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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 16:05

St Sévère d'Antioche Partie II:

St Sévère d'Antioche

Il se moquait d’Horapollond’Asklépiodotos, d’Héraïskos, d’Aminonios et d’Isidore(lequel finit par être reconnu un magicien manifeste et perturbateur) et du reste des païens, (raillait) ce qui se passait à Ménouthis, les impudicités de toute espèce et la lubricité de la prêtresse Isis, affirmant qu’elle se livrait à la débauche avec quiconque le voulait, qu’elle ne différait en rien de la prostitué qui se donne au premier venu.

Les élèves d’Horapollon, qui étaient livrés à la folie des païens, ne purent pas supporter les sarcasmes et les reproches de Paralios. Aussi tombèrent-ils sur lui dans l’école même où ils étudiaient. Ils avaient attendu le mo men où peu de chrétiens étaient présents et oùHorapollon s’était éloigné.

C’était le sixième jour de la semaine, qu’on appelle vendredi’, pendant lequel tous les autres professeurs, pour ainsi dire, avaient l’habitude d’enseigner et d’expliquer chez eux. Paralios fut roué de coups; il en eut la tête toute meurtrie et tout son corps fut en quelque sorte couvert de blessures. Après avoir réussi, mais avec peine, à échapper en partie à leurs mains — il était de constitution robuste, — il chercha un refuge et du secours chez les chrétiens, tandis qu’une foule de païens l’entouraient et lui donnaient des coups de pied. Or, nous étions présents en ce moment, ayant cours de philosophie. Les philosophes ainsi qu’Horapollon avaient en effet l’habitude d’enseigner le vendredi dans l’école (σχολή) habituelle. Nous nous approchâmes au nombre de trois: moi, Thomas le sophiste, qui aime le Christ en toute chose (il est comme moi de Gaza) et Zénodote de Lesbos. Comme nous nous trouvions constamment dans les saintes églises avec ceux qu’on appelle (à Alexandrie) Φιλόπονοι, qui sont appelés en d’autres lieux zélateurs et dans d’autres encore compagnons, et que nous leur (aux élèves païens) paraissions dans une certaine mesure redoutables, nous nous approchâmes des perturbateurs qui étaient nombreux, et nous leur affirmâmes qu’ils n’agissaient pas bien du tout, en faisant souffrir de la sorte quelqu’un qui voulait, devenir chrétien. C’était, en effet, ce que criait Paralios. Les païens voulant nous tromper et nous tranquilliser par leurs témoignages disaient : « Nous n’avons pas affaire à vous, mais nous nous vengeons de Paralios comme d’un ennemi. »

Nous eûmes beaucoup de peine, à cause de certains perturbateur à arracher Paralios à ces mains meurtrières. Nous le conduisîmes aussitôt au lieu dit ῎Ένατον auprès des moines. Nous leur montrâmes les meurtrissures qu’il avait revues pour la religion chrétienne, leur fîmes savoir combien il avait souffert injustement pour avoir blâmé l’erreur des païens, et leur apprîmes qu’il avait offert au Christ comme de belles prémices les souffrances il avait endurées pour lui. Aussitôt, le grand Salomon (le supérieur d’Etienne et d’Athanase les illustres) prit des moines avec lui, alla à Alexandrie, et fit connaitre ce qui était arrivé àPierre, qui était à cette époque le patriarche de Dieu. Pierre était un homme très capable et d’une ardente piété. Il excita contre les païens la plupart des notables de la ville, au nombre desquels se trouvait aussi le sophiste Aphthonios qui était chrétien et qui avait beaucoup d’élèves. Aphthonios ordonna aux jeunes gens qui suivaient ses cours d’aller avec nous et, de nous aider. Nous décidâmes tous d’aller dénoncer ensemble les païens meurtriers à l’évêque (ἐπίσκοπος) Pierre. Celui-ci, après nous avoir adjoint son archidiacre (ἀρχιδιάκων) [diacre] et protonotaire qui est appelé en latin primicerius, nous envoya auprès d’Entrichios (Ἐντρέχιος) , qui, en ce temps-là, était préfet (ὕπαρχος) d’Egypte. Entrichios était un adepte caché des païens et l’assesseur qu’il avait comme σύμπονος, s’adonnait ouvertement au culte des démons païens. Ce dernier commença à nous outrager, puis il fit expulser la grande masse des jeunes gens, et ordonna qu’un petit nombre seulement exposassent l’affaire. Après le départ des élèves d’Aphtonios, nous restâmes au nombre de cinq : Pariolos qui, avant le baptême, était confesseur ; l’illustre Ménas que j ai mentionné plus haut : Zénodotos de Mytilène, ville de LesbosDémétrios de Suulmone (?), tous les quatre d’ardents champions (ἀγωνισταί) de la crainte de Dieu. A la suite de ceux-là, moi, je venais en qualité de cinquième. Lorsque le préfet (ὕπαρχος) eut appris la gravité de l’affaire, il ordonna que celui d’entre nous à qui cela plairait, rédigeât un acte d’accusation comme bon lui semblerait. Paralios écrivit alors, et accusa certaines personnes d’avoir offert des sacrifices païens, et d’être tombées sur lui comme des brigands.

