de mère qui s'identifie complètement avec la souffrance de sa fille tourmentée par les démons.
Nous remarquons particulièrement le fait que la femme, cette mère affligée, devient un maître pour tous les gens de foi et pour l'Église. Son cri: "Dieu, aie-pitié de moi" est devenu une prière de l'Église; la prière la plus concise de l'Église est: "Dieu, aie-pitié". Cette prière inclut tout l'amour charitable, la pitié de Dieu qui est l'amour charitable et humble pour les hommes.
L'attitude de la femme cananéenne, est un enseignement pour l'Église
La cananéenne et Jésus
(Source: Patriarcat Orthodoxe de Roumanie)
Peut-être que quelqu'un d'autre aurait été offensé en entendant les mots du Sauveur: "Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens", mais elle avait un unique but, peu importe comment on la considérait, ce qu'elle voulait c'est que sa fille tourmentée par les démons guérisse. En raison de sa modestie ancré dans son amour et son chagrin elle a accepté d'être comparé aux chiens, mais nous voyons que la modestie est une source de sagesse et de courage aussi. La modestie n'est pas de la lâcheté, mais la connaissance de ses propres limites, associée à l'espoir et la confiance en l'aide de Dieu; elle a répondu: "C'est vrai, Seigneur, dit-elle d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres".
En voyant ses qualités, le Christ, notre Sauveur loue ses paroles: "O femme, grande est ta foi! qu'il t'advienne ce que tu veux". Ces liens étroits entre la foi vivante, la modestie profonde, et la grande patience et persévérance dans la prière est une leçon vivante, pour le Chrétien, montrant le comportement à avoir dans les périodes très difficiles de la vie.
L'Évangile nous montre l'importance de la prière non seulement pour nous, mais aussi pour les autres, particulièrement pour ceux qui ne savent pas prier, ne prient pas, ou ne peuvent plus prier. Tourmentés par de mauvais esprits, beaucoup de gens malades physiquement ou mentalement, ne peuvent plus prier pour eux-même; c'est pourquoi les fidèles: la mère, le père, l'ami, le frère ou la soeur qui ont une grande foi sont très précieux; pour qu'en raison de leur foi, Dieu guérisse celui qui désormais ne peut pas prier pour lui-même.
Par le Primat de l'Église Orthodoxe roumaine, le Patriarche Daniel, 17 février 2013. © Traduit de l'anglais au français par Spiritualité Orthodoxe © .
Homélie sur le renvoi de la chananéenne
par St Jean Chrysostome - Oeuvres traduites sous la direction de M. Jeannin, 1856
AVERTISSEMENT ET ANALYSE.
Les critiques reconnaissent tous que cette homélie est écrite un peu négligemment, comme beaucoup de celles que saint Chrysostome a prononcées à Constantinople. Elle a beaucoup de choses communes avec la 528 sur saint Matthieu. Saville et Tillemont, ainsi que Montfaucon, la regardent comme authentique. Fronton-du-Duc seul la range parmi les spuria. Montfaucon estimé qu'on ne peut contester l'authenticité, sinon de toute la pièce, au moins des trois premiers numéros jusqu'à miratur Evangelista.
Saint Jean Chrysostome -
1 Saint Chrysostome exalte la. fidélité de ses diocésains. Ses ennemis ont disparu. L'Église est Indestructible.
2 Saint Matthieu le publicain, devenu évangéliste , va fournir la matière de l'instruction, c'est lui qui va dresser la table spirituelle; qu'est-ce qu'un publicain?
3 Si grand pécheur que l'on soit, on peut devenir un saint. Voyez le publicain Matthieu.
4 La Chananéenne, après s'être adressée aux apôtres, aborde Jésus lui-même. Elle confesse la divinité du Christ et le mystère de l'incarnation.
5 Mais Jésus ne lui répondit pas un seul mot.
6 Le Christ est venu pour sauver indistinctement tous les hommes.
7 Vineum plantavi et sepem ipsi circumdedi.
8 Le Christ a accompli la loi de Moise avant que de l'abroger.
9 Jésus, en maintes circonstances avait égard aux préjugés de sa nation.
10 Il faut persévérer dans la prière.
11 On peut prier en tout lieu.
1. La tempête a redoublé sans abattre vos courages et vous êtes venus; les tentations ont redoublé, sans éteindre votre ferveur. Toujours assaillie, l'Église ne se lasse pas de remporter des victoires. On la veut ruiner, elle triomphe; plus on fait d'efforts pour assurer sa ruine, plus elle grandit; les flots ont été dissipés, le roc demeure inébranlable. Le jour, les enseignements de la doctrine; là nuit, les veilles; c'est un combat du jour avec la nuit. Ici des collectes, et là, des collectes encore. La nuit fait du forum une église, et votre ardeur est plus vive que le feu. Vous n'avez pas besoin d'exhortations, tant vous montrez de zèle. Qui ne serait pas frappé d'étonnement et d'admiration? Non-seulement ceux qui nous appartiennent, ne sont pas restés en arrière, mais ceux qui n'étaient pas avec nous, se sont joints à nous.
Voilà ce qu'on gagne aux épreuves: comme la pluie réveille les germes, ainsi l'épreuve, en s'infiltrant dans l'âme, y réveille la bonne volonté. Dieu l'a dit: L'Église est inébranlable: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Matth. XVI; 18.) Celui qui lui fait la guerre, se détruit lui-même, quant à l'Église, il la rend plus puissante; qui lui fait la guerre, perd ses propres forces, et rend plus glorieux nos trophées. Job était un noble coeur avant la lutte; il parut, après la lutte, plus généreux encore. Il était moins noble et moins grand, dans son corps plein de santé et de vie, qu'à l'heure où ses ulcères lui faisaient une couronne.
