

1. Quand Hérode eut vu qu’il avait été joué par les Mages, il entra en grande colère, et il envoya tuer tous les enfants en bas âge. (Mt. 2, 16). Mais toi, injuste Hérode, n’as-tu pas entendu dire que l’étoile était le héraut du nouveau-né? Pourquoi ne pensais-tu pas, puisqu’elle venait du ciel, que tu ne pouvais pas résister à l’œuvre du ciel? Et parce que cet homme a privé des mères de ceux qu’elles chérissaient, il fut châtié dans ses trois fils et son épouse, et lui-même mourut d’une mort terrible.
2. Hérode, aveuglé par l’envie, ne pouvait tirer au clair ni comprendre cette affaire. De même qu’il avait interrogé au sujet d’un oracle du prophète Michée, ainsi interrogeait-il au sujet de l’oracle d’Isaïe. Car la famille, la mère, le village et la date de naissance de cet enfant étaient révélées; sa famille serait de la maison de David, avait dit Jacob (Gn. 49, 10); sa mère serait vierge, d’après Isaïe (Is. 7, 14); son village serait Bethléem, selon Michée (Mi. 5, 1); la date était bien celle que disaient les Mages. Or, grâce au recensement du monde fait par les Romains, Hérode avait appris que Jésus avait été inscrit comme fils de Joseph. Bien qu’il sût toutes ces choses, il n’arrivait pas, enivré d’envie, à reconnaître l’enfant. Il était semblable à Saül; celui-ci avait la possibilité de goûter au sang de David dont il avait soif, mais il ignorait que David était entre ses mains (I Sam. 24 et 26). Salomon au contraire put rendre un juste jugement et discerner le fils de la prostituée (I R. 3, 16-28). Et Dalila put sonder et forcer à s’exprimer la pensée cachée dans le cœur de Samson (Jg. 16, 4-21).
3. Mais parce que ni la famille, ni la date de naissance du libérateur des Hébreux n’étaient claires pour lui, Pharaon fit saisir et tuer beaucoup d’enfants, afin que, parmi leur multitude, mourût le seul dont la mort lui importait. De même qu'il convenait que Saül sût par beaucoup de signes qu’il ne pouvait pas triompher de la puissance de David, ainsi en était-il pour Hérode à l’égard de la puissance du fils de David. Mais la haine, bien loin d’apprendre ou de connaître, se hâte de faire pécher et de perdre. De cette espèce sont les fils de Satan,, lequel pensa: e puis tuer Moïse, perdre David, et mettre en croix le fils de David. Bien plus, Caïn, son disciple, pensait: Je puis tromper Dieu, quand il disait: Suis-je le gardien de mon frère? (Gn. 4, 9). Géhazi aussi pensa pouvoir tromper Élisée (II R. 5, 20-27); et Iscariote, Notre-Seigneur.
4. Les enfants massacrés furent, à un double point de vue, témoins des justes massacrés avant eux, et accusateurs des homicides. De même que les Juifs chassèrent et rejetèrent Notre-Seigneur, parce qu’il avait dit: Je suis Dieu (Jn 10, 30), ainsi massacrèrent-ils des enfants ignorants et innocents avant qu’ils n’eussent pu devenir des hérauts de leur maître. Une voix s’est élevée dans Rama; Rachel pleurant ses fils (Mt. 2, 18; Jér. 31, 15). Si Bethléem de Juda est la cité d’un fils de Lia (Gn. 30, 35), pourquoi Rachel pleurait-elle ses fils, morts pour le Christ? Rachel pleurait, parce que le Rédempteur n’était pas l’un de ses fils, vu que Lia est la figure du premier peuple et Rachel celle de l’Église; mais la stérile a enfanté, et les fils de la veuve sont devenus plus nombreux que ceux de l’épouse (Is. 54, 1). Ou bien il y a allusion à la proximité des deux tribus de Benjamin (Gn. 35, 16-18) et de Juda, car il est écrit: Rachel mourut à un stade de l’entrée d’Ephrata, qui est Bethléem. (Gn. 35, 19). De même Moïse, dans sa bénédiction de Benjamin, dira de lui: Il demeurera entre ses coteaux (Dt. 33, 12); en effet, le repos (c’est-à-dire l’arche, puis le temple de Dieu) s’est fixé à Jérusalem, qui est dans l’héritage de Benjamin (Jos. 18, 28). Et Samuel, lors de l’onction de Saül comme roi d’Israël, lui donnera ce signe: Tu rencontreras trois hommes à Zelzech, près du tombeau de Rachel, à la frontière de Benjamin (I Sam. 10, 2)
5. Rachel pleurait ses fils. Hélas! pleure Rachel, non pas comme lors de cette première lamentation, quand les ennemis vinrent et s’approchèrent de tes enfants, mais pleure sur ceux qui, après avoir été tués, ont été jetés sur les places publiques, non par des étrangers, mais par les fils de leur père Jacob. Pourtant, contiens ta voix dans ta plainte, car la récompense de tes larmes est inscrite; ceux qui sont nés avec le fils de David, à l’époque où il est né lui-même, en ont été les bénéficiaires; ils ont été les hérauts de son joyeux message au temps de son joyeux message au temps de la visite. Voici qu’ils en ont reçu une place de choix dans la Jérusalem d’ en haut, notre mère, que nous avons confessée, qui est apparue à Moïse sur la montagne (Ex. 24, 10); ils en ont hérité. Tiens bon, et accueille la consolation qui te vient de ton fils choisi, Saül, c’est-à-dire Paul, lui, ton consolateur et la récompense de tes larmes et de tes douleurs.
6. Quand il vit qu’il avait été joué par les Mages, il se mit en colère (Mt. 2, 16). O Israélites, aveugles parce que vous ne comprenez pas, sourds parce que vous n’entendez pas et, maintenant encore, ne vous éveillez pas à la voix d’Isaïe: Le Seigneur Dieu vous donnera un signe (Is. 7, 14). Ce signe vous a été donné à tous dans celui-là même qui est né de la vierge. Bien sûr, un signe a été donné à Moïse (Ex. 3. 1-6, 4. 1-9), pour qu’il soit convaincu, comme par un mystère, lui seul, indépendamment des autres; et un signe a été donné à Gédéon (Jg. 6, 17-21, 36-40) et un autre à Ézéchias (II Rois 20, 8-11; Is. 38, 7-8). Mais ces signes étaient privés, tandis que celui qui vous a été envoyé par les Mages était une œuvre claire, et la vraie mise à nu des énigmes de votre loi. Comment n’avez-vous pas compris qu’était venu le temps de la Rédemption, et n’avez-vous pas cru à la mise au monde d’un enfant par une vierge? Étiez-vous peut-être, avec votre roi, établis dans l’ignorance stupide, attendant que les Mages reviennent chez vous, et vous parlent à nouveau de lui?
7. Ne vous suffit-il pas que des étrangers soient venus et vous aient éveillés, pour que vous compreniez que le Christ est né? A moins que vous n’ayez partagé les projets de votre assassin, second Pharaon, Cananéen de la race d’Ascalon (Jos. 13, 3). Quand Saül apprit que, par ignorance, les prêtres avaient secouru David, il ordonna de les envoyer chercher, et il les tua (I Sam. 21, 1-8; 22, 6-19). C’est donc justice qu’il vous soit arrivé, à vous aussi, d’être responsables du sang innocent (Cfr Mt. 27, 25), comme cela arriva à Saül, comme son fils le fut par Hérode. Les prêtres furent tués à cause de David, et les enfants à cause de Notre-Seigneur. Abiathar échappa au massacre des prêtres (I Sam. 22, 20), comme Jean à celui des enfants. Avec Abiathar fgut aboli le sacerdoce de la maison d’Héli, et avec Jean la prophétie des fils de Jacob.
II. Jésus retrouvé au Temple
16. Moi-même et ton père, dans l’affliction, les lèvres exprimant la peine du cœur, nous allions et nous te cherchions (Lc 2, 48). A quoi il répondit: Il faut que je sois sans la maison de mon Père (Lc 2, 49). S’ils le cherchaient, c’est parce qu’ils craignaient qu’on l’ait peut-être tué. Déjà, quand il avait deux ans, certains Juifs, en la personne de leur roi Hérode, avaient pensé à le tuer .
Jean au désert
8. Parce que Israël, appelé symboliquement fils depuis l’Égypte (Os. 11, 1; Mt. 2, 15), avait perdu la filiation pour avoir adoré Baal et répandu de l’encens devant les idoles, Jean appela les Juifs d’un titre qui leur convenait: Race de vipères (Mt. 3, 7). Gratifiés, à l’époque de Moïse d’un titre de filiation qu’ils avaient ensuite perdu, ils reçurent de Jean, en châtiment, l’appellation que méritaient leurs œuvres.
9. Après que Notre-Seigneur fut allé dans la terre des Égyptiens et en fut revenu, l’évangéliste dit: Maintenant s’est accomplie la vraie parole dite par le prophète: Je rappellerai mon fils d’Égypte (Mt. 2, 15; Os. 11, 1). On l’appellera Nazaréen (Mt. 2, 23; Is. 1; 53, 2); le prophète l’appelle "Nazor" parce que, en hébreux, "nézer" signifie "sceptre" (diadème) et que Notre-Seigneur est le fils du sceptre. L’évangéliste y ajoute un autre rapprochement; lorsqu’il dit: "On l’appellera Nazaréen", il songe à l’éducation de Notre-Seigneur à Nazaretg, La prophétie est en Jean, et les mystères de la prophétie dans le Seigneur de Jean, comme le sacerdoce est dans le fils de Zacharie, et la royauté et le sacerdoce dans le fils de Marie. La loi nous vient par Moïse, avec le signe de l’agneau et de nombreux mystères: Amalec, les eaux rendues douces, le serpent d’airain; la vérité de ces choses est donnée par Jésus Notre-Seigneur (Jn 1, 17, Cfr Ex. 12; 17, 8-16; 15, 22-25; Nb. 21, 4-9).