Le préfet (ὓπαρχος) ordonna aux accusés de venir. Lorsque des membres du clergé (κλῆρος) et du corps (τάγμα) les Φιλόπονοι eurent appris l’affront fait à ceux qui avaient rivalisé de zèle pour le bien, qu’ils connurent les sacrifices, et les pratiques païennes qu’on avait osé accomplir. Ils se soulevèrent subitement contre les notables, et attaquèrent avec violence l’assesseur du préfet (ὕπαρχος) en criant : « Il ne convient pas que quelqu’un qui est de religion païenne soit un assesseur du gouvernement, et prenne part aux affaires du gouvernement, car les lois et les édits des empereurs autocrates (αὐτοκτάτορες) le défendent. » Le préfet eut de la peine à sauver son assesseur quand on le réclama. A nous, il ordonna de rester tranquilles. Dès lors le peuple se souleva tout entier contre les païens. Ceux qui avaient été accusés s’étaient en effet enfuis, à commencer par Horapollon, qui fut cause que tous les païens furent poursuivis. Le préfet, dans son amour pour eux, ne les avait pas inquiétés.

A la nouvelle de ces faits, le grand Étienne nous appela à Ἔνατον, au couvent deSalomon. Il demanda à Paralios s’il pourrait montrer les idoles païennes cachées àMénouthis. Paralios répondit qu’il les montrerait, qu’il livrerait l’autel et prouverait les sacrifices qu’on avait osé accomplir. Là-dessus, nous décidâmes de nouveau, avec le très illustre Salomon, d’aller faire connaître ces choses à l’évêque Pierre. Arrivés là, Paraliospromit devant Pierre de montrer les idoles, l’autel et les sacrifices, et de faire connaître le prêtre de l’erreur idolâtre. Le grand patriarche de Dieu, Pierre, nous donna alors des membres du clergé (κλῆρος) et invita par lettre ceux qui habitaient le couvent dit des Tabennésiotes   (Τεννησιώτης) situé à Canope, de nous aider à extirper et à renverser les dieux démoniaques des païens.

