Lettre aux Hébreux 7,23-27.
Mes frères, il y eut plusieurs prêtres, parce que la mort les empêchait de l'être toujours.
Jésus, au contraire, parce qu'il demeure éternellement, possède un sacerdoce qui ne se transmet point.
De là vient aussi qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, puisqu'il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur.
Tel est, en effet, le grand prêtre qu'il nous fallait, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, et élevé au-dessus des cieux ;
qui n'a pas besoin, comme les grands prêtres, d'offrir chaque jour des sacrifices d'abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, — car ceci, il l'a fait une fois pour toutes en s'offrant lui-même.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 10,1-9.
En ce temps-là, le Seigneur en désigna soixante-douze autres, et les envoya devant lui, deux à deux, dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller.
Il leur disait : La moisson est grande, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson.
Allez : voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni besace, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.
En quelque maison que vous entriez, dites d'abord : " Paix à cette maison ! "
Et s'il y a là un fils de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant de ce qu'il y aura chez eux, car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Et en quelque ville que vous entriez et qu'on vous reçoive, mangez ce qui vous sera servi ;
guérissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur : " Le royaume de Dieu est proche de vous. "

Par Saint François d'Assise
(1182-1226), fondateur des Frères mineurs
Première Règle, §8-9 (trad. Desbonnets et Vorreux, Documents, p. 62-64 rev.)
« Ni pièces de monnaie dans leur ceinture »
Le Seigneur ordonne dans l'Évangile : Gardez-vous soigneusement de tout attachement mauvais ; évitez soigneusement les préoccupations de ce monde et les soucis matériels (cf Mt 6,25). C'est pourquoi aucun frère, qu'il demeure dans une résidence ou qu'il soit en voyage, ne doit en aucune manière accepter lui-même ou faire recueillir pour son compte ni pièces d'or ni menue monnaie, et cela ni pour acheter des vêtements ou des livres, ni en guise de salaire pour aucun travail, ni sous aucun prétexte, sauf cas de nécessité évidente pour les frères malades. Car l'or et la monnaie, nous ne devons pas les considérer comme plus utiles ou précieux que les cailloux. Le diable s'emploie à aveugler ceux qui convoitent l'argent ou qui lui accordent plus de valeur qu'à des cailloux. Nous qui avons tout quitté, n'allons donc pas perdre pour si peu le Royaume des cieux (Mc 10,24.28). S'il nous arrive de trouver quelque part des pièces de monnaie, n'y faisons pas plus attention qu'à la poussière que nous foulons aux pieds : car cela est vanité des vanités, et tout est vanité (Eccl 1,2)...
Tous les frères s'appliqueront à suivre l'humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus Christ... Ils doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades et des lépreux, et des mendiants des rues. Lorsqu'il le faudra, ils iront quêter en nature. Qu'ils n'aient point honte : qu'ils se rappellent plutôt que notre Seigneur Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant tout puissant..., a été pauvre et sans abri, qu'il a vécu d'aumônes, lui, et la bienheureuse Vierge, et ses disciples.
« Aimez tous les saints, et cultivez soigneusement en vous cet amour. C'est une source sûre et abondante de progrès spirituels, une manière excellente de pratiquer la vie de foi, un salutaire et doux noviciat de la vie éternelle.
Vous pouvez bien avoir ici vos préférences, et, par suite, vos dévotions. Vous l'avez vu ailleurs, l'égalité absolue n'est ni dans les goûts de Dieu, ni dans l'esprit de l’Église. Usez donc de votre liberté, et suivez vos attraits. Si fort que vous aimiez l'un de ces saints, vous ne parviendrez jamais à exciter contre lui la jalousie des autres. Oh ! comme saint François d'Assise sera content de vous voir tendrement aimer saint Dominique ! Quelle joie vous causerez à sainte Thérèse, si vous avez une dilection spéciale pour sainte Gertrude ! Quel crédit vous assure auprès de saint Pierre votre particulière dévotion à saint Paul ou à saint Jean ; et enfin, comme le ciel tout entier applaudit, si vous affectionnez si fort saint Joseph, que vous paraissiez presque oublier tous les autres ! Je ne parle pas de Marie : ici, comme partout, elle a sa place à part. Allez donc où vous pousse la grâce et même la nature ; car, du moment que c'est aux saints qu'aboutissent ses pentes, la nature a bien le droit de vouloir qu'on les suive. Ai-je besoin d'ajouter qu'entre ces saints préférés, vos patrons de baptême ou de religion doivent occuper un rang d'honneur ?
Aimez les anges, ces magnifiques et ardents miroirs des perfections divines. Oh ! pour bien parler d'eux, il faudrait plus qu'un long discours. Michel, Gabriel, Raphaël : chacun de ces noms contient toute une théologie ; chacun est un monde immense de lumière, d'amour et de grâce. Aimez vos anges gardiens. Les saints docteurs ont dit, à leur sujet, des choses ravissantes. Quels protecteurs ! Quels guides ! Quels intercesseurs ! Quels amis ! L'amour que Dieu leur donne pour nous, nous force à dire : quels serviteurs ! Grâce à Jésus, la terre n'est pas stérile en dévouements ; aucun n'est comparable à celui de ces doux et complaisants esprits, pour les clients dont Dieu les charge. Le plus souvent, hélas ! que reçoivent-ils des hommes en échange ? C'est une honte ! Au moins cela leur vaut-il cette gloire d'être des modèles achevés d'affection humble et désintéressée. Tâchons que, quant à nous, ce ne soit pas là leur seul salaire. »
(Suite en bas de la "newsletter")
Mgr Charles Gay (1814-1891), De la vie et des vertus chrétiennes considérées dans l'état religieux, Tome III (chap. XVII), H. Oudin Frères, Poitiers - Paris, Huitième édition, 1878.