Le baptême de Jean était supérieur à la loi, mais inférieur au baptême du Christ, parce que personne ne baptisait au nom de la Trinité jusqu’au temps de l’exaltation du Christ. Jean s’en alla au désert, non pour y devenir sauvage, mais pour adoucir dans le désert la sauvagerie de la terre habitée. Car la passion qui, au milieu de la terre habitée, trouble tout comme une bête féroce, s’adoucit et se calme quand elle part au désert. Convaincs-toi de cela par l’exemple de la passion d’Hérode, au point qu’Hérode perdit le doux et sobre Jean (Mt. 14, 1-11) qui habitait pacifiquement au désert et n’usait même pas du mariage, pourtant légitimé par la loi.
Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous (Jn 1, 14), c’est-à-dire que le Verbe de Dieu, par la chair qu’il a assumée, habite "parmi nous". Il ne dit pas: près de nous, mais: " parmi nous ", pour montrer clairement que c’est pour nous qu’il a revêtu la chair, selon ce qu’il dit: Ma chair est une nourriture (Jn 6, 55).
La voix
10. Les Juifs envoyèrent des délégués à Jean, et ils lui dirent: Qui es-tu? Il confessa, et il dit: Je ne suis pas le Christ. Ils lui dirent: Es-tu Élie? il dit: Non. (Jn 1, 19-21)
Or Notre-Seigneur l’a appelé Élie, comme l’Écriture en témoigne (Mt. 11, 14; 17, 12-13). Pourtant, quand ils l’interrogèrent, il dit: "Je ne suis pas Élie". Mais l’Écriture ne dit pas que Jean est venu dans le corps d’Élie, mais dans la puissance et dans l’esprit d’Élie (Lc 1, 17); Élie, qui a été enlevé aux cieux, n’est pas revenu vers eux, de même que ce n’est pas David qui est devenu roi (après la captivité), mais Zorobabel. Cependant, les Pharisiens ne demandèrent pas à Jean: Es-tu venu dans l’esprit d’Élie? Mais: Es-tu Élie lui-même? C’est pourquoi il leur dit: Non. Quel besoin avait-il d’être Élie lui-même, si on retrouvait en lui les œuvres d’Élie? Pour empêcher un jugement d’opposition entre Élie enlevé dans un char sacré (II R. 2, 11-12), et Jean dont une jeune fille corrompue porta la tête sur un plat (Mt. 14, 11), Élisée intervient entre Jean et Élie.
11. Élisée, dont les Juifs admettent la véracité, leur prouve que Jean n’est pas un menteur. Ils croient qu’Élisée a reçu double part de l’esprit de son maître (II R. 2, 9-11). Était-il nécessaire pour cela qu’Élisée fût enlevé deux fois et dans deux chars différents jusqu’aux cieux, voire jusqu’aux cieux des cieux? Élisée a reçu la puissance d’Élie non pour toutes ses œuvres, mais pour des œuvres semblables, selon l’utilité. L’abondance des miracles d’Élisée prouve qu’il avait reçu double part de l’esprit d’Élie.
12. Ceux qui ont été envoyés pour demander à Notre-Seigneur: Par quelle puissance fais-tu cela? (Mt. 21, 23) sont ceux-là même qui avaient été envoyés à Jean. Jean n’était pas venu enseigner des rebelles; il ne leur répondit donc pas directement. Ils n’étaient pas des hommes désireux d’apprendre la vérité sur Jean, et ils lui demandaient sans aménité: Qui es-tu, toi qui fais ces choses? Aussi ne leur répondit-il pas comme à des gens qui cherchent à s’instruire, mais comme à des rebelles. A tout ce qu’ils avaient demandé, de quelle manière que ce fût, il répondit: Je ne suis ni le Christ, ni Élie, ni le prophète, mais la voix (Jn 1, 20-23). Il était le prophète, et nouvel Élie, et Christ; mais il ne voulait être, pour ceux qui l’interrogeaient, aucun de ces personnages, pas même Jean, ni un autre homme. Ainsi Notre-Seigneur devait-il dire à certains: Je ne suis pas juge (Lc12, 14), alors qu’il était juge; et à d’autres: Je ne suis pas bienfaisant (Mt. 19, 17), alors qu’il était bienfaisant.
13. Comme le cri du coq, héraut de la lumière, frappe l’oreille, ainsi la chandelle qu’on vient d’allumer frappe l’œil; écriture et voix ont de même des fonctions complémentaires. La chandelle et le coq ne font qu’un, tout comme Élie et Jean. Par son cri, le coq nous force à entendre; il est ainsi l’image de Celui qui nous éveille. Et la chandelle, en s’allumant, est le symbole de la lumière de Celui qui nous illumine. Tous deux dissipent les ténèbres; ils sont l’image du Père et du Fils, car ils ont broyé la méchanceté; l’image encore des prophètes et des apôtres, car, de part et d’autre, le soleil l’emportait.
14. Le feu qui brûlait la bouche de Jean était l’image d’Élie; par sa langue il brûla les méchants et les accabla de soif (II R. I, 2-17), comme il les privait d’eau par l’ardeur de sa parole. Le coq, qui chante dans le silence de la nuit, est l’image de Jean, qui prêchait dans le silence du désert. Mais, lorsqu’on allume la chandelle, le soir, on n’entend pas le coq; il ne chante que le matin. En Jean se sont rencontrées symboliquement la voix du matin et la chandelle du soir, et il a témoigné du retour d’Élie.
15. La voix est celle de Jean, mais la parole qui passe par la voix, c’est Notre-Seigneur. La voix les a éveillés, la voix a clamé et les a rassemblés, et le Verbe leur a distribué ses dons. La peine qu’il annonce est proportionnée à leurs péchés; ils s’étaient quelque peu écartés de la religion et Dieu les ayant punis quelque peu: Il fera tomber les branches de la forêt avec la hache (Is. 10, 34), a dit Isaïe; il parle de branches, et non de racines. Mais, lorsque fut comblée la mesure de péchés, Jean vint pour déraciner, il ôta les racines de l’arbre: Maintenant, dit-il, voici que la hache arrive au tronc des arbres (Mt. 3, 10), ce qu’Isaïe avait omis de dire. Et quand cela se produisit-il, sinon à l’apparition de ce Dieu véritable, désigné par l’image de la tige et de la fleur et sur qui repose l’Esprit appelé septiforme (Is. 11, 1-2)
16. Voir supra, entre les paragraphes 7 et 8, et la note explicative.
L’austérité de Jean
Jean était revêtu d’habits en poils de chameau (Mt. 3, 10), parce que notre brebis (le Christ) n’était pas encore tondue.
17. De ces pierres, c’est-à-dire des adorateurs de la pierre et du bois, Dieu peut susciter des fils d’Abraham (Mt. 3, 9), selon ce que dit l’Écriture: Je t’ai fait père de beaucoup de nations (Gn. 17, 4).
Jean a gardé son âme pure de tout péché, parce qu’il devait baptiser Celui qui était sans péché. Ne t’étonne pas, Jean, d’avoir à me baptiser, car il me faudra encore recevoir d’une femme un baptême de parfum: Elle gardera cela pour le jour de ma sépulture (Jn 12, 7), paroles qui caractérisent la mort du Seigneur comme baptême.
Éléazar a fiancé Rébecca près de l’eau du puits (Gn. 24, 1-67); Jacob fit de même pour Rachel (Gn 29, 1-21), et Moïse pour Séphora (Ex 2, 16-21). Tous furent les types de Notre-Seigneur, qui s’est fiancé à son Église dans l’eau du Jourdain. De même que, près de la source, Éléazar a montré à Rébecca son seigneur Isaac qui s’avançait dans les champs à sa rencontre; ainsi Jean, depuis la source du fleuve du Jourdain, a-t-il montré Notre-Seigneur: Voilà celui qui est l’agneau de Dieu, celui-ci est celui qui vient enlever les péchés du monde (Jn 1, 29).

1. Et Jésus avait environ trente ans (Lc 3, 23), au temps où il vint pour recevoir de Jean le sceau de sa mission. Il agit ainsi pour la confusion des Marcionites. Si, en effet, il n’avait pas revêtu la chair, pourquoi s’approchait-il du baptême? La nature divine n’a pas besoin de baptême. Son âge de trente ans manifeste également son humanité. Permets maintenant que nous accomplissions toute justice (Mt. 3, 15), puisque les libérateurs et les rois ont reçu des prêtres l’onction et la loi. De même qu’il a revêtu la chair et qu’il est apparu comme un pauvre, il s’est aussi approché du baptême, pour rendre témoignage à la vérité de son humanité et, plus encore, pour mettre fin par son baptême à celui de Jean, car il baptisa de nouveau ceux qui avaient été baptisés par Jean. Il montrait manifestement que Jean n’avait pas à administrer le baptême que jusqu’à lui (le Christ); le vrai baptême fur révélé par celui qui le purifia des châtiments de la loi.