Gardez-vous de redouter jamais les épreuves si vous avez une âme bien préparée. L'affliction ne nuit pas, elle opère la patience. (Rom. V, 3.) La fournaise ne peut nuire à la vertu de l'or; l'affliction, de même, ne détruit pas la vertu d'un coeur noble. Que fait la fournaise à l'or? Elle le rend d'une pureté parfaite. Qu'opère l'affliction dans celui qui l'endure? elle y opère la patience. Elle l'exalte, elle retranche la nonchalance, elle rassemble toutes les forces de l'âme, elle ravive la sagesse. Ils ont envoyé les épreuves pour dissiper les brebis, et c'est le contraire qui est arrivé; les épreuves ont fait accourir le pasteur.
Où en sommes-nous? en possession de notre gloire. Où en sont nos ennemis? à subir leur honte. Où sont-ils donc? on ne les voit plus. Je parcours la place publique, je n'aperçois personne. Il y avait des feuilles, le vent a soufflé, elles sont tombées; il y avait de la paille, et elle s'est dispersée, et le froment a paru dans sa maturité.; il y avait du plomb, qui a fondu, et l'or est resté, l'or pur. Quel est donc celui qui les chasse? personne, mais ils ont un ennemi secret, la conscience, qu'ils portent dans leur coeur à côté du péché. Ils savent ce qu'ils ont fait. Caïn voulait tuer son frère (Gen. IV); tant qu'il voulut le tuer, son mauvais désir ne s'éteignit point dans son coeur; le péché une fois commis, gémissant, tremblant, le meurtrier ne fut plus qu'un vagabond sur la terre. Ceux-ci, pour n'être pas des meurtriers de fait, n'en sont pas moins des meurtriers, par (intention. Le meurtre a été consommé autant qu'il a dépendu de leur scélératesse: la vie conservée, ne l'a été que par la bonté de Dieu. Ce que j'en dis, c'est pour donner à vôtre ardeur l'huile fortifiante, c'est pour que les épreuves ne vous causent jamais d'épouvante. Etes-vous pierre? regardez sans épouvante les flots. Sur cette pierre j'édifierai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. (Matth. XVI, 18.) Dieu l'a dit. Tantôt guerres du dehors, tantôt guerres du dedans, mais nul ne peut submerger le navire .
2. Je ne voudrais pourtant pas dépenser tout notre temps à rappeler leurs crimes; abandonnons-les aux terreurs de leur conscience, laissons leur bourreau torturer ces âmes aux 'pensées déréglées, aux désirs sans frein, laissons ces fugitifs que personne ne poursuit, ces infâmes que nul ne veut combattre, quant à nous, préparons la table accoutumée. Il n'est pas juste de perdre le temps à parler de leurs crimes, et de négliger nos enfants que la faim tourmente. Hier donc, c'est Paul qui nous a servi notre table; aujourd'hui, c'est Matthieu qui va la dresser; hier, le faiseur, de tentes; aujourd'hui le publicain; hier le blasphémateur; aujourd'hui l'homme à la main rapace; hier le persécuteur; aujourd'hui l'avare. Mais-ce blasphémateur n'est pas resté blasphémateur, il est devenu un apôtre; et l'homme de rapines n'a pas toujours vécu dans les rapines, il est devenu un évangéliste. Je constate et la perversité première, et la vertu qui l'a suivie, afin que vous appreniez toute l'efficacité du repentir, afin que vous ne désespériez jamais de votre salut. Nos docteurs furent d'abord illustres dans le péché, mais bientôt ce fut dans la justice que s'illustrèrent, et le publicain et le blasphémateur, ces deux sommets de la perversité. Car qu'est-ce que la profession de publicain? la rapine au nom de la loi, la violence pleine de confiance, l'injustice soutenue par la loi; les brigands sont moins durs que le publicain.
Qu'est-ce que la profession de publicain? la violence qui se fait un rempart de la loi, qui transforme le médecin en bourreau. Comprenez-vous mes paroles? Les lois, voilà nos médecins, et il arrive que ces médecins deviennent des bourreaux, car parfois ils ne guérissent pas la blessure, ils l'enveniment. Qu'est-ce que la profession de publicain? un péché sans pudeur, une rapine sans prétexte, plus détestable que le brigandage. Le brigand, du moins, rougit en commettant le vol, mais l'autre, c'est avec une pleine assurance qu'il pille, Eh bien! ce publicain tout à coup est devenu un évangéliste. Comment et de quelle manière? Chemin faisant, dit-il, Jésus vit Matthieu assis au bureau des impôts, et il lui dit: Suivez-moi. (Matth. IX, 9.) O puissance de la parole! l'hameçon est entré, et voilà le soldat captif, la boue est devenue de l'or; l'hameçon est entré, Et aussitôt se leva et il le suivit. Il était au fond de l'abîme de la perversité, et il s'est élevé sur la cime de la vertu. Que personne donc, mes bien-aimés, ne désespère de son salut. La perversité n'est pas le propre de la nature; nous avons reçu en privilège le choix volontaire et la liberté. Tu es publicain? tu peux devenir évangéliste. Tu es blasphémateur? tu peux devenir apôtre. Tu es un brigand? tu peux voler le paradis. Tu es livré à la magie? tu peux adorer le Seigneur. Il n'est pas de vice de l'âme, qui ne puisse être dissipé par le repentir. Voilà pourquoi le Christ s'est choisi ceux qui habitaient les sommets de l'iniquité, il n'a voulu nous laisser pour le dernier jour aucun subterfuge.