Après avoir prié comme il le fallait, on partit pour Ménouthis et on arriva à une maison, qui était alors totalement couverte d’inscriptions païennes (hiéroglyphiques). Dans l’un de ses coins, était bâtie une double muraille. Derrière cette muraille, étaient cachées les idoles. Une entrée étroite en forme de fenêtre y conduisait, et c’est par là que s’introduisait le prêtre pour accomplir les sacrifices. Voulant que notre recherche n’aboutît à rien, les païens, aidés de la prêtresse qui habitait cette maison-ils étaient en effet au courant du soulèvement qui avait eu lieu en ville, avaient bouché l’entrée avec des pierres et de la chaux. De plus, pour qu’on ne s’aperçût pas du caractère récent de la maçonnerie et qu’ainsi on ne découvrît la ruse et l’artifice, ils avaient placé devant cet endroit un meuble (σκευάριον) rempli d’encens (λίβανος) et de πόνανα (?),[3] et ils avaient suspendu au-dessus une lampe (κανδῆλα) qui brûlait alors qu’il faisait plein jour. Il en résulta que Paralios fut d’abord un peu troublé et embarrassé, ne sachant ce que l’entrée, en forme de fenêtre, était devenue. Il découvrit cependant, mais non sans peine, la ruse. Il fit alors le signe de la croix descendit la lampe, écarta le meuble et montra l’entrée qui était bouchée en ce moment avec des pierres, par une maçonnerie récente. Il demanda ensuite aux Tabennésiotes qui nous accompagnaient pour nous aider, d’apporter une hache, puis il chargea l’un d’eux d’ouvrir ce qui avait été fraîchement maçonné, et de faire apparaître l’aspect primitif (de l’ouverture). LeTabennésiote entra alors. Quand il vit la multitude des idoles et qu’il aperçut l’autel couvert de sang, il s’écria en égyptien: « Il n’y a qu’un seul Dieu », ayant voulu dire par là qu’il fallait extirper l’erreur du polythéisme nous tendit d’abord l’idole de Kronos qui était entièrement remplie de sang, ensuite toutes les autres idoles des démons, puis une collection variée d’idoles de toutes espèces, notamment des chiens, des chats, des singes, des crocodiles et des reptiles; car dans le temps les Égyptiens adoraient aussi ces animaux. Il tendit encore le dragon rebelle. Son idole était de bois, et il me semble que ceux qui adoraient ce serpent, ou plutôt que ce dernier en voulant être adoré de la sorte, rappelaient la rébellion des premières créatures, qui se fit par le bois (arbre), sur les conseils du serpent. On disait que ces idoles avaient été enlevées du temple qu’Isis avait jadis à Memphis par le prêtre de cette époque, quand on s’était aperçu que le paganisme avait perdu sa force, et qu’il était aboli. Elles avaient été cachées, comme nous l’avons dit. On espérait, espoir vain et futile, qu’on ne les découvrirait pas.

Nous livrâmes aux flammes, à Ménouthis même, celles d’entre les idoles qui, à cause de leur haute antiquité, étaient déjà en grande partie détériorées.

Les païens qui habitaient ce village pensaient, sous l’influence des démons qui les possédaient, qu’il n’était pas possible que l’on eût la vie sauve, si l’on infligeait quelque outrage aux idoles; ils croyaient que l’on périrait sur-le-champ. Nous voulûmes donc leur montrer par les faits que toute la puissance des dieux païens et des démons était brisée et abolie depuis la venue et l’incarnation du Messie, le Verbe de Dieu, qui souffrit pour nous volontairement la croix, afin de détruire toute la puissance adverse; car il a dit : J’ai vu tomber Satan comme un éclair du ciel, et je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions et toute la puissance de l’ennemi. Et ce fut pour ce motif que nous livrâmes une partie des idoles aux flammes.[4] Quant aux autres idoles, nous fîmes une description de celles qui étaient d’airain et qui étaient fabriquées avec un certain art ingénieux, ainsi que de celles qui étaient en marbre,[5] de toutes les formes, sans oublier l’autel d’airain et le dragon de bois. Puis nous envoyâmes cette description en ville, à Pierre,le patriarche[6] de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en lui demandant de nous apprendre ce que là nous avions à faire.

Ceux qui passaient pour être chrétiens à Μénouthis, et ceux qui faisaient partie du clergé de l’église de ce village, étaient, à l’unique exception de leur prêtre, tout à fait faibles dans leur foi, à ce point qu’ils étaient asservis à l’orque les païens leur donnaient pour qu’ils ne les empêchassent pas d’offrir des sacrifices aux idoles. Le soir du jour où nous fîmes ces choses étant arrivé, comme il leur fallait garder les idoles, après que la description en eut été faite, afin que personne ne les volât, ils déclarèrent qu’ils craignaient de souffrir quelque vexation diabolique en les gardant, et estimèrent que c’était à nous à les garder. De leur côté, les païens habitant Ménouthis pensaient et disaient que nous mourrions infailliblement pendant la nuit. Le prêtre, voyant la peur des chrétiens et des clercs, — c’était un bon fidèle que distinguaient les vertus de la vie monastique ainsi que celles de la vieillesse, et dont les mœurs étaient simples, — nous conduisit, après nous avoir offert un repas, dans l’une des chambres[7] de l’église, où étaient déposées les idoles. Il nous dit : « Je méprise à ce point les idoles que je les foule aux pieds et que je leur inflige tous les outrages, ne songeant nullement qu’elles sont quelque chose ». Puis il pria pour nous et nous invita à garder les idoles pendant toute la nuit, sans avoir peur. « Lui-même, disait-il, devait, comme d’habitude s’occuper du service de Dieu. »