2. Il dit: "Permets maintenant", pour ne pas paraître entrer dans sa bergerie comme un voleur, et pour confondre les Pharisiens, qui regardaient de haut et méprisaient le baptême de Jean. Pour honorer l’humilité de son héraut, il dit: Quiconque se fera humble sera élevé (Mt. 23, 12; Lc 14, 11; 18, 14). Et parce que Jean avait confessé: Je ne suis pas digne de délier les courroies de ses sandales (Jn 1, 27; Mc 1, 7), Notre-Seigneur prit la main droite de Jean et la posa sur sa tête: "Permets maintenant que nous accomplissions toute justice", parce que Jean est le talon de la loi: La loi et les prophètes vont jusqu’à Jean (Lc 16, 16). Le Christ, lui, est le commencement du Nouveau Testament. Par le baptême, le Seigneur a revêtu la justice de l’Ancien Testament, pour recevoir la perfection de lonction et la donner pleinement et intégralement à ses disciples; car, en même temps, il a mis fin au baptême de Jean et à la loi. Il fut baptisé dans la justice, parce qu’il était sans péché, mais il a baptisé dans la grâce, parce que les autres hommes étaient pécheurs. Par sa justice il a abrogé la loi, et par son baptême il a détruit celui de Jean.
3. Accomplissons toute justice. Jean était à la porte du bercail où était rassemblé dans l’unité le troupeau des Israélites; Notre-Seigneur y pénétra non par sa puissance, mais par sa justice. L’Esprit qui reposa sur lui pendant son baptême attesta qu’il était le pasteur et, par l’intermédiaire de Jean, Jésus reçut la prophétie et le sacerdoce. Il avait déjà reçu la royauté de la maison de David en naissant de la maison de David (Lc 2, 4); il reçut le sacerdoce de la maison de Lévi par la seconde naissance que lui conférait le baptême du fils d’Aaron. Qui croit à sa seconde naissance dans le monde, ne peut douter qu’elle lui a donné, avec le baptême de Jean, son sacerdoce. Beaucoup furent baptisés ce jour-là, mais l’Esprit ne descendit et ne se reposa que sur un seul, pour distinguer par un signe celui qui, par son apparence, ne se distinguait pas des autres hommes. Et parce que l’Esprit était descendu dans son baptême, l’Esprit fut donné par son baptême.
Départ au désert
4. En ce même temps, l’Esprit-Saint le poussa et entraîna au désert, pour qu’il fût tenté par Satan. (Mc 1, 12-13; Mt. 4, 1). Pourquoi Satan ne l’a-t-il pas tenté avant trente ans? Parce qu’un signe certain de sa divinité n’avait pas été donné du ciel; il apparaissait modeste comme les autres et son peuple ne lui rendait pas de témoignage éclatant. Satan s’abstint de le tenter jusqu’au moment du baptême. Mais lorsqu’il entendit: Maintenant, voici que vient l’Agneau de Dieu, et celui-ci est celui qui porte les péchés du monde (Jn 1, 29), il fut grandement stupéfié. Pourtant, il attendit le baptême, pour voir s’il serait baptisé à la manière ordinaire.
5. Et quand la splendeur de la lumière apparue sur l’eau et la voix venue du ciel, lui montrèrent que le Christ était descendu dans l’eau, non comme quelqu’un qui a besoin de pardon, mais comme celui qui comble tout besoin, il réfléchit et il se dit: "Tant que je ne l’aurai pas éprouvé par le combat de la tentation, je ne pourrai pas le reconnaître". Or il ne convenait pas que notre bienfaiteur s’opposât à ce désir de son tentateur. Celui-ci, toutefois, ignorant la manière de le tenter, n’osait pas l’attaquer; tant que Notre-Seigneur ne se fut pas préparé et disposé lui-même au choc du combat, et qu’il n’eut pas revêtu la puissance de l’Esprit pour aller combattre, Satan ne s’approcha pas de lui pour le tenter.
6. L’Esprit-Saint l’entraîna et le poussa au désert, pour qu’il fût tenté par Satan. Dans sa douceur, il ne voulut pas résister, de peur de décourager ceux qui entendraient dire: "Il ne pouvait pas résister au combat de Satan; aussi n’a-t-il pas voulu s’avancer contre son tentateur". S’il agit ainsi, ce fut surtout pour empêcher des apostats de dire que l’Esprit est postérieur au Fils. Si en effet l’Esprit n’entraînait le Fils qu’au choc du combat, sans lui ménager honneur et repos, la réflexion que provoquerait l’acquiescement aux positions adverses. Or, si l’Esprit est postérieur au Fils, comment a-t-il eu la puissance de conduire celui-ci au désert? Car, en le conduisant, il s’est montré le maître. L’affirmation: "L’Esprit l’entraîna, et le poussa au désert, pour qu’il fût tenté par Satan", est semblable à cette autre: Personne ne peut entrer dans la maison du fort et piller ses trésors, si d’abord il ne lie le fort; alors il pillera ses trésors (Mc 3, 27; Mt. 12, 29). Le seigneur a donc lié le fort et il l’a vaincu dans sa propre maison, puis il a commencé sa prédication; il nous a ainsi ouvert la voie du jeûne, par lequel nous vaincrons les artifices de ce méprisable Satan.
7. Et, après quarante jours, parce qu’il jeûnait, il eut faim (Mt. 4, 2). Par sa victoire sur l’adversaire, il l’a flétri et l’a condamné aux yeux de tous les hommes; il nous a aussi appris par ses paroles, à n’avoir faim en ces circonstances que de la seule parole du Seigneur. Pourquoi l’Écriture ne révèle-t-elle nulle part de Moïse et d’Élie qu’ils eurent faim, alors qu’elle le dit de Notre-Seigneur? C’est pour confondre ceux qui disent qu’il n’a pas assumé une chair, et pour donner à Satan l’occasion de l’approcher et de le tenter par ces paroles: Dis à ces pierres de devenir du pain (Lc 4, 3), chose que le Seigneur ne fit pas, pour ne pas céder à la volonté du pécheur. Si pourtant, pour les porcs, il a accordé à Satan ce qu’il désirait, c’était en vue de faire un signe, parce que personne au pays des Gergéséniens ne voulait venir à lui tant qu’il n’aurait pas entrepris d’y faire un miracle (Cf. Mc 5, 1-20).
8. Et comme Satan n’était pas confondu par l’échec de la première tentation, il l’emmena, le plaça sur le faîte d’un temple (Mt. 4, 5; Lc 4, 9). Maintenant encore, cet endroit subsiste, bien que le temple ait été détruit, comme le Seigneur lui-même l’avait dit: Il ne restera pas de lui pierre sur pierre (Mt. 24, 2). La place sur laquelle il s’était tenu debout a été conservée comme un signe. Il lui dit: Jette-toi de haut en bas, car il est écrit qu’ils te garderont, afin que jamais ton pied ne se heurte à la pierre (Lc 4, 9-11; Ps. 91, 11-12). O tentateur, si le psaume s’applique au Christ, n’est-il pas aussi écrit: Il te prendra sur son dos (Ps. 91, 12)? Il est impossible aux oiseaux de tomber, parce que l’air est comme la terre ferme sous leurs ailes. Et n’est-il pas écrit encore: Tu marcheras sur le serpent et l’aspic (Ps. 91, 13)? Mais Satan n’a retenu de l’Écriture que ce qui lui était utile, et il a omis ce qui lui était désavantageux. Ainsi font les hérétiques; ils prennent dans l’Écriture ce qui sert leur scandaleuse doctrine, et ils omettent ce qui la réfute; ils montrent bien par là qu’ils sont les disciples de ce maître.
9. Il le prit de nouveau, le conduisit, l’entraîna sur une très haute montagne et il lui dit: Tous ces royaumes sont miens (Mt. 4, 8-9; Lc 4, 5-6). De ceci certains concluent stupidement que Satan a un domaine. Mais, comme je l’ai dit, ils omettent le mot qui leur est désavantageux pour en prendre un autre. Les mots: " sont miens ", dont ils tirent argument, loin d’attribuer à Satan un domaine, sont plutôt la condamnation de leur opinion. Car les mots qui suivent: Cela m’a été donné (Lc 4, 6), supposent qu’autre est le créateur de ces choses et autre celui à qui elles ont été données. Satan dit encore: J’ai pouvoir sur tout cela (Lc 4, 6). Ce pouvoir, il ne le tient pas de sa nature; il ne l’a que parce que les hommes le veulent bien. Car l’apôtre dit: Vous êtes les serviteurs de celui au service duquel vous vous soumettez (Rom. 6, 16).