Chers amis. Aloho m’barekh
Pour ceux sont concernés de près ou de loin dans la destinée de notre Métropolie de l'Église Syro- Orthodoxe Francophone :
Je vous remercie pour vos bonnes prières et vous prie de vous maintenir, tels des veilleurs attendant l'aurore, en prières.
La réunion d'hier s'est fort bien passée.
Merci Seigneur ! Sachant que le bruit ne fait pas de bien et que le bien ne fait pas de bruit, l'heure est à la veille dans la prière assidue et la confiance en Dieu.
Nous partageons avec nos proches les photos souvenir de cet événement mémorable de manière à entretenir la flamme tout en respectant le silence contemplatif qui sied.
"En haut les cœurs ", tournés vers le Seigneur avec confiance : Dans la prière et le silence, nous obtiendrons toutes grâces ...
Dans un instant, je reprends la route pour la tournée pastorale en Bretagne, Vendée, et Charentes, Limousin et Creuse. Je rentrerai au Monastère pour le 17 ayant quelques rendez-vous médicaux.
Ainsi, jeudi et vendredi, je ne pourrai pas vus rejoindre par ces méditations quasiment quotidiennes. C’est pourquoi vous trouverez ici trois méditations successives pour vivre à la suite de nos frères aînés les saints et, avec les secours de leurs intercessions fraternelles, avancer à leur suite vers le Royaume et, pour ce faire, accueillir en chacune de vos vies, ce Royaume dont le Christ notre Chef nous assure qu’il est « au-dedans de vous »….
Merci à vous. Union de prières. Votre fidèlement dévoué. Aloho m’barekh (Dieu vous bénisse) !
+ Mor Philipose-Mariam
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Dear friends. Aloho m'barekh
For those are concerned in any way in the destiny of our Metropolis of Syro-Orthodox Church Francophone:
Thank you for your prayers and please keep you, like watchmen awaiting the dawn prayers.
Yesterday's meeting was very well spent.
Thank you Lord ! Knowing that the noise does no good and good makes no noise, it is time to sleep in constant prayer and trust in God.
We share with our loved the souvenir photos of this memorable event in order to keep the flame while respecting contemplative silence befitting.
"Top hearts" turned to the Lord with confidence in prayer and silence, we obtain all graces ...
In a moment, I take the road to the pastoral visit in Brittany, Vendee and Charentes, Limousin and Creuse. I return to the monastery for 17 having some medical appointments.
Thus, Thursday and Friday, I can not see the join by almost daily meditations. This is why you will find here three successive meditations to live after our older brothers saints, and with the aid of their intercessions fraternal forward following them towards the Kingdom and, to do this, welcome in each of your lives that Kingdom which Christ our Leader assures us he is "inside of you" ....
Thank you. Prayers Union. Your faithfully devoted. Aloho m'barekh (God bless you)!
+ Mor Philipose Mariam