Nous passons donc toute la nuit à garder les idoles. Nous chantions Que tous ceux-là soient confus qui adorent les ouvrages de sculpture et qui se glorifient dans leurs idoles; puis : Les dieux des nations sont des démons; mais le Seigneur est le créateur des cieux; puis : Les idoles des nations sont de l’argent et de l’or, c’est un ouvrage de la main de l’homme. Elles ont une bouche et ne parlent pas….., ainsi que les paroles qui suivent celles-ci et qui leur ressemblent.

Le matin, à notre lever, nous trouvons les païens étonnés de nous voir encore en vie. Tant le culte de certains démons et l’erreur étaient profondément enracinés chez eux! Nous courûmes alors de nouveau avec nos moines Tabennésiotes à la maison où les idoles avaient été trouvées et où les sacrifices avaient eu lieu, et nous la démolîmes de fond en comble. C’était là en effet l’ordre de l’archevêque.[8]

Le dimanche était arrivé, pendant lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ ressuscita du tombeau et brisa le pouvoir de la mort. Tout le peuple d’Alexandrie, à l’heure de la célébration de l’office, faisait entendre des milliers d’imprécations contre Horapollon, et il criait qu’on ne l’appelât plus Horapollon mais Psychapollon, c’est-à-dire « qui perd les âmes ». Hésychios, qui est admirable par ses vertus (c’est lui qui m’apprit ces choses; il a été dans le temps le chef des Φιλόπονοι, maintenant il est prêtre) avait excité tout le monde au zèle, avec l’aide de Ménas, dont nous avons parlé plus haut, qu’il nous avait semblé bon de laisser en ville. Le patriarche de Dieu fit connaître à tout le monde dans son allocution la description des idoles que nous avions envoyée, dans laquelle étaient indiqués la matière ὕλη) et le nombre des idoles qui avaient été trouvées. Là-dessus, le peuple s’enflamme, apporte toutes les idoles des dieux des païens, soit qu’elles se trouvent dans les bains (βαλανεῖον), ou dans les maisons, les place en tas et y met le feu.

Nous revînmes peu de temps après dans la ville. En même temps que les idoles, nous ramenions aussi leur prêtre avec nous. Il nous avait en effet été possible, avec l’aide de Dieu, de nous emparer également de lui. Vingt chameaux avaient été chargés par nous d’idoles variées, quoique nous en eussions déjà brûlé à Ménouthis, comme nous l’avons raconté. Nous les introduisîmes au milieu de la ville, sur l’ordre que nous reçûmes du grand Pierre. Celui-ci convoqua immédiatement auprès de lui, devant le Τύκαιον, le préfet d’Égypte, chefs des corps (τάξις) de troupes, et tous ceux qui étaient revêtus de quelque charge, ainsi que le sénat (βουλή), les grands et les propriétaires (= les possessores) de la ville. Quand il fut assis avec eux, il fit amener le prêtre des idoles et lui ordonna de se tenir debout en un certain endroit élevé. Puis, après qu’on eut exposé les idoles, il se mit à l’interroger. Il lui demanda ce que signifiait cette idolâtrie qui s’exerçait sur une matière (ὕλη) sans âme, lui ordonna de donner le nom de tous les démons et de dire quelle était la cause de la forme (σχῆμα) de chacun d’eux. En ce moment, tout le peuple était déjà accouru pour voir. Il écoutait ce qui se disait, puis se moquait des actions infâmes des dieux des païens que le prêtre faisait connaître. Lorsque l’autel d’airain fut arrivé ainsi que le dragon de bois, le prêtre confessa les sacrifices qu’il avait osé accomplir, et déclara que le dragon de bois était celui qui avait trompé Eve. Il tenait en effet cela, disait-il, par tradition, des premiers prêtres. Il avouait que les païens adoraient le dragon. Celui-ci fut donc aussi livré au feu, en même temps que les autres idoles. On pouvait alors entendre en quelque sorte tout le peuple crier:

-« Voilà Dionysos, le dieu hermaphrodite! Voilà Kronos qui haïssait les enfants ! Voilà Zeus, l’adultère et l’amant des jeunes gens ! Ceci, c’est Athéné, la vierge qui aimait la guerrececi, Artémis, la chasseresse et l’ennemie des étrangers. Arès, ce démon-là, faisait la guerre, et Apollon, c’est celui-là qui a fait périr beaucoup de gens. Aphrodite, elle, présidait à la prostitution. Il y a aussi parmi eux quelqu’un qui avait soin du vol. Quant à Dionysos, il protégeait l’ivresse. Et voici que parmi ces idoles se trouve également le dragon rebelle! Dans leur nombre, il y a encore des chiens et des singes, et, en outre, des familles de chats; car ceux-ci également étaient des dieux égyptiens. »

Le peuple se moquait aussi des autres idoles.

S’il y en avait parmi elles qui avaient des pieds et des mains, il les brisait et criait en plaisantant dans la langue du pays: « Leurs dieux n’ont pas de karoumtitin (?). Voici également Isis qui est venue pour se laver! »

Puis il accablait les païens d’une foule de plaisanteries de ce genre, et faisait l’éloge deZénon, de pieuse fin, qui tenait à cette époque le sceptre de l’empire; de Pierre, le grand patriarche, ainsi que des notables de la ville qui siégeaient avec lui. Ensuite tout le monde se retira en louant Dieu au sujet de la destruction de l’erreur des démons, et du culte des idoles. Quant au prêtre de la turpitude païenne, ordre fut donné de le garder en vue d’une enquête plus minutieuse.

Après ces événements, le grand Étienne, s’étant rappelé la fable de la femme stérile et de l’enfant supposé, et songeant quel grand menteur était Asklépiodotos, craignit que celui-ci ne trompât, en Asie, des gens avec cette insanité. Aussi le grand Salomon conseilla secrètement à l’archevêque d’ordonner qu’acte (πρᾶξις) fût dressé des dépositions (ὑπομνήματα) par ledefensor (ἔκδικος) de la cité, lorsqu’il demanderait que le prêtre des païens fût soumis à un interrogatoire au sujet de l’enfant. Cela fut fait, et le prêtre avoua toutes les choses que nous avons déjà racontées, car c’est de lui que nous les tenons. Quand l’imposture d’Asklépiodotos fut connue de tout le monde, l’illustre Étienne décida de son côté le grand Pierre à adresser une lettre synodale (συνοδική) à Nonnos, l’évêque d’Aphrodisias, dans laquelle il lui faisait connaître toutes les machinations des païens que le prêtre, lors de son interrogatoire, avait mises par écrit (?), au sujet de l’enfant supposé, et dans laquelle il l’exhortait à révéler à tous l’histoire de cette fable. Mais cette lettre synodale ne fut pas remise. Celui qui avait été chargé de la porter, avait été, à son arrivée en Carie, corrompu par un présent, comme nous finîmes par l’apprendre. Il s’ensuivit que les païens d’Aphrodisias crurent quelque temps que l’histoire de cette fable était vraie, jusqu’au moment où le juge Adraste s’émut de la chose — c’était un homme pieux, qui était le σχολαστικός du pays — et prit soin de faire venir d’Alexandrie en Carie, par l’entremise du préfet d’Égypte de cette époque, une copie de l’acte concernant cette fable.[9]