10. Satan a dit aussi: Tu tomberas face contre terre, et tu m’adoreras humblement (Mt. 4, 9; Lc 4, 7); ainsi éclate l’arrogant orgueil de celui qui, dès le début, a voulu devenir Dieu. La chair de Notre-Seigneur avertit tous ceux qui sont revêtus de chair que, si quelqu’un descend nu au combat, il sera vaincu; le Seigneur revêtit les armes du jeûne avant de descendre au combat. On a donc besoin d’armes solides contre celui qui envoie les flèches brûlantes et adroites. Dis à ces pierres de devenir pain. Il envoya une flèche comme stimulant à l’assouvissement, afin de tourmenter le Seigneur dans cette faim qu’il ressentait et pour qu’il entrât en tentation. Mais le Seigneur ne voulut pas être dominé par sa faim, parce que sa faim elle-même avait revêtu le jeûne comme une cuirasse. La faim riposta et elle renvoya vers le tentateur les flèches de son assouvissement, pour apprendre à celui qui enseignait l’assouvissement corporel, qu’il y a aussi un assouvissement spirituel, qui n’apparaît pas: L’[homme ne vit pas du seul pain, mais aussi de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Mt. 4, 4; Dt. 8, 3); celui qui était venu pour tenter, fut donc lui-même tenté et réprimandé par le moyen qu’il avait pris pour proposer: Si tue es le Fils de Dieu, dis à ces pierres de devenir aussitôt pain; la bouche de Satan jugeait que celui qui vient de Dieu peut faire du pain avec ces pierres.
11. Notre-Seigneur a donc fait la leçon au tentateur par cette même Écriture qu’il citait. Si Dieu peut transformer des pierres et en faire du pain, apprends, tentateur, que Dieu peut aussi rassasier sans pain. S’il peut transformer des pierres en nourriture, il peut aussi transformer la faim en satiété. A celui qui a transformé une substance non comestible en nourriture, il n’est pas difficile de transformer la nature de la faim en satiété, sans l’assouvir par quoi que ce soit, mais en changeant substantiellement une chose en l’autre, comme le tentateur l’a dit au sujet de ces pierres, en demandant que le Seigneur en fît du pain. Sur cette montagne, le Seigneur a donc foulé aux pieds les désirs que voulait éveiller le tentateur. Il les a pris et les a jetés à terre, pour que les peuples, jadis foulés aux pieds par eux, les foulent aux pieds à leur tour. A leur place il a apporté tous les biens, pour que règnent sur tout homme ces biens jadis foulés aux pieds par tout homme.
12. De même que Pharaon fut noyé dans les eaux où il avait noyé les enfants (Ex. 1, 22; 14, 23-28), ainsi David trancha la tête de Goliath avec l’épée qui avait servi à tuer beaucoup d’hommes (I Sam. 17, 1-51). Moïse eut confiance dans le mystère de la croix et il fendit la mer; David eut confiance dans le mystère de la pierre et il terrassa Goliath; Notre-Seigneur condamna Satan qui le tentait par la parole de sa propre bouche. Pharaon noyait, et il fut noyé; Goliath fut tué par le glaive avec lequel il tuait; Satan fut vaincu et convaincu qu’il n’était pas Dieu par la chair qui lui servait à perdre les hommes.
Le Rédempteur fut tenté trois fois à la ressemblance des trois immersions par lesquelles il avait été baptisé: Dis à ces pierres de devenir du pain (Lc 4, 3), car c’est le soutien nourricier des hommes. Et de nouveau: Je te donnerai les royaumes et leur gloire (Lc 4, 6), car telle est la promesse de la loi. Et enfin: Jette-toi de haut en bas (Lc 4, 9), ce qui est la descente de la mort. Mais lui ne fut troublé par aucune de ces propositions. Il ne se réjouit aucunement, quand Satan le flattait, pas plus qu’il ne se tourmenta, quand il cherchait à l’effrayer. Mais il allait son chemin, et accomplissait la volonté de son Père.
13. Aucune des machinations et propositions du démon ne fut donc pour le vivificateur un sujet d’angoisse. Ses angoisses nous apaisent, et sa Passion nous procure à tous le repos. Que pouvait-il craindre, celui qui savait qu’aucun dommage ne pouvait lui être fait? La crainte naît continuellement en nous, parce que nous savons bien que le dommage peut nous atteindre.
Ceux qui disent qu’il a été souillé par sa naissance, ignorent qu’ils sont dans l’erreur; ils ne peuvent pas savoir, à cause de leur orgueil. De même, s’ils ne craignent pas, c’est parce qu’ils ne font pas pénitence. Ce monde dans lequel il est venu n’était pas différent du sein maternel, car toutes sortes d’impuretés s’y trouvent aussi. Bien plus, il est entré dans un sépulcre, chose par-dessus toutes répugnantes et immonde. Or il ne pouvait être souillé par un corps, puisque celui-ci est le temple de la divinité (I Co. 6, 19); ce n’est pas une souillure pour Dieu que d’habiter dans son temple. Mais, parce qu’il a voulu tuer la mort et détruire ses traces, il a commencé par les racines des choses, car là où est le corps, là est la mort, et les racines du corps sont dans le sein. C’est là que commence la création et là que la mort commence à corrompre; en effet, il y a beaucoup de femmes dont les enfants meurent pendant le mois même où ils sont conçus, ou qui mettent au monde au second ou au troisième mois, ou à l’un quelconque des suivants. Puisque la mort commence dans le sein et finit dans le tombeau, comment celui qui est le persécuteur de la mort pouvait-il faire autrement que de commencer à lutter avec elle dès le sein, et jusqu’au terme du tombeau, son enclos?
14. Pense donc aux manières variées dont il a voulu vivant, contredire la mort. Il a été un embryon que la mort n’a pu corrompre dans le sien maternel. Il a été bébé, et, pendant qu’on le nourrissait, elle n’a pu le confondre. Il a été enfant, et durant son éducation, elle n’a pu le faire tomber. Il a été jeune homme, et elle n’a pu lui porter atteinte par la concupiscence. Il a été étudiant, et elle n’a pu le vaincre par ses astuces. Il a été docteur, et elle n’a pu le réfuter, à cause de sa sincérité. Il a été conseiller, et elle n’a pu le séduire par ses préceptes. Il a été fort et elle n’a pu l’effrayer en le tuant. Il est mort, et elle n’a pu le garder dans la prison du sépulcre. Étant médecin, il n’a pas été malade; pasteur, il ne s’est pas égaré; docteur, il n’a pas commis d’erreur; et comme il était la lumière, il n’a pas bronché. Telle est la voie parfaite, que le Christ a ouverte à son Église depuis le début, dès sa conception, jusqu’à la consommation de la résurrection.
15. Si donc l’Église est son corps, comme l’a dit Paul, son témoin (Ep. 1, 23), crois que son Église a passé par tout cela sans corruption. De même que, par la condamnation du seul Adam tous les corps sont morts et meurent encore (Rom. 5, 12-21), ainsi par la victoire de l’unique corps du Christ, toute l’Église a vécu et vit encore. Mais, de même que les corps eux-mêmes ont péché et meurent, et que la terre, leur mère, est maudite (Gn. 3, 17-19), ainsi à cause de ce corps, qui est lui-même l’Église incorruptible, sa terre est bénie depuis le commencement. La terre, c’est le corps de Marie, ce temple en qui une semence a été déposée. Regarde l’ange qui vient déposer cette semence dans les oreilles de Marie. C’est par cette parole bien claire qu’il a commencé à semer: Le salut est avec toi, tu es bénie parmi les femmes (Lc 1, 28). Et Élisabeth confirma cette parole, disant une nouvelle fois: " Tu es bénie parmi les femmes " (Lc 1, 42), manifestant ainsi qu’à cause de la première mère qui fut maudite, la seconde mère porte le nom de bénie.
16. L’évangéliste dit aussi: Il s’éloigna de lui pour un temps (Lc 4, 13), jusqu’au jour où, après s’y être longuement préparé, il chercherait à empêcher sa victoire par la calomnieuse envie des scribes. Mais, de même qu’il a été condamné à l’origine, il a été également condamné à la fin, car le Christ a triomphé de lui bien plus encore par la mort. Jésus lui dit: Retire-toi, Satan (Mt. 4, 10), et il l’écarta à cause de son énorme mensonge: Ces royaumes sont miens (Lc 4, 6). Et aussi parce qu’il n’avait pas craint ce que dit le prophète: Dieu domine sur tous les royaumes des hommes, et il les donne à qui il veut (Dn. 4, 14.22.29). Ainsi donc le Seigneur a réprimandé par sa parole l’arrogant orgueil du démon, qui n’a pas pu lui résister; il manifestait de cette manière la puissance de sa vérité, et il apprenait à ceux qui adhèrent à lui qu’ils recevront tous les biens par son don.
Les anges vinrent et ils le servaient (Mt. 4, 11); si, après le baptême, nous entrons en tentation, c’est pour pénétrer ensuite dans le royaume des cieux.
17. Les disciples de Jean, l’ayant entendu parler avec Notre-Seigneur, abandonnèrent leur maître et s’en furent à la suite de Notre-Seigneur. La voix ne pouvait pas retenir des disciples auprès d’elle, et elle les envoya au Verbe (Jn 1, 29-37). Il convient, en effet, qu’à l’apparition de la lumière du soleil, s’éteigne la lumière de la lanterne. Jean ne demeura que pour mettre fin à son propre baptême par le baptême de Notre-Seigneur; puis il mourut, et fut parmi les morts un vaillant héraut, comme il l’avait été dans le sein de sa mère, symbole du tombeau.
18. Les paroles: Nous avons trouvé le Seigneur (Jn 1, 41), manifestent que la renommée du Seigneur s’était répandue depuis l’époque des Mages, et qu’elle s’était fortifiée à cause de Jean qui l’avait baptisé, et du témoignage de l’Esprit. Or le Seigneur s’était éloigné, il s’était à nouveau rendu invisible pour son jeûne de quarante jours. Aussi les âmes attristées désiraient-elles entendre de ses nouvelles; elles étaient ses instruments, selon sa propre parole: Je vous ai choisis avant que le monde fût (Jn 15, 16-19; Ep, 1, 4). Il a choisi des Galiléens, un peuple grossier – les prophètes, en effet, les ont appelés peuple grossier et habitants des ténèbres (Is. 9, 1) –, mais ce sont eux qui ont vu la lumière et les docteurs de la loi en furent confondus: Il a choisi les sots du monde, pour confondre par eux les sages (I Co. 1, 27).