3. Ne me dites pas: Je suis perdu, que me reste-t-il? Ne me dites pas, je suis un pécheur, que ferai-je? Vous avez un médecin plus fort que votre mal, vous avez un médecin qui sait vaincre la nature de votre maladie, vous avez un médecin à qui il suffit d'un signe pour guérir, vous avez un médecin à qui il suffit de vouloir pour vous rendre la santé, qui peut, qui veut vous la rendre. Vous n'étiez pas, il vous a appelés; maintenant vous êtes, et l'erreur vous tient, à bien plus forte raison, il pourra vous redresser. N'avez-vous pas entendu dire comment, au premier jour, il prit de la poussière de la terre, et forma l'homme? comment, avec de la terre, il fit de la chair? il fit des nerfs? il fit des os? Il fit une peau? il fit des veines? il fit un nez? il fit des yeux, des paupières, des sourcils, une langue, une poitrine, des mains, des pieds, tout le reste? De la terre pour matière, une seule substance; et l'art vint et il fit une oeuvre variée. Pouvez-vous dire de quelle manière vous avez été créés? De même, impossible à vous de dire comment les péchés se purifient. Si le feu qui tombe, sur les épines les consume, à bien plus forte raison la volonté de Dieu met à néant nos fautes, en arrache et en disperse-les racines, et met le pécheur dans le même état que celui qui n'a pas, péché. Ne recherchez pas le comment, ne scrutez pas ce qui est arrivé, croyez au miracle. J'ai péché, dites-vous, et souvent et grandement péché. Et qui est donc sans péché? Mais, me répond celui-ci, mes péchés sont considérables, énormes, dépassant toute mesure. Voici ce qui te suffit pour le sacrifice: Sois le premier à dire tes iniquités, pour être justifié. (Isaïe XI, XLIII, 26.) Reconnais que tu as péché, et ce sera pour toi un commencement de correction. Afflige-toi, abaisse-toi, verse des pleurs. La femme adultère a-t-elle fait autre chose? Rien autre chose que de verser des pleurs de repentir; elle a pris le repentir pour guide, et s'est approchée de la fontaine
4. Que dit le publicain évangéliste? écoutons: Jésus étant parti de ce lieu, se retira du côté de Tyr et de Sidon, et voici qu'une femme. L'évangéliste s'étonne: Voici qu'une femme, l'ancienne arme du démon, celle qui m'a chassé du paradis, la mère du péché, la première tête de la prévarication, c'est cette même première femme qui vient, c'est la nature même; merveille étrange, incroyable; les Juifs 1 fuient le Sauveur, et une femme le suit. Et voici qu'une femme, qui était sortie de ce pays-là, s'écria en lui disant: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi! (Matth. XV, 21, 22.) Une femme devient évangéliste et proclame la divinité et l'incarnation Seigneur, elle reconnaît la puissance; Fils de David, elle confesse l'incarnation; ayez pitié de moi; voyez la sagesse. Ayez pitié de moi; je n'ai pas de bonnes oeuvres par devers moi, je n'ai pas ia confiance que donne une bonne vie, j'ai recours à la pitié, je me réfugie dans le port ouvert aux pécheurs, je me réfugie auprès de la miséricorde, où il n'y a pas de tribunal, où se trouve, sans examen, le salut; et ainsi malgré ses péchés, malgré ses infractions à la loi, elle a osé s'approcher. Voyez encore la sagesse de la femme! Elle ne s'adresse pas à Jacques, elle ne fait pas de prières à Jean, elle ne s'approche pas de Pierre, elle ne fait pas de distinction dans le choeur des apôtres. Je n'ai pas besoin d'intermédiaire, le repentir parle pour moi, et je vais droit à la source même. S'il est descendu, s'il a revêtu notre chair, c'est pour que moi aussi je m'entretienne avec lui. En haut, les chérubins tremblent près de lui, et, sur la terre, la femme impudique s'entretient avec lui. Ayez pitié de moi. Courte parole, mais elle a découvert l'immense mer d'où le salut découle. Ayez pitié de moi. C'est pour cela que vous êtes venu près de moi; c'est pour cela que vous lavez revêtu ma chair, c'est pour cela que vous êtes devenu ce que je suis. En haut, le tremblement; en bas, la confiance Ayez pitié de moi. Je n'ai pas besoin d'intermédiaire. Ayez pitié de moi. Qu'avez-vous? Je cherche la pitié. Que souffrez-vous? Ma fille est misérablement tourmentée par le démon. La nature est torturée, la commisération s'exerce. Elle est sortie dans la pensée de parler pour sa fille: elle n'apporte pas la malade, ce qu'elle apporte, c'est sa foi. Il y a un Dieu qui voit tout. Ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Deuil cruel; l'aiguillon de la nature a déchiré le sein maternel, la tempête est dans ses entrailles.. Que ferai-je? Je suis perdue. Et pourquoi ne dis-tu pas, ayez pitié de ma fille, mais, ayez pitié de moi. C'est qu'elle est insensible à son mal, elle n'a pas conscience de ce qu'elle souffre, elle ne sent pas la douleur, ellë a comme un voile qui lui dérobe son mal, c'est l'absence de la douleur, ou plutôt l'absence du sentiment. C'est de moi, de moi qu'il faut que vous ayez pitié; de moi, qui vois ces maux de chaque jour; j'ai chez moi un spectacle continuel de malheur. Où aller? dans le désert? Mais je n'ose pas la laisser seule. Rester à la maison? Mais j'y trouve l'ennemi chez moi, les flots grondent dans le port, chez moi, un spectacle de malheur. Quel nom lui donner? Est-elle morte? mais je la (330) vois se mouvoir. Est-elle vivante? mais elle n'a pas la conscience de ce qu'elle fait. Je ne saurais trouver le mot qui exprime sa souffrance. Ayez pitié de moi. Si ma fille était morte, je ne souffrirais pas ce que je souffre; j'aurais déposé son corps dans le sein de la terre, et, avec le temps, l'oubli serait venu, la blessure se serait cicatrisée; mais maintenant j'ai toujours un cadavre sous les yeux, qui fait à mon coeur une continuelle blessure, qui toujours accroît ma douleur. Comment puis-je voir des yeux bouleversés par la convulsion, des mains qui se tordent, des cheveux en désordre, l'écume qui sort de la bouche, le démon intérieur qui se manifeste sans se montrer? Le bourreau qui flagelle est invisible; mais les coups, je les vois. Je suis là contemplant ces douleurs hors de moi; je suis là, et la nature me perce de son aiguillon. Ayez pitié de moi. Affreuse tempête, douleur épouvantable; douleur qui vient de la nature, épouvante qu'inspire le démon. Impossible à moi de l'approcher, impossible à moi de la toucher. La douleur me pousse auprès d'elle, l'épouvante me repousse loin d'elle. Ayez pitié de moi.