L'âme qui aime Dieu trouve son repos en Dieu, et en Dieu seul.
Sur tous les chemins que parcourent les hommes dans ce monde, ils ne trouveront nulle part la paix
tant qu'ils n'espèreront pas en Dieu.
(Saint Isaac le Syrien)
(suite de la méditation d'en haut de la "newsletter")
« Formez avec les saints des intimités de grâce. Il y a de vraies constellations au firmament des âmes, des astres vivants et puissants que Dieu destine à être des centres, et autour desquels des étoiles, plus ou moins nombreuses et brillantes, viendront successivement se grouper, pour graviter ensemble dans une harmonie d'invention divine et former un système dans le système universel des cieux. Cela se fait au moyen d'affinités secrètes dont la gloire révélera la raison, mais qui se sentent déjà très bien dans la grâce. On en subit l'action, même à l'égard d'âmes vivant sur la terre. Souvent aussi c'est vers un bienheureux qu'elles tournent le cœur et la pensée. Elles se traduisent, sinon toujours par l'identité des états, du moins par la parité des attraits et la similitude des voies intérieures, d'où naît ordinairement une sympathie tendre et confiante pour la personne. Les mêmes vues font du bien ; on considère les choses sous le même jour ; on a faim des mêmes mets ; on parle le même idiome. C'est cela qui charme, épanouit et attire. Aussi on va à ces âmes tout droit, comme la fleur va au soleil ; et à mesure qu'on les approche et qu'on traite avec elles, on devient plus paisible et l'on est simplifié. Il est rare qu'une âme sérieuse et intérieure ait lu pieusement un certain nombre de Vies de saints, sans avoir ressenti pour l'un d'eux, sinon pour plusieurs, quelque chose de ce que nous disons là. Cette lumière ne fût-elle pas plus vive que la lueur du premier crépuscule, prenez garde de la négliger. En la suivant, l'âme mettra peut-être le pied dans un sentier qui, plus vite et plus sûrement que tout autre, la mènera au haut de la montagne. Qu'elle se lie ensuite de plus en plus avec cet être bienfaisant vers lequel elle est attirée ; qu'elle l'invoque, qu'elle aime à recourir à lui avec une confiance de sœur et d'enfant ; qu'elle lui parle dans ce lieu secret et sacré de la foi, comme on parle à quelqu'un dont un voile appendu empêche, il est vrai, de voir le visage, mais de la présence de qui on est indubitablement assuré. Qu'elle se livre aux mains de cet être, c'est-à-dire, à ses influences, les attirant sur elle par ses prières et sa piété. Qu'elle se pénètre de son esprit ; qu'elle étudie ses goûts, ses œuvres, et se rende activement fidèle à lui ressembler comme il se peut. »
(suite en bas de la "newsletter")
Mgr Charles Gay (1814-1891), De la vie et des vertus chrétiennes considérées dans l'état religieux, Tome III (chap. XVII), H. Oudin Frères, Poitiers - Paris, Huitième édition, 1878.