19. De Nazareth est-il possible que sorte quelque chose de bon? ( Jn 1, 46) Il était écrit que le Seigneur naîtrait de la maison de David à Bethléem. Nathanaël crut qu’il venait de Galilée et qu’il était né à Nazareth: "De Nazareth, est-il possible que sorte quelque chose de bon?" vu que le prophète a dit qu’un chef et prince surgirait de Bethléem (Mi. 5, 1). Nathanaël entendit dire qu’il était de Nazareth et c’est pourquoi il dit: Est-il possible qu’un bon chef sorte de Nazareth, alors qu’aucune Écriture ne l’annonce? Aussi Notre-Seigneur, voyant que Nathanaël était un bon témoin, et qu’il n’était pas comme les scribes qui altéraient l’Écriture, pour plier son interprétation à leur propre volonté, dit-il: Voilà vraiment un scribe israélite, en qui il n’y a aucune fausseté (Jn 1, 47). Avant de connaître le Seigneur, il avait demandé s’il était possible qu’un chef sorte de Nazareth, comme de Bethléem. Mais quand il le vit de ses propres yeux, il ne nia plus comme ses compagnons, les scribes; il ne demanda rien, contrairement aux autres, mais il confessa: "Celui-ci est le Christ"; et il sut qu’en lui se réalisait ce qui avait été écrit au sujet de Bethléem et de Nazareth: Un chef est sorti de Bethléem (Mi. 5, 1); et: La lumière s’est levée sur les Galiléens. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière (Is. 9, 1).
Ordre et grandeur des apôtres du Seigneur
20. Ils vinrent à lui pêcheurs de poissons et ils devinrent pêcheurs d’hommes (Lc 5, 10), comme il est dit: Voici que maintenant j’envoie des preneurs d’hommes, et ils les prendront sur toutes les montagnes et sur tous les lieux élevés (Jr. 16, 16). S’il avait envoyé des sages, on aurait dit qu’ils avaient persuadé le peuple et l’avaient trompé et ainsi saisi, S’il avait envoyé des riches, on aurait dit qu’ils avaient berné le peuple en le nourrissant, ou qu’ils l’avaient corrompu avec de l’argent, et ainsi dominé. S’il avait envoyé des hommes forts, on aurait dit qu’ils les avaient séduits par la force, ou contraints par la violence.
Mais les apôtres n’avaient rien de tout cela. Le Seigneur le montra à tous par l’exemple de Simon. Il était pusillanime, car il fut pris de frayeur à la voix d’une servante; il était pauvre, car il ne put même pas payer sa part de tribu, un demi-statère: Je n’ai pas d’or, dit-il, et je n’ai pas d’argent (Ac. 3, 6; cf. Mt. 17, 24-37). Et il était sans culture puisque, lorsqu’il renia le Seigneur, il ne sut pas s’en tirer par la ruse.
Ils partirent donc, ces pêcheurs de poissons, et ils remportèrent la victoire sur les forts, les riches et les sages. Grand miracle! Faibles comme ils l’étaient, ils attiraient, sans violence, les forts à leur doctrine; pauvres, il enseignaient les riches; ignorants, il faisaient des sages et des prudents leurs disciples. La sagesse du monde a fait place à cette sagesse qui est elle-même la sagesse des sagesses.

1. Il y eut des noces à Cana des Galiléens (Jn 2, 1). Notre-Seigneur y vint et sa mère lui dit: Ils n’ont pas de vin. Jésus lui dit: Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme? Mon temps n’est pas survenu. (Jn 2, 3-4). Ce qui signifie: Je ne m’impose pas à eux; qu’ils remarquent eux-mêmes l’absence de vin, et que tous demandent à boire. En parlant ainsi, Jésus voulait faire éclater aux yeux de Marie la grandeur de son don. L’empressement de Marie avait été excessif; c’est pourquoi il lui fit la leçon.
Ou bien: "Mon temps n’est pas survenu" doit s’entendre du moment de la mort du Christ. Les convives étaient ivres; s’il avait répandu ses dons sur eux de force, peut-être n’aurait-il pas échappé au supplice. Or on n’était encore au début de sa prédication.
2. Marie avait pensé qu’un miracle de son Fils lui vaudrait gloire et honneur auprès de foules; c’est pourquoi il dit: "Mon temps n’est pas survenu". Jésus n’a pas agi pour les raisons que Marie avait imaginées; il a plutôt voulu contrarier ses pensées. Pourtant, elle était consciente du miracle qu’il allait faire: Elle gardait toute chose dans son cœur (Lc 2, 51); tout ce que mon fils vous dira, faites-le (Jn 2, 5); elle vit que le vin manquait et elle comprit que ce n’était pas pour rien qu’il était venu à ces noces. On lit dans le grec: Il avait pris place et le vin manqua. Comme sa mère le lui faisait remarquer, Jésus lui dit: Mon temps n’est-il pas survenu? c’est-à-dire il est tout à fait survenu. Marie savait que Jésus ferait là un miracle; Jésus pourtant blâma le doute de Marie; elle dit donc aux serviteurs: Tout ce qu’il vous dira, faites-le.
3. On dit encore que Marie aurait été perplexe: n’était-ce pas à cause de l’arrivée de Jésus qu’on sollicitait les maîtres des noces d’offrir du vin? "On te critique, dit-elle à Jésus, parce qu’à cause de toi ces gens prêtent à la moquerie; on les raille, depuis qu’on a appris qu’à ton arrivée, ils n’ont pas eu de vin à offrir".
4. Elle lui dit: Mon enfant, ils n’ont plus de vin. Jésus lui dit: Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme? Qu’avait-elle dit de mal? On dit qu’elle avait douté de sa parole, en disant: "Ils n’ont plus de vin". D’où la réponse: "Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme?" Que cette réponse lui ait fait comprendre qu’il allait opérer un miracle, ce qu’elle dit aux serviteurs le montre clairement: "Tout ce que mon fils vous dira, faites-le". Pourtant: "Mon temps n’est pas survenu". Et néanmoins, après les exploits du désert, où il avait terrassé son ennemi, il s’approcha, comme un héros, pour un nouvel exploit à ces noces merveilleuses.
5. Marie s’empressa de remplacer les apôtres pour exécuter les ordres du Seigneur. Cependant, elle n’avait pas pour rôle de donner des conseils, de commander, ou de prévenir la parole de Jésus; aussi la réprimanda-t-il, parce qu’elle avait agit avec précipitation: "Mon temps n’est pas survenu"; ils demanderont du vin, tous verront que le vin manque, et alors se produira le signe miraculeux. Ainsi, quand sa mère le vit, après sa victoire sur les enfers, elle voulut le caresser maternellement (Notes de l’édition: Éphrem confond Marie, mère de Jésus, et Marie-Madeleine). Mais Marie qui l’avait suivi jusqu’à la croix, avait été confiée à Jean en ce jour, par ces paroles: Femme, maintenant voici ton fils; jeune homme, maintenant voici ta mère (Jn 19, 26-27). Aussi, après la résurrection, l’empêcha-t-il de s’approcher à nouveau de lui, parce que, dit-il, depuis lors Jean est ton fils.
6. Pourquoi, comme premier signe, Notre-Seigneur a-t-il changé la nature de l’eau? C’est pour montrer que la divinité qui avait transformé la nature dans des outres, avait transformé cette même nature dans le sein de la vierge. De la même manière, en couronnement de ses miracles, il ouvrit un tombeau pour manifester son indépendance vis-à-vis de la mort avide. Il authentiqua et confirma le double bouleversement de sa naissance et de sa mort par cette eau transformée substantiellement en vin de vigne, sans que les urnes de pierre subissent une transformation parallèle. C’était le symbole de son corps, miraculeusement conçu et merveilleusement créé dans une vierge sans l’œuvre d’un homme.
7. Il a donc transformé l’eau en vin pour prouver comment sa conception et sa naissance s’étaient réalisées. Il appela six urnes pour rendre témoignage à l’unique vierge qui l’avait mis au monde. Les urnes conçurent et mirent au monde, contrairement à leur usage, un vin nouveau; elles ne renouvelèrent plus cette merveille. C’est ainsi que la vierge conçut et mit au monde l’Emmanuel, pour ne plus concevoir ensuite. La mise au monde par les urnes transforma la petitesse en grandeur et la parcimonie en abondance, l’eau des sources en un vin doux. En Marie au contraire, la grandeur et la gloire de la divinité changèrent leur aspect en celui de la faiblesse et de l’ignominie. Ces bassins servaient aux purifications des Juifs: Notre-Seigneur y versa sa doctrine, pour manifester qu’il était venu selon la voie de la loi et des prophètes, mais en vue de tout changer par son magistère, comme l’eau devenue vin.