5. Méditez bien la sagesse de la femme. Elle ne va. pas trouver les sorciers, elle n'appelle pas les devins, elle n'a pas recours aux amulettes, elle n'a pas la pensée de payer des femmes qui vendent des sortilèges, qui évoquent les démons, qui ne font qu'aigrir la maladie; elle quitte l'officine du démon,elle se rend près du Sauveur de nos âmes. Ayez pitié de moi, ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Vous comprenez sa douleur, vous tous qui êtes pères; venez en aide à mon discours, vous toutes qui êtes mères. Je ne peux pas décrire la tempête qu'a supportée cette pauvre femme. Ayez pitié de moi: ma fille est misérablement tourmentée par le démon.
Avez-vous compris la sagesse de la femme? avez-vous compris sa constance? avez-vous compris sa force virile? avez-vous compris sa patience? Mais il ne lui répondit pas un seul mot. Chose étrange! elle le prie, le conjure, déplore auprès de lui son malheur, développe cette tragique histoire, lui raconte son affliction, et lui, plein de bonté pour les hommes, il ne répond pas. Le Verbe se tait, la source demeure fermée, le médecin garde ses remèdes. Quelle nouveauté surprenante! Tu cours auprès des autres, cette malheureuse accourt auprès de toi, et tu la chasses! Mais considérez la sagesse du médecin. Mais il ne lui répondit pas un seul mot. Pourquoi? c'est qu'il ne considérait pas ses paroles, il remarquait les secrets de sa pensée. Mais il ne lui répondit pas un seul mot. Et les disciples? la femme n'obtenant pas de réponse, ils s'approchent de lui et lui disent: Accordez-lui ce qu'elle demande, parce qu'elle crie derrière nous. (Matth. XV, 23.) Mais tu n'entends, toi, que le cri du dehors; j'entends, moi, le cri du dedans: grande est la voix de la bouche; plus grande, celle de la pensée. Accordez-lui ce qu'elle demande, parce qu'elle crie derrière nous . Un autre évangéliste dit, devant nous2. Les paroles se contredisent, mais il n'y a pas de mensonges; la femme fit les deux. D'abord elle cria derrière; ensuite, n'obtenant pas de réponse, elle alla devant, comme un chien qui lèche les pieds de son maître. Accordez-lui ce qu'elle demande. Elle était là en spectacle, elle, rassemblait le peuple; les disciples ne considéraient que d'une façon tout humaine la douleur de la femme, le Maître, au contraire, considérait en outre le salut de cette femme. Accordez-lui ce qu'elle demande, parce qu'elle crie, derrière nous. Que fait donc alors le, Christ? Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues. (Matth. XV, 21.) Par cette réponse, il irrita sa blessure: c'était le médecin qui coupe, non pour diviser, mais pour réunir.
6. Ici accordez-moi toute votre attention. Je veux traiter une question profonde. Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues. Est-ce là toute votre mission? vous vous êtes fait homme, vous vous êtes incarné, vous avez fait de si grandes choses pour ne sauver qu'un coin du monde, et qui périr sait. La terre entière n'est-elle donc qu'un désert dans le pays des Scythes, des Thraces, des Indiens, des Maures, en Cilicie, en Cappadoce, en Syrie, en Phénicie, dans tous les lieux que voit le soleil? C'est pour les seuls Juifs que vous êtes venu? toutes les nations, vous les négligez? et peu vous importe la graisse des sacrifices, la fumée, votre Père outragé, les idoles adorées, les démons qui reçoivent un culte? Cependant les prophètes ne nous disent vas cela; votre aïeul selon là chair, que dit-il? Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour votre héritage, et j'étendrai votre possession jusqu'aux extrémités de la terre. (Ps. II, 8).
Et maintenant Isaïe, qui a contemplé les séraphins: Le rejeton de Jessé se lèvera pour commander à tous les peuples; les nations espéreront en lui. (Isaïe, XI,10.) Et Jacob: Le sceptre ne sera point ôté de Juda; ni le prince de sa postérité jusqu'à ce que Celui qui doit être envoyé soit venu, et c'est lui qui est l'attente des nations. (Gen. XLIX, 10.) Et Malachie .: Parce qu'en vous seront fermées les portes d'airain, et elles ne changeront pas ce qui est proposé, parce que, du levant jusqu'au couchant, votre nom est glorifié parmi les nations, et en tons lieux on offre l'encens au Seigneur, et un sacrifice pur. (Malach. I, 10,11.) Et David encore: Nations, frappez des mains toutes ensemble: témoignez à Dieu votre ravissement par des cris d'allégresse. Car le Seigneur est élevé et terrible; il est le roi suprême qui a l'empire sur toute la terre. Dieu est monté au milieu des cris de joie, et le Seigneur au bruit de la trompette. (Ps. XLVI, 1, 2, 5.) Et un autre: Nations, réjouissez-vous avec son peuple. (Deut. XXXII, 43.) Et vous-même, à votre avènement, ne vous êtes-vous pas empressé d'appeler à vous les mages, la citadelle des nations, la tyrannie de Satan, la vertu des démons? en descendant sur la terre, n'en avez-vous pas fait des prophètes? c'est vous qui appelez les mages; les prophètes parlent des nations. Après être ressuscité de l'enfer, Vous dites aux disciples: "Allez, instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père,du Fils, et du Saint-Esprit" (Matth. XXVIII, 19); et quand vient cette malheureuse, cette infortunée, vous implorant pour sa fille, vous conjurant de la délivrer, vous lui dites: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues; au centenier qui s'approche, vous dites: J'irai, et je le guérirai (Matth. VIII, 7); au larron: Aujourd'hui, vous serez avec moi dans le paradis (Luc, XXIII, 43); au paralytique: Levez-vous, emportez votre lit, et allez (Matth. IX, 6 ); à Lazare: Lazare, venez ici, sortez (Jean, XI, 43); et au bout de quatre jours qu'il était mort, il sortit. Vous purifiez les lépreux, vous ressuscitez les morts, vous rendez la force au paralytique, vous guérissez les aveugles; vous sauvez les brigands, vous rendez la courtisane plus chaste qu'une vierge, et à celle-ci vous ne répondez rien? Quelle étrange conduite! qu'elle est étonnante! incroyable!