Paralios, après avoir offert à Dieu un exploit de ce genre, reçut le baptême de rédempteur lorsque la fête de Pâques arriva, en même temps que beaucoup de païens qui avaient été pleins de zèle pour l’idolâtrie jusqu’à leur vieillesse, et avaient servi longtemps les démons pervers. Avec lui fut aussi baptisé l’admirable Urbanus, qui est aujourd’hui, dans cette ville impériale,[10] professeur de grammaire latine,[11] et Isidore de Lesbos, frère deZénodotos que j’ai mentionné plus haut, ainsi que beaucoup d’autres. Il reçut le baptême, après avoir brûlé auparavant les formules d’invocation aux dieux des païens, c’est-à-dire, aux démons, qu’il possédait. Ceux-ci le tourmentant en effet avant le baptême divin et le remplissant d’épouvante pendant la nuit, depuis que les idoles avaient été brûlées, il m’avait fait venir chez lui, pour me demander ce qu’il devait faire. Je me rendis auprès de lui, ayant avec moi un livre des chrétiens et voulant lui lire l’homélie d’exhortation de Grégoire le Théologien (θεολόγος), relative au baptême rédempteur. Je le trouvai, à la suite d’une lutte avec les démons, tout en nage et très abattu. Il pouvait à peine respirer, disait-il, sous l’influence des paroles chrétiennes.

Je lui demandai s’il n’avait pas par hasard des formules d’invocation aux dieux des païens. Il avoua, lorsqu’il eut fait appel à son souvenir, qu’il possédait des papiers (χάρτης) de ce genre. Il m’entendit alors lui dire : « Si tu veux être délivré de l’obsession des démons, livre ces papiers (χάρτης) aux flammes. »

C’est ce qu’il fit aussi devant moi, et, à partir de ce moment, il fut délivré de l’obsession des démons. Je lui lus après cela l’homélie d’exhortation du divin Grégoire. 

Lorsqu’il eut entendu ces paroles : « Mais vis-tu dans le monde et es-tu souillé par les affaires publiques, et te serait-il pénible de perdre la miséricorde divine? Le remède est simple : si c’est possible, fuis le forum et sa belle société; attache-toi les ailes de l’aigle ou plutôt de la colombe, pour parler d’une façon plus appropriée. (Qu’y a-t-il, en effet, de commun entre toi et César, ou les affaires de César?)

Tu t’arrêteras là où n’existe pas le péché ni la noirceur, là où il n’y a pas de serpent qui mord dans le chemin et qui t’empêche de marche dans la voie de Dieu. Arrache ton âme de ce monde, fuis Sodome, fuis l’incendie, fais route sans te retourner de peur que tu ne te figes en pierre de sel, sauve-toi sur la montagne de crainte que tu ne périsses. » Lorsque, dis-je,Paralios eut entendu la lecture de ce passage, il s’écria : « Prenons donc des ailes et envolons-nous vers la philosophie divine avec[12] le baptême rédempteur. » Ce fut avec cette pensée qu’il s’approcha du divin baptême et qu’il fut initié aux mystères divins. Le huitième jour après le baptême, quand il devait quitter les vêtements des [nouveaux] baptisés, il emmena mon frère Étienne, qui étudiait les lettres et apprenait la médecine, vers l’allégresse de la vie monastique.

Il l’emmena pendant la nuit, à mon insu, parce qu’il m’avait trouvé trop faible, pour dire la vérité[13] courut avec lui à Ἐνατον, et alla au couvent du grand Salomon,auprès de l’illustre Étienne. Après avoir supplié ardemment son frère Athanase, il prit l’habit (σχῆμα) monastique et embrassa la philosophie divine, parmi eux, en même temps que mon frère.

Paralios s’occupa alors de ses deux autres frères, qui étaient païens à Aphrodisias. L’un d’eux était le σχολαστικός de la contrée, et s’appelait Démocharès (Δημοχάρης); l’autre s’appelait Proclos et était le sophiste (σοξιστής) de la ville. Il leur écrivit une lettre d’admonition, dans laquelle il leur raconta tout ce qui s’était passé. Il les exhortait à tourner immédiatement leur regard vers le chemin du repentir et à embrasser le culte d’un seul Dieu, je veux dire, de la Trinité sainte et consubstantielle. Il les engageait à apprendre par les faits quelle était la puissance du christianisme. Il leur rappela des histoires comme celle de la rébellion d’Illos et de Pamprépios. « Souvenez-vous, leur disait-il, combien de sacrifices nous offrîmes, comme païens, en Carie, aux dieux des païens, lorsque nous leur demandions, à ces prétendus dieux, tout en disséquant des foies et en les examinant par la magie, de nous apprendre si avec Léontios, Illos et Pamprépios et tous ceux qui se rebellèrent avec eux, nous vaincrions l’empereur Zénon, de pieuse fin.