8. Tout homme sert d’abord le vin doux, puis un vin quelconque (Jn 2, 10); il indiquait ainsi que l’économie précédente était déjà un grenier de provisions, car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et les vérités ont été réalisées par Jésus (Jn 1, 17). L’époux terrestre a invité l’époux céleste, et le Seigneur, prêt pour les noces, s’y est rendu. Ceux qui étaient assis à table ont invité celui qui installe les mondes dans son royaume, et il leur a envoyé un cadeau de noces réjouissant; ses richesses n’ont pas eu horreur de leur pauvreté. Ils n’avaient pas assez de vin, même ordinaire, pour leurs invités, et s’il ne leur avait pas versé un peu de ses richesses, ils se seraient levés de table assoiffés et tristes.
9. En retour de leur invitation, il les invita aux noces. Mais, autant il avait multiplié sa participation à leurs repas, autant leurs âmes eurent horreur de sa table, comme leurs pères de la manne. Des anges ont mangé à la table d’Abraham et de Lot; de même Notre a mangé et bu avec eux sans répulsion. Ils l’ont invité, et il est venu à eux; puis lui-même les a invités, et ils ne sont pas venus à ses no ces. Ils l’ont appelé et il n’a pas refusé de venir; lui-même les a appelés et ils ont refusé son repas. Il a honoré ses invités, et ils ont méprisé ceux qui les invitaient. Il a réjoui les convives, et ils ont tué ses serviteurs (Mt. 22, 1-6). Il a comblé la disette des noces, et ils n’ont rien fait des nourritures qu’il leur avait données. Il les a réjouis d’un vin doux, et ils l’ont exaspéré et provoqué à la colère (Dt. 32, 13-19); au lieu de vin doux, il lui ont donné du vinaigre et du fiel (Ps. 69, 22; Mt. 27, 48 et 34).
10. Il avait été invité, mais il ne vint pas avec les invités. Ils vinrent avant lui absorber le vin ordinaire, pour qu’il vînt ensuite et apportât le vin doux. Il fut invité avec eux, sans qu’il eût distinction entre son aspect et le leur. Mais il fit un signe admirable, pour qu’il leur devînt évident qu’il n’était pas leur égal par sa nature. Si son apparence leur faisait soupçonner qu’il était comme eux, lui-même leur apprit, par son signe admirable, qu’il était plus grand qu’eux. Sans mot dire, il changea l’eau en vin, afin que son divin silence éveillât ses gais hérauts, et que le maître de table proclamât avec joie cette heureuse nouvelle aux convives; car le vin, par sa nature, réjouit. L’ordre de Jésus avait exécuté cela avec rapidité, et le bouquet de ce vin dépassait celui de tout autre vin; aussi demandait-on et recherchait-on qui en était l’auteur.
11. Il était revenu triomphant du combat au désert; les noces le reçurent avec joie le troisième jour. Il manifesta ainsi qu’après le choc des combats, il y a de la joie pour les vainqueurs, et que lui-même, bien qu’invité comme un étranger, était le maître des noces, parce que, par sa parole qui comble tout besoin, il avait remédié à ce qui manquait aux noces. Il n’a ni présenté d’autres créatures, ni agi avec les mêmes vieilles choses, en les gardant telles qu’elles étaient; en effet, sans donner à boire de l’eau au lieu de vin, il a évité de sortir du cercle des créatures; il a créé du vin à partir de l’eau créée.
12. Il n’a donc pas amené là quelque créature étrangère, mais il a transformé les mêmes créatures antérieures, afin de manifester par là qu’il en est le maître, et pour que l’on sache, par le fait qu’il ne les dédaignait pas, qu’elles ne sont ni méprisées, ni réprouvées.
Bien plus, à la fin des temps, ces mêmes créatures seront renouvelées, parce que cette volonté qui, par un ordre, a changé rapidement de l’eau commune en vin doux, a la puissance de rendre à toutes les créatures, dans la consommation finale, une inexprimable saveur. Il a encore manifesté, par cette transformation de la vulgarité en joie, qu’aucune créature n’est mauvaise par nature et que leur Créateur est sage par nature. Car il a su qu’il était nécessaire qu’elles fussent créées, en vue de l’épreuve et de la création, afin que, par elles, les justes fussent éprouvés et couronnés, et que les méchants fussent corrigés et perçussent quelque profit. Celui qui a commandé au feu qui consume et, de moyen de perdition, en a fait une consolation(Dan 3, 49-50), celui-là, a la fin des temps également, commandera aux choses pernicieuses et les rendra utiles, aux choses mauvaises et les fera porteuses de joie. Il a d’abord habitué la bouche au goût de son vin, pour séduire ensuite les oreilles et les amener au goût de sa douce doctrine.
Les temps sont consommés
13. Les temps sont consommés (Mc 1, 15), c’est-à-dire la somme des générations. Premièrement d’Adam à Noé, avec l’alliance que constitua la famille des Séthites quand ils se séparèrent et s’écartèrent de la famille des Caïnites. Ensuite de Noé à Abraham, quand défense fut faite de manger du sang: Je vous ai tout donné comme l’herbe du champ; cependant, ne mangez pas le sang, c’est-à-dire, l’âme, et la chair étouffée (Gn. 9, 3-4). En troisième lieu d’Abraham jusqu’à Moïse par la circoncision mais sans la loi, et finalement, par la loi, de Moïse jusqu’à la naissance du Christ. Et désormais les temps sont consommés; plus personne ne modifie ni n’ajoute rien.
14. La première période, jusqu’à Noé, offrit le sacrifice volontaire d[‘Abel: Il nous consolera par ses sacrifices (Gn. 5, 29). Noé offrit un autre sacrifice sur l’autel qu’il construisit sur le mont des Cordoues (Gn. 8, 20-22); Abraham en offrit un autre sur le mont des Amorrhéens (Gn. 22, 1-18); Jacob un autre à Béthel (Gn. 28, 10-22); Josué un autre encore lors du passage du fleuve du Jourdain (Jos. 8, 30-31); un autre fut aussi offert à Silo, où résidait le tabernacle (I Sam. I, 3-21; 2, 12-19); Salomon offrit un autre sacrifice dans le premier temple de Jérusalem (I R. 8, 62-64). Et ce fut enfin le sacrifice du Christ, qu’il a établi dans son Église jusqu’à la fin des temps, et qui ne connaîtra pas de changement. C’est pourquoi: "Les temps sont consommés", parce que dès à présent, le royaume des cieux est prêché (Mc 1, 15). Ou bien encore: "Les temps sont consommés", c’est-à-dire les temps d’Israël.
15. Ses disciples baptisaient (Jn 4, 2), parce qu’ils avaient eux-mêmes été baptisés; ils n’auraient pas pu baptiser les autres, si eux-mêmes ne l’avaient été. Du reste cette parole l’indique: A ceux qui ont été baptisés, plus rien n’est nécessaire (Jn 13, 10). Si tu veux, tu peux comprendre cela en ce sens qu’ils avaient été baptisés dans l’eau. Sinon, voici qu’il leur a dit encore: Vous êtes purs à cause de ma parole, que je vous ai dite (Jn 15, 3). Concède donc que la parole du Christ fut pour eux un baptême, puisque le baptême est sanctifié par la même parole; comme Jean fut sanctifié par le commandement qu’il reçut, ainsi le baptême qui lui avait été confié a été sanctificateur.
16. D’autres disent: Quand il leur a donné son corps, ce fut pour eux un baptême. En effet, s’ils avaient baptisé ou avaient été baptisés sans avoir foi dans son corps et dans son sang, comment à l’avance aurait-il pu dire: Si vous ne mangez de sa chair et ne buvez de son sang, vous n’avez pas la vie (Jn 6, 53)? Et comme ils s’irritaient, il dit aux douze: Voulez-vous, vous aussi, me quitter? Simon lui dit: Nous avons cru et nous avons connu (Jn 6, 67-69). Ils crurent là où les Juifs n’avaient pu croire, ni même écouter.
17. Il choisit Jacques le publicain , pour stimuler ses collègues à venir avec lui. Il vit des pécheurs, il les appela et les fit asseoir près de lui. Spectacle admirable: les anges sont debout, tremblants, alors que les publicains, assis, se réjouissent! Les anges sont frappés de crainte à cause de sa grandeur, et les pécheurs mangent et boivent avec lui! Les scribes suffoquent d’envie, et les publicains exultent à cause de sa miséricorde! Les cieux virent ce spectacle et l’admirèrent; les enfers le virent et délirèrent; les scribes le virent et en furent troublés. Il y avait de la joie dans les cieux et de l’allégresse chez les anges, parce que les rebelles avaient été domptés, les indociles soumis et les pécheurs amendés, et parce que les publicains avaient été justifiés. Malgré les exhortations de ses amis, il n’a pas renoncé à l’ignominie de la croix et, malgré les moqueries de ses ennemis, il n’a p[as renoncé à la compagnie des publicains, mais il a méprisé la moquerie et dédaigné la louange, contribuant ainsi au mieux à l’utilité des hommes.
18. Toute la nuit, dit Simon, nous avons travaillé (Lc 5, 5). Par ces paroles est insinué le mystère des prophètes, la doctrine qui tombe du ciel dans le monde, représenté par la mer. Les deux barques (Lc 5, 2.7) sont la circoncision et le prépuce. Ils faisaient signe à leurs compagnons (Lc 5, 7); ce qui annonce le mystère des soixante-douze disciples, parce que les apôtres ne suffisent pas à la pêche et à la moisson.