7. Faites bien attention! comprenez la force virile de cette femme et la sagesse et la sollicitude du Seigneur; comprenez le profit du retard qu'elle supporta, le trésor que- lui ménageait un refus; et si vous priez, vous aussi, sans recevoir, ne vous désistez jamais. Attention, faites bien attention. Quand les Juifs furent affranchis de la tyrannie des Egyptiens, et qu'ils s'échappèrent des mains de Pharaon, ils se dirigèrent vers le désert, pour entrer sur la terre des Chananéens; idolâtres, impies, qui adoraient des pierres, des morceaux de bois, et manifestaient une grande impiété. Dieu alors imposa aux Juifs cette loi: Vous ne prendrez pas de leurs fils pour vos gendres, vous ne leur donnerez pas votre fille pour bru. N'échangez pas l'or. avec eux, ne vous asseyez pas à la même table, n'habitez pas avec eux, n'ayez aucun autre rapport semblable, parce que ce sont des peuples injustes, et je vous mène dans leur pays pour qu'il devienne votre partage. (Exod. XXIII, 24; Deut. VII, 3.) Telles étaient à peu près les prescriptions de la loi: n'achetez pas, ne vendez pas, ni mariages, ni contrats; quoique voisins, soyez séparés par les moeurs. N'ayez rien de commun avec eux, ni pactes, ni ventes, ni achats, ni mariages: il pourrait se faire que les liens de la parenté vous fissent glisser dans l'impiété; la réciprocité des dons vous rendrait amis; soyez, au contraire, toujours leurs ennemis. Qu'il n'y ait rien de commun entre vous et les Chananéens; ne recevez ni leur or, ni leur argent, ni leurs vêtements, ni leurs filles, ni leurs fils, ni rien de semblable; vivez à part vous. Vous avez une langue qui vous sépare, et je vous ai donné une loi, voilà pourquoi la loi s'appelle une haie. Car, de même qu'on entoure la vigne d'une haie, de même les Juifs sont entourés et défendus par la loi pour éviter qu'en la franchissant ils ne se mêlent avec les Chananéens. Ces peuples, en effet, avaient des commerces illégitimes; les lois naturelles étaient perverties; ils adoraient des idoles; ils rendaient un culte à des morceaux de bois; Dieu était outragé; on égorgeait les enfants; on méprisait les pères; on insultait les mères; tout était confondu, tout était bouleversé, c'était une vie de démons. Aussi les Juifs n'avaient aucun commerce avec eux, ils ne leur vendaient rien; la loi interdisait aux Juifs, sous des peines sévères, tout mariage tout pacte, tout marché; les Juifs n'avaient (332) rien de commun avec eux. La loi avait donc pourvu à ce que les Juifs ne fissent aucun pacte avec les Chananéens, à ce qu'ils ne leur livrassent point d'or, ni rien autre chose, de peur que l'amitié ne devînt une occasion d'impiété. La loi était comme une haie autour d'eux. J'ai planté une vigne, dit-il, et je l'ai environnée d'une haie, c'est-à-dire, je l'ai environnée avec la loi, qui n'a pas d'épines, mais des prescriptions, pour protéger, pour séparer. Donc les Chananéens étaient abominables; dignes d'exécration, des impies, des criminels, des infâmes, des êtres immondes, et, pour cette raison les Juifs ne voulaient même pas les entendre, jaloux d'ailleurs d'observer la loi. Or cette femme était chananéenne. Et voici qu'une femme, qui était sortie de ce pays-là, dit l'Evangéliste. C'est parce que cette femme était chananéenne, et s'était approchée du Christ, que le Christ dit: Qui de vous me convaincra de péché? Est-ce que j'ai transgressé la loi? Car s'étant fait homme, il remplissait les devoirs de l'homme.