Nous reçûmes alors une multitude d’oracles en même temps que des promesses, comme quoi l’empereur Zénon ne pouvait pas résister à leur choc, mais que le moment était venu où le christianisme se désagrégerait et disparaîtrait, et où le culte des païens allait reprendre. Cependant l’événement montra que ces oracles étaient mensongers, comme cela arriva pour ceux rendus par Apollon à Crésus le Lydien et à Pyrrhus l’Épirote. » — Et, continua-t-il, vous connaissez aussi les faits suivants « Lorsque nous sacrifiions dans la suite, dans ces lieux situés hors ville, nous restions privés de tout signe, de toute vision, de toute réponse, quoique auparavant nous fussions habitués à éprouver quelque illusion (φαντασία) de ce genre. En proie à la perplexité, nous recherchions et nous nous demandions ce que cela voulait dire.

Nous changions les lieux des sacrifices. Malgré cela, les soi-disant dieux restaient muets et leur culte demeurait sans effet. Aussi, nous pensâmes qu’ils étaient irrités contre nous, et l’idée nous vint finalement que peut-être quelqu’un de notre suite avait une volonté opposée à ce que nous accomplissions. Nous nous interrogions donc mutuellement et nous nous demandions si nous étions tous du même sentiment. Nous trouvâmes alors qu’un jeune homme avait fait le signe de la croix au nom du Christ et qu’il avait rendu par là notre sollicitude vaine et nos sacrifices inefficaces, les soi-disant dieux fuyant souvent le nom [du Christ] et le signe de la croix.

Nous ne savions comment expliquer la chose. Asklépiodotos ainsi que les autres fornicateurs et magiciens se mirent alors à la recherche. L’un d’eux crut avoir imaginé la solution de la difficulté et dit : « La croix est un signe qui indique qu’un homme a péri de mort violente. C’est donc avec raison que les dieux ont en horreur des figures (σχῆμα) de ce genre. » — Après avoir rappelé ces faits à ses frères dans la lettre qu’il leur envoya, Paralios le serviteur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ajouta : « Et si cela est vrai, mes frères, et si ces dieux fuient ce qui rappelle et indique que des gens ont péri de mort violente, pourquoi dans les mystères relatifs au Soleil, les soi-disant dieux ne se manifestent-ils aux initiés que lorsque le prêtre produit une épée souillée du sang d’un homme qui a péri de mort violente? Aussi, les amis de la vérité peuvent-ils se rendre compte par ceci que le signe de la croix fait par le jeune homme sur son front a montré que les soi-disant dieux n’étaient rien. D’autre part, l’invocation du nom de Jésus-Christ, comme elle est l’invocation de Dieu et qu’elle inspire de la crainte aux démons pervers, a montré que celui qui a fui pouvait être vaincu.[14] Les meurtres violents des hommes sont très recherchés par les dieux des païens, vu que ce sont des démons pervers. Ils ressemblent à leur père le diable, au sujet duquel notre Sauveur a dit : Celui-là a été homicide dès le commencement.

C’est pour ce motif qu’ils ne consentent à faire leurs révélations qu’à la vue d’un homme qui a été tué violemment à la suite de leurs machinations, et qui provoque leurs indications. C’est encore pour ce motif qu’ils ont ordonné qu’on leur sacrifiât des êtres humains, comme le disent ceux qui ont raconté l’histoire de leur culte, et même Porphyre qui sévit contre la vérité. »

C’est par ces histoires et ces admonitions que Paralios cherchat détourner ses frères de l’erreur, sous l’inspiration du grand Étienne et de son frère Athanase. Lui-même s’appliqua avec une telle allégresse à la philosophie divine que beaucoup de jeunes étudiants l’imitèrent et embrassèrent la vie monastique dans le couvent de l’admirable Étienne, qui les prit tous dans les filets de la doctrine apostolique. Jean aussi eut le plaisir de jouir de son amitié. Chacun d’eux est aujourd’hui directeur dans ce couvent et égale en vertu ses prédécesseurs l’un d’eux avait été l’adjudant (βοηθός) de la cohorte (τάξις) du préfet (ὕπαρχος) d’Égypte,l’autre cultiva la vraie philosophie, après avoir étudié d’une façon remarquable la médecine et la philosophie profane. Le grand Étienne fut le maître d’hommes de cette valeur.