« Tout ce que nous venons de dire suppose deux choses : la première, qu'on lit la vie des saints ; la seconde, qu'on les imite. Les connaître, c'est le fondement de l'amour qu'on leur doit porter ; les imiter, c'en est le comble.
On ne peut pas trop vous conseiller de lire la vie des saints. C'est la grande école ; c'est l’Évangile vivant, c'est le christianisme en action, c'est la moisson sortant incessamment de ce grain de froment divin jeté en terre pour y mourir, et qui s'appelle Jésus. [...]
Quant à l'imitation des saints, on pourrait dire que c'est presque à quoi se réduit tout le christianisme ; et puisque ce dont il s'agit surtout ici, c'est de l'amour qui leur est dû, il est clair que cet amour ne serait ni vrai, ni utile, s'il n'aboutissait pas à cette ressemblance ; d'autant que rien ne saurait leur causer plus de joie.
Toutefois, soit pour l'imitation de leurs vertus, soit pour la lecture de leur vie, je vous dois un conseil d'une extrême importance. C'est une réserve, et cependant ne la redoutez point ; comme c'est la vérité qui la fait, elle ne va qu'au profit de l'amour.
Il s'agit, même en eux, surtout en eux, de chercher définitivement et d'imiter principalement Notre-Seigneur. C'est à lui seul que Dieu entend nous voir semblables. Jésus est l'image divine absolue, par suite le type universel, celui sur lequel nous sommes créés, celui sur lequel nous sommes régénérés. Aussi saint Paul l'atteste : c'est notre conformité avec lui qui est la forme même de notre prédestination (1). « Seigneur Jésus », lui chante chaque jour l’Église, en son hymne angélique, « vous êtes le seul saint (2) ». Les autres sont saints sans doute, mais d'une sainteté qu'ils lui empruntent et qui se mesure précisément à leur ressemblance avec lui. [...] Où il vous semble ne le trouver point, passez ; où vous le trouvez, demeurez, ne vous attachant définitivement qu'à lui seul. L'abeille qui se repose successivement sur les fleurs d'un parterre, n'y cherche rien que son butin : le butin pris, elle s'envole ; faites ainsi pour les saints ; ils sont les fleurs du jardin de Dieu : butinez-y Jésus. Vous ne pouvez leur faire ni un honneur plus grand, ni une joie plus exquise, ni tirer de vos rapports avec eux un profit plus intelligent. Ils ne regardent que lui ; ils ne se regardent qu'en lui ; ils ne vous appellent à eux que pour vous mener à lui : il est leur unique titre à réclamer votre attention, votre piété, votre étude ; et il n'y en a pas un seul qui ne vous dise avec saint Paul : « Imitez-moi, mais comme moi-même j'imite Jésus (3) ». Car, en somme, c'est de Jésus seul qu'il s'agit au ciel et sur la terre : il est l'Alpha et l'Oméga, le principe et la fin, la gloire de Dieu et celle des hommes, leur joie commune et éternelle. »
1. Rom. VIII, 29,30. - 2. Tu solus sanctus. Hymn. ang. - 3. I Cor. IV, 16.
Mgr Charles Gay (1814-1891), De la vie et des vertus chrétiennes considérées dans l'état religieux, Tome III (chap. XVII), H. Oudin Frères, Poitiers - Paris, Huitième édition, 1878.

Lu dans
"Lumière du Thabor"
Numéro 38
La conversion :
« À ta cène mystique, Seigneur, reçois-moi »
(Père Boulgakov. 1907-1908).

Je revins de l’étranger dans mon pays avec une foi dans mes idéaux désormais fissurée, ayant complètement perdu pied : sous moi, le sol se dérobait irrésistiblement. Je me livrais à un travail opiniâtre, posant « problème » sur « problème », mais au-dedans de moi ce qui fait vivre, croire, aimer, n’existait plus. La sombre résignation de Herzen régnait en moi... Mais plus tous mes nouveaux dieux me trahissaient, plus clairement se levaient en moi des sentiments apparemment oubliés : c’était comme si de célestes sons attendaient que s’écroulât la prison spirituelle que j’avais moi-même édifiée pour s’y engouffrer et apporter au prisonnier qui y étouffait la nouvelle de sa libération. Dans tous mes doutes et recherches théoriques, un seul motif revenait toujours plus clairement, un seul espoir caché, une question : et si ? Et ce qui s’était allumé dans mon âme pour la première fois depuis le Caucase, devenait de plus en plus fort, de plus en plus vif, et surtout, gagnait en précision : ce qu’il me fallait, ce n’était pas une « idée philosophique de la divinité », mais une foi vivante en Dieu, dans le Christ et dans l’Église. S’il est vrai que Dieu est, cela veut dire qu’est vrai ce qui m’a été donné dans mon enfance, mais que j’ai abandonné. Tel était le syllogisme religieux à demi conscient que proposait mon âme : rien ou... tout, jusqu’à la dernière petite bougie, jusqu’à la dernière petite icône... et le travail de mon âme se poursuivait sans relâche, invisible pour le monde et assez confus pour moi-même.