8. Attention, maintenant. Donc, cette femme était chananéenne; elle sortait d'un pays où les fureurs, la rage, l'impiété, la tyrannie de Satan, tous les transports des démons foulaient aux pieds la nature, où l'on ne voyait que l'aveugle brutalité des brutes, les fureurs infernales; de plus, la loi avait dit: Entre toi et les Chananéens, rien de commun, ne leur donne rien, ne reçois rien d'eux, ni femme, ni gendre; ni pactes, ni contrats; car c'est pour cela que j'ai planté la haie tout autour de mon peuple; maintenant le Christ est venu, s'est fait homme, et tout d'abord a subi la circoncision légale, a offert les sacrifices, a présenté les offrandes d'usage, s'est en tout conformé à la loi, lui qui venait pour abroger la loi. On aurait pu lui dire que c'était, parce qu'il ne pouvait pas satisfaire à la loi, qu'il l'abrogeait: il commence par y satisfaire, et ensuite, il l'abroge, parce qu'il ne veut pas que vous pensiez qu'il ne pouvait pas y satisfaire; tout au contraire, il y satisfait en tout, selon l'usage. Voilà pourquoi il s'écrie: Qui de vous me convaincra de péché? Donc, .la loi interdisant tout rapport avec les Chananéens, les Juifs pouvant accuser le Christ et lui dire: Voilà pourquoi nous ne croyons pas en vous, c'est que vous transgressez la loi, vous avez violé la loi, vous êtes allé dans le pays des Chananéens, vous avez eu commerce avec les Chanéens, malgré la loi qui dit, tu n'auras aucun commerce; pour cette raison, au premier moment, le Christ n'adresse aucune parole à cette femme. Attention, voyez comme il satisfait à la loi, en différant d'accorder à cette femme la guérison, comme il ferme la bouche aux Juifs, et ranime cette femme: Mais il ne lui répondit pas un seul, mot, dit l'évangéliste. Ne vous saisissez pas de prétextes; voyez, je ne dis rien; voyez, je ne lui parle pas; voyez, le malheur est là, et je ne me montre pas; voyez le naufrage, et moi, le pilote, je ne lutte pas contré la tempête, parce que vous êtes là, méchants, et que je ne veux pas vous fournir de prétextes. Voyez, cette femme a rassemblé autour de moi le peuple qui me regarde, et elle n'a pas encore une réponse; je ne veux pas que vous me disiez, vous vous êtes livré aux Chananéens, vous avez- transgressé la loi, nous nous emparons de ce prétexte pour ne pas croire en vous. Ainsi vous le noyez, s'il n'a pas répondu à la femme, c'est pour mieux répondre aux Juifs; son silence envers la femme, était une parole qui accusait la méchanceté des Juifs.
9: Or, en cela il ne consultait pas sa dignité, il trouvait un tempérament pour condescendre à leur infirmité. Quand il purifia le lépreux, il lui dit: Allez, offrez le don prescrit par Moïse. (Matth. VIII, 4.) Tu l'as purifié, et tu le congédies en lui recommandant la loi de Moïse. Oui. Pourquoi? Pour les Juifs, pour qu'ils ne commencent pas à m'accuser d'avoir transgressé la loi. Aussi, quand il guérit le lépreux, il le fit d'une manière inaccoutumée; apprenez comment: Et, en même temps, un lépreux vint à lui, et lui dit: Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Jésus, étendant la main, le toucha, et lui dit: Je le veux, soyez guéri. (Matth. VIII, 2, 3.) La loi; défendait de toucher un lépreux. Quand Naaman, un général, couvert de la lèpre, vint trouver le prophète Elisée (IV Rois, V, 9, 10), son disciple lui dit: Il y a, à la porte, un général, couvert de la lèpre. Le prophète envoie son disciple au dehors pour lui dire: Allez vous laver dans le Jourdain. Il n'osa pas sortir lui-même, voir, toucher le lépreux. Elisée donc purifia le lépreux; pour que les Juifs ne pussent pas dire que le Christ avait opéré la purification de la même manière qu'Elisée, celui-ci n'ose pas toucher le malade; le Christ, au contraire, le touche et dit: Je le veux, (333) soyez guéri; étendant la main, il le toucha. Pourquoi le toucha-t-il? Pour vous apprendre qu'il n'est pas un esclave assujetti à la loi, mais le Seigneur, supérieur à la loi. Comment donc a-t-il observé la loi? Quand il a dit: Je le veux, soyez guéri, au lieu de toucher le lépreux tout de suite. La parole a précédé, la maladie a disparu, ensuite il a touché le malade, et il a dit: Je le veux, soyez guéri. Comment? A l'instant il fut guéri. L'évangéliste n'a pu trouver une expression (car, à l'instant, n'est pas assez rapide) capable de rendre la vitesse de l'action. A l'instant. Comment? En même temps que la parole sortit, la maladie avait disparu, s'était enfuie; plus de lèpre, c'était un homme, désormais purifié que ce lépreux. Aussi dit-il: Allez, montrez-vous au prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage. A qui? Aux Juifs, afin qu'ils ne disent pas que j'enfreins la loi. C'est moi qui ai opéré la guérison, et je dis: Offrez le don, conformément à la loi, afin qu'en ce jour le lépreux accuse les Juifs par ces paroles: il m'a prescrit d'offrir le don selon la loi. Et comme le Christ taisait beaucoup de choses, à cause des Juifs, afin de leur ôter absolument toute excuse, il agit de même, en la présente occasion. Ayez pitié de moi, car ma fille est, misérablement tourmentée par le démon. Mais il ne lui répondit pas un seul mot. Or les disciples. s'approchèrent de lui, et fui dirent: Accordez-lui ce qu'elle demande, parce qu'elle crie derrière nous. Que répond Jésus? Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues. Il fait cette réponse, pour que les Juifs ne disent pas, vous nous avez abandonnés, vous êtes allé chez les étrangers, et voilà pourquoi»nous n'avons pas. cru en vous. Voyez, dit-il, des Gentils viennent auprès de moi, et je ne les reçois pas; pour vous, même quand vous me fuyez, je vous appelle, Venez à moi, vous tous qui souffrez (Matth. XI, 28), et vous ne venez pas; celle-ci, je la rejette loin de moi, et elle persiste. Un peuple que je n'avais point connu, dit le Psalmiste, m'a été assujetti, il m'a obéi aussitôt, qu'il a entendu ma voix. (Ps. XVII; 43, 44.) Et ailleurs: J'ai apparu à ceux qui ne me cherchaient pas, et j'ai été découvert par ceux qui ne m'interrogeaient pas. (Isaïe, LXV, 1.) Accordez-lui ce qu'elle demande, parce qu'elle crie derrière nous. Voyons donc ce que dit le Christ: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues. N'étaient-ce pas là des paroles de refus? C'est à peu près, comme s'il lui disait, va-t-en, il n'y a rien de commun entre nous; je ne suis pas venu pour toi, mais je suis venu pour les Juifs. Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues. A ces mots cette femme dit: Seigneur, assistez-moi; et elle l'adorait en lui parlant. ( Matth. XV, 25.) Mais il ne lui répondait pas. Voyez ce qu'il répondit: Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens. (Ibid. 26.) O sollicitude du médecin! Il la réduit au désespoir. Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants: quels sont ces enfants? Les Juifs; et de le donner aux chiens, c'est-à-dire, à vous.