Quand, au bout d’un certain temps, Étienne, le maître commun de nous tous, fut retourné à Dieu, Paralios se rendit avec son frère, l’illustre. Athanase, en Carie, pour convertir ses frères; il y fonda une communauté chrétienne dont il abandonna, comme de juste, la direction à son frère et à son père. Peu de temps après, il partit pour « les tentes éternelles » et fut reçu dans le sein d’AbrahamAthanase vécut encore quelque temps. Il baptisa aussi en Carie beaucoup de païens, fit naître par sa conduite le zèle chez beaucoup de gens, puis il rejoignit le divin Étienne et Paralios, qui fut leur disciple commun, et parvint à la fin et à la félicité réservées à ceux qui ont vécu dans la crainte de Dieu.

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Mais que personne ne pense que cette histoire est étrangère à notre sujet. Nous avons pour but de montrer que l’accusation portée contre le grand Sévère n’est nullement fondée. Bien loin d’avoir jamais mérité l’accusation et le reproche d’idolâtrie, il était constamment avec ceux qui firent preuve de ce zèle contre les païens, et louait leur conduite. Il était chrétien par sa foi, mais n’était encore que catéchumène[15] en ce moment. Comme il s’appliquait alors à l’étude des sciences profanes, il ne put pas se montrer tel que tout le monde le vit en Phénicie. Cependant le fait suivant prouve qu’à Alexandrie également il était bien au-dessus de toute opinion païenne. Quelque temps après la destruction des idoles, le pieux Ménas, qui prophétisa à Sévère la dignité d’évêque, quitta la vie humaine. Il fit immédiatement route vers celui qu’il aimait, orné de nombreuses vertus : de la virginité de l’âme et du corps, de l’amour du prochain, de l’humilité, d’une charité parfaite, et d’une grande douceur.

A cette époque, j’étais affligé d’une maladie corporelle, et les païens pensaient que nous recevions notre châtiment pour ce que nous avions fait à leurs dieux, dans notre zèle pour la religion, et pour les idoles que nous avions brûlées. Ils répandaient le bruit que moi aussi je mourrais certainement cette époque. Lorsque, dans la suite, par un miracle dû à la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, j’eus été délivré de la maladie, je prononçai l’éloge de l’illustre Ménas dans un discours funèbre. J’y fis mention de la destruction des idoles païennes; j’y racontai leur anéantissement par le feu, devant tout le peuple de la ville; enfin, tout ce qui s’était passé, je le rappelai, comme il fallait, sur la tombe de celui qui, par sa grande aménité et son amour du prochain, faisait même l’admiration des païens, avant le zèle que l’on montra contre eux. Le grand Sévère se réjouissait tellement et éprouvait une si vive joie en entendant ce discours, et il se glorifiait à ce point des paroles proférées par moi contre les païens, comme de propres paroles à lui, qu’il m’applaudissait plus que tout le inonde. Pendant ce temps, les païens, que nous avions invités à venir écouter, et qui étaient venus sans savoir ce qui allait être dit, pleuraient en quelque sorte sur leurs malheurs, et l’un d’eux s’écria tout en colère :

-« Si tu avais l’intention de parler contre les dieux, pourquoi nous as-tu amenés auprès de la tombe de ton ami? »

J’ai été obligé de dire ces choses à cause du calomniateur en question. Car je ne cherche pas à raconter mes affaires, qui sont celles d’un homme plongé dans le péché et indigne d’écrire l’histoire non seulement du grand Étienne, d’Athanase et de Paralios, mais encore deMénas, ainsi que des amis de ceux-là qui rivalisèrent de zèle avec eux, et principalement deSévère, qui est la cause du présent opuscule, et dont nous allons également raconter le séjour en Phénicie.

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...A suivre...

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