19. Notre-Seigneur vit leur foi, et il lui dit: que tes péchés te soient remis (Mt. 9, 2). Vois donc ce que la fois des uns accomplit pour les autres. Le Seigneur n’a pas demandé la foi au malade, car c’était un édifice fragile, – il n’avait jamais songé à son âme –, de même qu’il n’a pas demandé la foi au fils unique, mais à son père (Lc 9, 38; Mc 9, 23-24), ni à la fille, mais à sa mère: Même les chiens, dit celle-ci, sont rassasiés (Mt. 15, 27). Aie donc soin de notre âme, car ce que nous demandons, c’est qu’elle ne languisse pas comme celui-là languissait à cause de ses péchés. La parole du Seigneur universel lui parvint, elle le purifia, et le guérit; elle le purifia de ses péchés cachés, et elle guérit sa chair visible. On put alors croire, par ce qui était visible et par ce qui était caché, qu’il était Dieu dans le secret et homme visible; à cause de son humanité, il apparut clairement qu’il était homme et, à cause de sa grandeur intérieure, on put croire qu’il était Dieu.
20. Que tes péchés te soient remis. Quels péchés a-t-il remis? Ceux qu’il avait commis contre lui-même, c’est-à-dire contre Dieu. Notre-Seigneur n’était nullement opposé à la loi; quelle dette immense ne contractaient-ils donc pas, soit envers lui, soit envers son Père, ces hommes qui ne l’agréaient, ni pour la puissance de ses œuvres, ni pour sa justice, ni pour la beauté de ses préceptes!
Et les péchés dont les hommes étaient coupables auprès du Dieu de la loi, comment Jésus les remettait-il, s’il n’était pas uni à Dieu par la naissance? N’est-il pas bien clair qu’il est son Fils? Parce que le paralytique avait péché contre Dieu, il avait été, selon l’enseignement de Jésus, puni dans sa chair. Les paroles: "Que tes péchés te soient remis" n’ont de raison d’être que si le paralytique devait sa maladie et son infirmité à ses péchés. Pourquoi le Seigneur aurait-il remis les péchés, si le paralytique n’était pas son débiteur? Et quel avantage y avait-il pour le paralytique dans ces paroles: "Que tes péchés te soient remis", si, non remis, ceux-ci ne lui avaient aucunement nui, la miséricordieuse bonté du Seigneur lui épargnant, une fois pour toutes, le châtiment?
21. Les pharisiens et les scribes murmurent, et disent que vous mangez et buvez avec les pécheurs et les publicains (Lc 5, 30). Et Notre-Seigneur répondit: Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais les malades, et je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Lc 5, 31-32). Sans aucun doute, il y avait en Israël des gens sains et justes; ce n’était pas à eux surtout que s’adressait l’effort ardu de Jésus en vue de guérir les hommes et de les justifier. Parmi les païens eux-mêmes, il y avait aussi des gens sains et justes aux yeux du Créateur. Ce ne sont pas eux qui ont le plus urgent besoin de celui (le Christ) qui vient maintenant, car "ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin", ni les justes de la grâce.
22. Tout le temps que Notre-Seigneur a passé en ce monde, il l’a comparé à des noces, et lui-même à l’époux: Il ne sied pas aux compagnons de l’époux de jeûner tant que l’époux est avec eux. (Mc 2, 19).
23. Voici maintenant que tes disciples font le jour du sabbat ce qu’il n’est pas permis de faire (Mt. 12, 2). Mais le Seigneur les avait déjà habitués et exercés à la vérité des justes, afin que, lorsqu’il enfreindrait la loi par sa plénitude, ils ne s’étonnent nullement. Son Père, du reste, y avait manqué également (Jn 5, 17), pour manifester que la création lui appartient, qu’il y a un gouvernement de la loi et que cette liberté était le remède à la séparation, proposé par le vrai médecin pour guérir les douleurs qui couvraient les hommes des pieds à la tête (Is. 1, 5-6).
Ils se mirent à arracher des épis, à la broyer et à les manger (Lc 6, 1). Ces actes furent accomplis comme une norme et un exemple. En effet, la loi ne permet pas de manger des prémices, tant qu’on ne les a pas offertes à l’autel. Mais eux, avant la moisson, prirent le fruit des prémices réservées aux prêtres. Les pharisiens n’eurent pas l’habileté d’en accuser les disciples, mais ils les réprimandèrent pour avoir transgressé le sabbat.
24. Notre-Seigneur leur proposa le clair exemple de David (Mt. 12, 3-4; I Sam. 21, 1-7) qui, puni pour une autre chose, ne le fut pas (II Sam. 11, 1-27) pour celle-là: Il n’était pas permis à David, dit-il, de manger les pains de proposition, parce qu’il n’était pas prêtre. Prêtre, David l’était pourtant parce que temple de l’Esprit. Et comme ils n’avaient pas encore compris, il leur opposa cette claire déclaration: Leurs prêtres, à l’intérieur du temple, transgressant le sabbat, et ils sont sans péché (Mt. 12, 5).
Le Seigneur nous montre ici autre chose encore. Avant d’être persécuté, David n’osa pas s’approcher des choses saintes; mais quand il eut subi la persécution, alors, d’autorité, il les prit et les mangea. De la même manière, Notre-Seigneur, après les persécutions qu’il subit, donna sa chair à ses disciples et son sang à ses fidèles: Le sabbat est fait pour l’homme(Mc 2, 27), car il est le repos après six jours de travail; c’est pourquoi "il est fait pour l’homme", car c’est à cause de lui qu’il a reçu son nom. Ce n’est pas pour Dieu que le sabbat a été fait, mais "pour l’homme"; et celui qui le donne en est le maître (Mc 2, 28).

1. Au moment où Notre-Seigneur distribuait l’enseignement des béatitudes, il regardait ses disciples: Jésus leva les yeux vers eux, et il commença à dire: Bonheur soit à ceux qui sont pauvres dans leur âme (Mt. 5, 3), c’est-à-dire aux pauvres qui se sont dépouillés. Et pour qu’ils ne s’enorgueillissent pas de cette pauvreté, il dit: Bonheur aux doux (Mt. 5, 4). Moïse était plus doux que tous les fils de son peuple (Nb. 12, 3) et: Qui regarderai-je, et en qui habiterai-je, sinon dans les doux et les humbles de cœur?(Is. 66, 2) et: Souviens-toi, Seigneur, de David et de toute sa douceur (Ps. 132, 1); et: Faites-vous mes disciples, parce que je suis doux et humble, et vous trouverez le repos pour vos âmes (Mt. 11, 29). Bonheur soit à celui qui aura faim et soif de justice (Mt. 5, 6), selon ce que dit le prophète: N’ayant pas faim de pain, ni soif d’eau, mais d’entendre la parole de Dieu (Amos 8, 11). Bonheur soit à ceux qui sont purs de cœur, parce qu’ils verront Dieu (Mt. 5, 8), comme le prophète l’a demandé dans sa prière, disant: Crée en moi un cœur pur, ô Dieu (Ps. 51, 12). Le cœur des justes est pur: Ils verront Dieu, comme Moïse. Bonheur soit à ceux qui sont purs de cœur, car le cœur est l’organe de la respiration, et il ne cesse de battre; pendant la vie, s’il est saint, il envoie la sainteté à tous les membres: Dans le cœur sont toutes les pensées mauvaises (Mt. 15, 19). Bonheur soit à ceux qui pleureront, car ils riront(Mt. 5, 4; Lc 6, 21) selon ce que dit l’apôtre: Si nous souffrons avec lui, nous serons aussi glorifiés avec lui (Rm. 8, 17). Bonheur soit aux pacifiques, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu (Mt. 5, 9), selon ce que disaient les anges au temps où ils annonçaient la bonne nouvelle: Gloire dans les hauteurs à Dieu, et paix sur las terre (Lc 2, 14); il a fait paix, par le sang de sa croix, tout ce qui est dans les cieux et tout ce qui est sur la terre (Col. 1, 20). Et, quand il envoyait ses apôtres, Jésus leur disait: Dans la maison où vous entrez, dites d’abord: paix à cette maison (Lc 10, 5; Mt. 10, 12). Les pacifiques sont "appelés fils de Dieu", selon cette parole de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu (Rm. 8, 14). Bonheur soit à ceux qui souffrent persécution à cause de la justice (Mt. 5, 10), selon la parole du Seigneur: Ils vous persécuteront et vous livreront (Lc 21, 12), et celle de l’apôtre: Ceux qui voudront vivre selon la justice de Jésus-Christ, eux aussi souffriront persécution (II Tm. 3, 12). C’est pourquoi, quand les apôtres étaient méprisés, ils étaient joyeux d’avoir été rendus dignes de souffrir l’injure à cause de son nom (Ac. 5, 41), comme le Seigneur le leur avait prescrit: Exultez et soyez dans la joie, car votre récompense est grande dans le ciel (Mt. 5, 12), et: En ce jour-là, réjouissez-vous (Lc 6, 23).
2. Malheur à vous, riches (Lc 6, 24). Pourtant, Jésus n’a pas étendu sa malédiction à tous les riches. C’est comme lorsqu’il dit: Bonheur soit aux pauvres (Mt. 5, 3), il ajoute dans leur âme, pour ne pas étendre la béatitude à tous les pauvres; de même ici, quand il dit: Malheur à vous, riches, il désigne ceux qui ne cherchent que les richesses.