10. En réalité, ces paroles ont été prononcées pour la honte des Juifs, par le Seigneur; ceux qu'il appelait des enfants, sont devenus des chiens. De là, ce que dit Paul: Gardez-vous des chiens, gardez-vous des mauvais ouvriers, gardez-vous des faux circoncis. Car c'est nous qui sommes les vrais circoncis. (Phil. III, 2, 3.) Les Gentils qu'on appelait des chiens, sont devenus des enfants. Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en vous. (Gal. IV, 19.) Cet éloge accuse les Juifs. Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens. Que fait la femme ? Il est vrai, Seigneur, Oui. O énergie de la femme! O noble combat! Le médecin dit, non, et celle-ci dit, oui. Le Seigneur dit: non, et elle dit, il est vrai, oui. Il n'y a pas d'accusation dans ses paroles; d'impudence dans sa conduite; elle attend le salut. Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens. Il est vrai, Seigneur, oui. Vous m'appelez chien; et moi je vous appelle Seigneur; vous me couvrez d'opprobres, et moi je vous glorifie. Il est vrai, Seigneur, oui; mais les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. (Matth. XV, 27.) Q adresse de la femme! elle tire de l'exemple proposé une réponse qui s'y adapte avec. justesse. Vous m'appelez chien, je me nourris comme un chien. Je ne rejette pas l'opprobre, je ne refuse pas le nom; je prends la nourriture d'un chien, et elle cite l'exemple que le chien donne. Quant à vous, confirmez vos paroles: puisque vous m'avez appelée du nom de chien, je veux des miettes: vous vous êtes fait l'avocat de ma demande, en me refusant; soyez d'accord avec vous-même. Il est vrai, Seigneur, oui; mais les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Eh bien! que fait maintenant celui qui refusait, qui repoussait, qui chassait loin de lui cette femme qui lui disait: Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens? Celui qui disait encore: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont perdues? O femme, grande est votre foi! (Ibid.28.) Comment, vous voilà devenu tout à coup son panégyriste! vous publiez sa gloire! N'est-ce pas vous qui la repoussiez, qui la rejetiez loin de vous? Rassurez-vous; je sais bien pourquoi je l'ai fait attendre. Si je l'avais écoutée tout d'abord, vous n'auriez pas connu sa foi. Si elle avait été exaucée tout d'abord, vite elle se serait retirée, personne n'aurait deviné son trésor. J'ai donc différé, pour montrer à tous la foi qu'elle porte en son coeur.
O femme! Dieu dit, ô femme! Ecoutez tous, vous qui ne savez pas encore bien prier. Quand je dis à quelqu'un, priez Dieu, conjurez-le, suppliez-le; on me répond: je l'ai prié une fois, deux fois, trois fois, dix fois, vingt fois, et je n'ai jamais rien reçu. Ne cessez pas, mon frère, jusqu'à ce que vous ayez reçu; la fin de la prière, c'est le don reçu. Cessez, quand vous 'avez reçu, ou plutôt ne cessez pas, même alors persévérez encore. Si vous n'avez pas reçu, demandez pour recevoir; si vous avez reçu, rendez grâces pour ce que vous avez reçu. Une foule de personnes entrent dans l'Église, y récitent par milliers les vers en guise de prière et s'en vont, ne se doutant pas de ce qu'elles ont dit: ce sont les lèvres qui remuent, mais le coeur n'entend pas. Comment! tu n'entends pas toi-même ta prière, et tu veux que Dieu l'entende? J'ai fléchi, dis-tu, les genoux; mais ta pensée s'était envolée dehors: ton corps était dans l'église, mais ton esprit, par la ville; ta bouche récitait la prière, mais ta pensée supputait des intérêts d'argent, s'occupait de contrats, d'échanges, de terrains, de domaines à acquérir, de réunions avec des amis. Le démon est malin, il sait que la prière est ce qui avance le plus nos progrès, c'est alors qu'il fond sur vous. Souvent nous sommes étendus sur le dos dans notre lit, sans penser à mal; mais si nous venons pour prier, c'est alors qu'il nous envoie mille et une pensées, pour nous chasser de l'Église, les mains vides.
11. Averti de ce gui se passe dans les prières, mon bien-aimé, imitez la Chananéenne; imitez, vous qui êtes un homme, cette femme étrangère, infirme, abjecte, vile. Mais vous n'avez pas de fille tourmentée par le démon? Mais vous avez une âme possédée par le péché. Que dit la Chananéenne? Ayez pitié de moi! ma fille est misérablement tourmentée par le démon: Dites aussi, vous, ayez pitié de moi! mon âme est misérablement tourmentée par le démon. C'est un grand démon que le péché. Le démoniaque excite la compassion; le pécheur est détesté; le premier, on lui pardonne, le second est sans excuse. Ayez pitié de moi. Courte parole, mais elle a découvert un océan de bonté; car où réside la miséricorde, là tous les biens abondent.
