Par Saint Grégoire de Nazianze (330-390), évêque et docteur de l'Église . Sermon 14, sur l'amour des pauvres, 27, 28, 39-40 ; PG 35, 891s (trad. Orval ; cf bréviaire 3e samedi de Carême)
T'imagines-tu que la charité ne soit pas obligatoire mais libre ?
Qu'elle ne soit pas une loi, mais un simple conseil ?
Je le voudrais bien moi aussi et le penserais volontiers. Mais la main gauche de Dieu m'effraie, là où il a placé les boucs pour leur adresser ses reproches, non parce qu'ils ont volé, pillé, commis l'adultère ou perpétré d'autres délits de cet ordre, mais parce qu'ils n'ont pas honoré le Christ dans la personne de ses pauvres.
Si vous voulez m'en croire, vous les serviteurs du Christ, ses frères et ses cohéritiers, tant qu'il n'est pas trop tard, visitons le Christ, servons le Christ, nourrissons le Christ, vêtons le Christ, accueillons le Christ, honorons le Christ, et non pas seulement en lui offrant un repas comme certains, ou du parfum comme Marie Madeleine, ou une sépulture comme Joseph d'Arimathie, ou les devoirs funèbres comme Nicodème, ou de l'or, de l'encens et de la myrrhe comme les mages.
« C'est la miséricorde et non les sacrifices » (Mt 9,13) que désire le Seigneur de l'univers, la compassion plutôt que des milliers d'agneaux gras.
Présentons-la-lui donc par la main de ceux qui sont abattus par la misère, et le jour où nous quitterons ce monde, ils nous « recevront dans les tentes éternelles » (Lc 16,9), dans le Christ lui-même, notre Seigneur à qui appartient la gloire pour l'éternité.
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Par Saint Césaire d'Arles (470-543), moine et évêque . Sermons au peuple, n°24 ; SC 243 (trad. SC p. 61s rev.)
Réfléchissez, frères, et voyez l'exemple de notre Seigneur, qui a fait de nous des voyageurs et nous a ordonné de venir jusqu'à la cité céleste (He 11,13s) en courant par la route de la charité.
Bien qu'il siège dans le ciel, par compassion pour ses membres qui peinent, car il est la tête des membres et du corps dans le monde entier (Col 2,19), il a dit :
-« Quand vous n'avez pas fait cela à l'un des plus petits d'entre les miens, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait ».
Quand il a changé Paul le persécuteur en prédicateur, il lui a dit du haut du ciel :
-« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9,4).
Saul persécutait les chrétiens : est-ce qu'il persécutait le Christ, qui siégeait dans le ciel ?
Mais le Christ lui-même était dans les chrétiens, souffrant avec tous ses membres, pour qu'en lui cette parole soit vraie :
-« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1Co 12,26).
Portons donc les fardeaux les uns des autres (Ga 6,2) ; là où est allée la tête, les autres membres sont destinés à aller.
Si notre Seigneur et Sauveur, qui a été sans péché, daigne nous aimer, nous pécheurs, d'une si grande affection qu'il affirme souffrir ce que nous souffrons, pourquoi est-ce que nous, qui ne sommes pas sans péché et qui pouvons racheter nos péchés par la charité, pourquoi est-ce que nous ne nous aimons pas d'un amour si parfait que nous compatissions par un sentiment de charité à tout le mal enduré par l'un d'entre nous ?
Une main ou un autre membre retranché du corps ne sent plus rien ; tel est le chrétien qui ne souffre pas du malheur, de la détresse ou même de la mort d'autrui.
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