Les béatitudes ne sont pas promises comme de simples titres; elles ne sont obtenues que par ceux qui en remplissent les conditions. N’importe qui peut obtenir des titres, et sous n’importe quel prétexte, mais l’œuvre signifiée par le titre existe chez celui qui ne veut pas que sa réputation dépasse son mérite. Chaque béatitude est promise à une œuvre, et chaque don est promis à celui qui en mérite la récompense par le travail. La récompense est annoncée en même temps que l’œuvre, et la peine en même temps que la transgression. De même que, par l’association de l’œil et du soleil, apparaît tout ce qui est visible dans le ciel et sur la terre, ainsi le Dieu vivificateur est la lumière des vivants. Quand il s’unit l’intelligence, il l’élève vers les hauteurs et lui montre les choses cachées, il la fait descendre dans les profondeurs et lui montre les choses secrètes. C’est pourquoi: Vous êtes la lumière du monde (Mt. 5, 14), et: Vous êtes le sel de la terre (Mt. 5, 13).
3. Il dit aux scribes et aux pharisiens présents, qui cherchaient une raison pour l’accuser: Je ne suis pas venu abolir la loi ou les prophètes, mais la parfaire (Mt. 5, 17); la perfection est nécessaire à l’imperfection. Et il indique quelle est cette perfection: Maintenant, voici que nous montons à Jérusalem, et tout ce qui est écrit à mon sujet s’accomplira (Lc 18, 31). Des imperfections, l’apôtre a dit: Les choses anciennes sont passées (II Co. 5, 17). Mais, à ceux qui sont baptisés, immergés en vue de l’augmentation de la vertu, et renouvelés par l’abondance du secours divin, le Christ dit: Il est plus facile au ciel et à la terre de passer, qu’à une virgule de la loi de tomber (Lc 16, 17), et: Quiconque transgressera un des commandements du Nouveau Testament… (Mt. 5, 19).
4. A celui qui frappe la joue, tends encore l’autre côté (Lc 6, 29; Mt. 5, 39). Il s’avère ainsi que ce précepte: Gifle pour gifle (Ex 21, 24; Lv. 24, 20; Dt. 19, 21) est imparfait relativement à la vérité instaurée et confirmée au temps de la grâce: Si votre justice n’est pas trouvée plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous ne pouvez pas entrer dans le royaume des cieux (Mt. 5, 20). A ceux-là, il a été dit de ne pas vous mettre en colère; à ceux-là il a été dit de ne pas commettre l’adultère, à vous il est dit de ne pas avoir de mauvais désirs; à ceux-là il a été dit: "Gifle pour gifle", mais ici il est dit: "A celui qui te frappe ta joue, tends encore l’autre côté". Et il enseigne la même chose d’une autre manière: Quand tu fais une offrande sur l’autel, abandonne ton offrande et va te réconcilier (Mt. 5, 23-24); la justice impose bien davantage de ne pas tirer vengeance d’un transgresseur que de ne commettre aucune négligence dans le sacrifice. La loi ordonne et dit: Ne glane pas après les moissonneurs dans ton propre champ, et ne secoue pas les oliviers une seconde fois, et ne grappille pas dans la vigne, mais que cela soit pour les pauvres (Lv. 19, 9-10). C’est adressé à ceux qui sont sous la loi, mais à ceux qui sont chrétiens, Notre-Seigneur a dit davantage: "Si votre justice ne se trouve pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous ne pouvez pas entrer dans le royaume des cieux".
5. Vous avez entendu qu’il a été dit: Ne tue pas, car celui qui tue est passible d’un jugement. Mais moi, je vous dis: Celui qui appelle son frère sot… (Mt. 5, 21-22), parce que cette épithète, à cause de sa grossièreté, offense les hommes simples, ceux qui, au lieu de connaître, comme les sages, le cours des pensées, ne connaissent que le cours des temps. Notre-Seigneur a voulu introduire les parfaits parmi les parfaits, c’est-à-dire parmi les anges. Au regard de la sainteté de Notre-Seigneur, les justes sont coupables; ainsi doivent-ils se considérer les uns les autres. Notre-Seigneur a donné la liberté à l’homme de devenir l’imitateur de Dieu, afin qu’il possède par volonté ce que Dieu a par nature. Lui aussi, du reste, malgré ce qu’il possédait par nature, a vécu parmi les hommes selon la liberté.
6. Vous avez entendu qu’il a été dit: Ne commets pas l’adultère; mais moi je vous dis: Quiconque regarde et désire, a commis l’adultère (Mt. 5, 27-28; Ex. 20, 14). Comme il y en avait qui aimaient les richesses, les délices de la volupté et les paroles pernicieuses, Notre-Seigneur dit: Si ta main ou ton pied est pour toi occasion de scandale… (Mt. 18, 8)… Si je t’ai parlé même des membres de ton corps, pourquoi t’épargnes-tu les richesses, les délices ou les mauvaises paroles, qu’il est facile de supprimer? Si, en retranchant un membre, tu apaises en toi les injures, les blasphèmes et les inimités, pourquoi ne coupes-tu pas ta langue, puisque ce retranchement est nécessaire à l’apaisement de toutes tes douleurs? Ou tu as mal agi, ou tu n’as pas bien entendu. Ou tu n’as pas retranché le membre mauvais, ou tu as sottement compris le précepte. Du fait que tu ne t’es pas mutilé, tu donnes la preuve certaine que tu as mal fait; tu n’as pas coupé le membre, parce que tu as craint la douleur; tu as préféré transgresser le précepte que de perdre le membre.
7. Le blasphème cesse-t-il par l’ablation de la langue? S’il cesse, ceux qui ne se coupent pas la langue font-ils mal? S’il ne cesse pas, ceux qui l’ont coupée, ont-ils mal compris? Comment Notre-Seigneur ordonnerait-il de retrancher les membres qui, supprimés, provoquent la mort du corps, si, par là, un inconvénient certain n’était pas écarté? Ce ne sont pas les membres bien faits, unis par la divinité, qu’il faut retrancher, mais les mauvaises pensées, amassées par la liberté, conformément à la recommandation de Notre-Seigneur de lutter généreusement pour ne pas être vaincus, et selon ce que dit le prophète: Déchirez vos cœurs, et ne déchirez pas vos vêtements (Joël 2, 13). L’œil droit du riche, ce sont ses richesses; elles lui sont une occasion de chute qu’il ne retranche pas et ne rejette pas (Cf. Lc 12, 16-21; 16, 19-31; 18, 18-25). Et la main droite d’Hérode, c’était Hérodiade; au lieu de retrancher et de rejeter cette main souillée, il retrancha et rejeta une tête sainte.
8. Simon avait retranché et rejet tous les membres du vieil homme, de peur qu’ils ne lui soient une occasion de chute: Maintenant, voici que nous avons tout abandonné (Mt. 19, 27). Certes, ils n’ont laissé ni l’œil, ni l’oreille, ni le nez du vieil homme; il ne les ont ni arrachés, ni jetés. L’œil, c’est la concupiscence, nourrie par les yeux; l’oreille, c’est la calomnie, et ainsi de suite. De là vient la parole de l’apôtre: Mortifiez vos corps, c’est-à-dire la fornication (Col. 3, 5). L’œil droit, c’est encore l’amour, car l’homme désire la femme par amour quand il la voit, et les paroles de Notre-Seigneur visent cette situation. La main est l’instrument de nourriture, et le pied une aide. De la langue, le Paraclet n’a pas parlé, parce que le corps n’a pas deux langues. En outre, la langue ne voulait pas parler de sa propre suppression; cependant, par son silence, elle a parlé d’elle-même et contre elle-même.
9. Celui qui dit à son frère: Indigne, ou sot (Mt. 5, 22). Ta rétribution n’est pas assurée selon ton calcul; si tu dis de quelqu’un qui est adultère qu’il commet ce péché, tu ne retires rien de ta médisance, et lui n’en reçoit pas de châtiment plus grand que celui qu’il mérite. Si pourtant il tient compte de ce qu’on dit de lui et s’il fait pénitence, il en tire abondant profit, tandis qu’il t’arrive ce que te dit l’Écriture: Il lui adviendra selon ce qu’il a voulu faire à son frère (Cf. Lc 6, 31 et 38). La justice avec laquelle tu t’es hâté de lui donner son salaire ne sera ni paresseuse ni lente à te rendre ton propre salaire.
10. Il arrive donc que l’homicide qu’on reproche se retourne contre celui qui le souligne. De même l’adultère dont on accuse par calomnie revient sur celui qui a calomnié. L’idolâtrie du peuple d’Israël a été appelée un adultère envers Dieu. La calomnie n’est-elle pas, elle aussi, un adultère, une fornication de la vérité? Examine ces enseignements, et vois leur unité. Parfois, Satan pousse l’homme au mal par un de ses membres et il le bouleverse; d’autres fois, il met un mensonge dans la bouche des autres, il les souille, les pousse à dire des calomnies et ceux qui les entendent à y croire.
11. Vous avez entendu qu’il a été dit: Œil pour œil; mais moi je vous dis: Ne résistez nullement au méchant (Mt. 5, 38-39; Ex. 21, 24; Lv. 24, 20; Dt. 19, 21). Une fois terminés les temps prévus pour une première nourriture, l’aliment solide a été prêché. Il y a d’abord eu les temps de châtiment, parce qu’il convenait de dégager du mal le peuple d’Israël. Une fois finie cette fonction de justice, la miséricorde a manifesté son rôle de grâce. "Œil pour œil": c’est une œuvre de justice; A celui qui frappe ta joue tends encore l’autre côté: c’est une œuvre de grâce. Les deux œuvr