Quoique vous soyez hors de l'Église, dites, criez: Ayez pitié de moi! ne vous contentez pas de remuer les lèvres, criez par la pensée; ceux mêmes qui se taisent sont entendus de Dieu.. Ce qui importe, ce n'est pas le lieu mais un commencement de correction. Jérémie était dans la boue, il a attiré Dieu près de lui; Daniel était dans la fosse aux lions, et il s'est rendu Dieu propice; les trois jeunes hommes étaient dans la fournaise et ils ont fléchi Dieu, en le célébrant; le larron était crucifié, la croix ne l'a pas empêché de s'ouvrir le paradis; Job était sur le fumier, et il s'est attiré la clémence de Dieu; Jonas était dans le ventre de la baleine, et sa voix a été entendue de Dieu. Vous êtes au bain, priez; en voyage, dans votre lit,. en quelque endroit que vous soyez, priez. Vous êtes le temple de Dieu, ne vous préoccupez pas du lieu; la volonté seule est nécessaire. En présence du juge, priez; le juge s'irrite, priez. La mer devant lui, les Egyptiens derrière lui, Moïse entre les deux, l'espace était bien resserré pour la prière; au contraire; le champ de la prière était large: Par derrière, les Egyptiens qui poursuivaient en face la mer; au milieu, la prière; et Moïse ne disait rien, et Dieu lui dit: Pourquoi cries-tu vers moi? (Exod. XIV, 15.) Sa bouche était muette, c'était sa pensée qui criait. Et vous, de même, mon bien-aimé, en présence du juge furieux, du tyran qui vous adresse les plus terribles menaces, et des autres bourreaux, qui font comme lui, priez Dieu, et votre prière calmera les flots.
Le juge vous presse? réfugiez-vous auprès de Dieu. Le prince est là? invoquez le Seigneur, Est-ce que le Seigneur est un homme, pour qu'il vous soit nécessaire de vous rendre dans un lieu déterminé? Dieu est toujours près de vous. Si vous demandez une personne, vous cherchez à savoir ce qu'elle fait, si elle dort, si elle est de loisir, et le serviteur ne vous répond pas. Avec Dieu, rien de pareil; partout où vous allez, où vous l'invoquez, il vous entend; ni occupation, ni intermédiaire, ni serviteur pour barrer le chemin, Dites: Ayez pitié de moi, et aussitôt Dieu est présent. Vous n'aurez pas cessé de parler, dit-il, que je vous répondrai, me voici. (Isaïe, LVI11, 9.) O parole, pleine de douceur! Il n'attend pas la fin de la prière; tu n'as pas encore fini ta prière, et tu reçois le don. Ayez pitié de moi. Imitons cette Chananéenne, je vous en prie: Ayez pitié de moi! ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Et le Seigneur lui dit: O femme, grande est votre foi! qu'il soit fait comme vous voulez. Où est l'hérétique? A-t-il dit, j'invoquerai mon père? A-t-il dit, je supplierai celui qui m'a engendré? A-t-il eu, ici, besoin de prière? Nullement. Pourquoi? Comme la foi était grande, comme le vase était grand, la grâce y a été versée abondamment. Quand la prière est nécessaire pour opérer le miracle, c'est que le vase, c'est-à-dire la foi, est faible. O femme! grande est votre foi!
Vous n'avez pas vu le mort ressuscité, le lépreux purifié, vous n'avez pas entendu les prophètes, vous n'avez pas médité la loi, vous n'avez pas vu séparer les eaux de la mer, vous n'avez vu aucun autre signe opéré par moi; bien plus vous avez été couverte d'opprobre et repoussée; malgré votre affliction, je vous ai rejetée, et vous ne vous êtes pas retirée, mais vous avez persisté recevez désormais de moi un digne et juste éloge: O femme! grande est votre foi. La femme est morte, et son éloge subsiste, plus brillant qu'un diadème. Partout où tu iras, tu entendras la parole du Christ: O femme! grande est votre foi. Entre dans l'Église des Perses, et tu entendras la parole du Christ: O femme! grande est votre foi; dans l'Église des Goths, dans l'Église des Barbares, des Indiens, des Maures, partout où le soleil regarde la terre: le Christ a dit une parole, une seule, et cette parole retentit toujours, et à haute voix proclame la foi de cette femme: O femme! grande est votre foi, qu'il soit fait comme vous voulez. Il ne dit pas: que votre fille soit guérie, mais, comme vous voulez. C'est à vous à la guérir, c'est à vous à lui servir de médecin, c'est à vous que je confie le remède, allez, servez-le, qu'il soit fait comme vous voulez. Que votre volonté soit ce qui la guérisse. La Chananéenne a guéri par sa volonté, et ce n'est pas le Fils de Dieu qui opère de lui-même la guérison. Qu'il soit fait comme vous voulez. La femme n'a rien ordonné, rien prescrit au démon, mais elle n'a eu qu'à vouloir, et la volonté de la femme a opéré la guérison et expulsé les démons. Où sont-ils ceux qui osent dire que le Fils a opéré par la prière? Qu'il soit fait comme vous voulez.
Voyez encore la beauté de l'expression. Il imite son Père. En effet, lorsque Dieu créa le ciel, il dit: Que le ciel soit fait, et le ciel fut fait; que le soleil soit fait, et le soleil fut fait; que la terre soit faite, et la terre fut faite; ce fut par un ordre qu'il produisit là substance. De même, à son tour, le Christ: Qu'il soit fait comme vous voulez. L'affinité des expressions prouve ce qu'il y a de commun au fond des choses. Et sa fille fut guérie. Quand donc? à l'heure même (Matth. XV, 28); non pas quand la mère rentra dans la maison, mais avant qu'elle y fut arrivée. Elle revenait pensant trouver une démoniaque, elle trouva sa fille guérie, que sa volonté avait tendue à la santé. Pour tous ces bienfaits, rendons grâces au Dieu à qui convient la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Notes:
1 Dans les écrits des Pères, l'expression "les Juifs" correspondait aux pharisiens et autres groupes de ces temps qui s'opposaient au Seigneur. Il faut, bien sûr, comprendre et utiliser cette expression avec prudence de nos jours sans faire d'associations ou développer des idées ou attitudes qui ne sont pas chrétiennes.
2 Saint Marc (VII, 25) dit: Elle se jeta devant ses pieds; de là vient que saint Chrysostome qui cite de mémoire, dit . devant nous.