Je me souviens, c’était l’hiver dans une rue de Moscou, sur une place où il y avait du monde, soudain, s’alluma dans mon âme la flamme merveilleuse de la foi, mon cœur battait, mes yeux étaient embrumés de larmes de joie. Dans mon âme mûrissaient la volonté de croire, la décision de franchir, enfin, le pas, insensé pour la sagesse du monde, « du marxisme » et de tous les « ismes » qui l’ont suivi à... l’orthodoxie. Oh oui, c’est, bien sûr, un bond en direction du bonheur et de la joie ; entre les deux rives, il y a un précipice, il faut sauter. Et s’il me faut, par la suite, justifier ce saut auprès de moi-même et des autres, lui trouver un sens, je n’aurai pas assez d’un travail opiniâtre durant de nombreuses années dans les différents domaines de la pensée et de la connaissance. Et pour croire dans le concret de la vie, pour faire l’expérience de ce qui entre dans l’orthodoxie, pour revenir à sa « pratique », il me fallait encore parcourir un long, un très long chemin, me défaire de tout ce qui s’était collé à mon âme dans mes années d’errance. J’avais parfaitement conscience de tout cela, ne perdant pas la saine notion de la réalité, l’espace d’une minute. Néanmoins, sur le fond, la question était déjà résolue. Je regardais de l’autre rive le chemin qui s’étendait devant moi et c’était une joie d’en avoir conscience. Comment cela s’est-il fait et quand ? Qui le dira ? Qui peut dire quand l’amour naît dans l’âme et lui offre sa vision des êtres et des choses ? Mais, depuis un certain temps, je savais avec certitude que c’était déjà accompli. Et dès lors, mon âme fut rivée à une chaîne d’or. Cependant, les années passaient et je me morfondais toujours, ne trouvant pas en moi la force de franchir le pas décisif, de m’approcher du sacrement de pénitence et de la communion dont mon âme avait soif, toujours davantage. Je me rappelle comment, un jeudi de la première semaine de Carême, étant entré dans une église, (j’étais alors « député »), je vis les gens qui communiaient au chant bouleversant de « À ta cène mystique, Seigneur, reçois-moi »... Je me jetai, en larmes, hors de l’église et m’en allai errer en pleurant par les rues de Moscou, n’en pouvant plus d’impuissance et d’indignité. Et il en fut ainsi jusqu’au moment où je fus soulevé de terre par un bras puissant.

C’est l’automne. Un lieu désert, isolé, perdu dans la forêt. Une journée ensoleillée et notre chère nature du nord. Comme auparavant, trouble et impuissance dominent mon âme. Profitant d’une occasion, j’étais venu dans l’espoir secret de rencontrer Dieu. Mais une fois là, ma fermeté m’abandonna tout à fait... J’assistai aux vêpres, insensible et froid, et ensuite, quand commencent les prières « pour ceux qui se préparent à la confession », je m’élançai presque hors de l’église, et, comme Pierre, « sortant dehors, pleurai amèrement » (Lc 22, 62).
Je marchai, angoissé, sans rien voir autour de moi, en direction de l’hôtel et quand je retrouvai mes esprits, j’étais... dans la cellule d’un « starets ». On m’y avait amené, car j’étais parti dans une tout autre direction par suite de mon éternelle distraction encore aggravée par l’accablement où je me trouvais : mais en réalité – je le savais alors – à coup sûr, un miracle s’était produit... Le Père, voyant approcher le fils prodigue, une fois encore, s’était hâté lui-même à sa rencontre. J’entendis le starets me dire que tous les péchés sont comme une goutte d’eau dans l’océan de la miséricorde de Dieu. Je sortis de chez lui pardonné et apaisé, tremblant et en larmes, me sentant réintroduit, comme sur des ailes, dans l’enceinte de l’église. Je rencontrai, à la porte, mon compagnon de route, étonné et heureux, qui, tout à l’heure, m’avait vu, désemparé, quitter l’église. Il avait été le témoin involontaire de ce qui m’était arrivé. « Le Seigneur est passé », disait-il plus tard, avec attendrissement...

Et voici le soir, et de nouveau le soleil couchant, mais pas celui du sud, celui du nord. Les bulbes de l’église se dessinent nettement dans l’air transparent, et les fleurs automnales du monastère font de longues taches blanches. Vers le lointain bleuissant, les forêts s’éloignent à la file. Soudain, dans cette paix, comme venant du ciel, un son de cloche ; ensuite tout se tait, et, c’est seulement peu après que la cloche se met à sonner régulièrement et sans s’arrêter. On sonne pour les vigiles. Comme si c’était la première fois, comme un enfant qui vient de naître, j’entends l’appel des cloches et je sens en frémissant qu’il me convie moi aussi à l’église des croyants. Et le soir de ce jour de grâce, et plus encore, le suivant, à la liturgie, je regarde tout avec des yeux neufs, car je sais que, moi aussi, je suis appelé et que je participe réellement, avec les autres, à tout cela : c’est pour moi et à cause de moi que le Seigneur a été suspendu au bois et qu’il a versé son Sang très pur ; c’est pour moi qu’est préparée ici, par les mains du prêtre, la table sacrée ; je suis, moi aussi concerné par cet Évangile qui raconte la Cène dans la maison de Simon le lépreux et le pardon à la femme pécheresse qui a beaucoup aimé ; il m’est donné à moi aussi de goûter au Corps et au Sang très saint de mon Seigneur...
